Marien Defalvard est un auteur qui attise la curiosité, à plus d'un titre. Il y a tout d'abord ce nom et ce prénom qui n'auraient pas pu mieux convenir à un écrivain, surtout quand son style s'inspire fortement de la littérature classique. Il y a ensuite ce premier roman écrit très jeune (même pas dix-huit ans), mais qui donne l'impression d'avoir été rédigé par une personne trois fois plus âgée (et ça tombe bien, l'antihéros de ce livre a presque la cinquantaine, choix peu commun, encore une fois, pour un gamin comme Defalvard). Et il y a cette sensation, enfin, à chaque page (une sensation plutôt agréable) d'avoir entre les mains l'oeuvre d'un génie, comme un objet hors du temps déniché dans une brocante et qui vaudrait son pesant de cacahouètes.

Si Defalvard, lors de la sortie du "Temps Qu'on Existait", a (trop ?) volontiers été comparé à Rimbaud (personnellement, je le rapprocherais davantage d'un Proust vintage), c'est certainement dû au fait que pour son âge, son style place la barre très haut : sa richesse, son érudition et son originalité intrinsèques écrasent totalement la concurrence. Pompeux ? Je ne crois pas que ce soit le mot qui convienne. Bien sûr, c'est parfois un peu ampoulé, comme ce passage en Bretagne bourré jusqu'à l'overdose de phrases nominales qui a provoqué chez moi, je dois l'avouer, un certain écoeurement dont je ne me suis pas vraiment remis par la suite. Mais je crois qu'en fait, les gens ont tout simplement perdu l'habitude de ce type de romans, si bien qu'ils se retrouveront rapidement face à un faux-semblant : le type se la pète grave. J'ai juste envie de leur répondre que s'ils préfèrent des trucs écrits avec les pieds, tant pis pour eux ! Autre point commun avec le poète maudit : une sorte de désenchantement extrêmement précoce, qui n'est ni plus ni moins que le sujet du livre, d'ailleurs.

Ebloui par le style dès les premières pages, la lecture de ce roman démarre donc sous les meilleurs auspices. Le héros vit une enfance et une pré-adolescence idylliques, une vie de château à la fois bourgeoise et bohème, quand tout à coup le bonheur se gâte, la famille éclate et l'idéal de vie s'effondre. Sauf que le narrateur ne rebondit pas : il reste figé dans un hiver intemporel, une éternelle nostalgie. Que ce soit géographiquement ou psychologiquement, il n'est plus bien nulle part, se contentant de survivre à cette petite mort dont il ne se remettra jamais. Defalvard dirait quelque chose du genre : "pour lui, le futur n'avait plus d'avenir". Et ce blocage dans le passé donne l'impression, au fur et à mesure, de regarder un album rempli de photos jaunies... Un album beaucoup, beaucoup trop long. Vous l'aurez compris, "Du Temps Qu'on Existait", s'il brille par sa plume et son parfum de romantisme suranné, se casse les dents sur son récit qui ne décolle pas et passionne rarement. Une succession de lieux et de personnages se succèdent sans que l'on parvienne, hélas, à s'impliquer véritablement dans cette foire aux souvenirs qui finit par lasser bien avant terme.

Si vous avez déjà observé une peinture impressionniste de près, vous aurez une idée plus précise encore du problème : la technique fascine, mais à cette distance, le tableau est beaucoup trop abstrait pour être pleinement apprécié.
Psychedeclic
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le 1 déc. 2013

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