Critique personelle du « Cycle de l'Héritage » au travers celle du dernier volume, où tout se concré

L'attente a été longue, et beaucoup ne l'attendaient plus. Il est toujours difficile de terminer une série que l'on aime. L'expérience nous emplit d'un douloureux et étrange sentiment de vide, comme si une part de nous avait été arrachée au moment même où nos yeux se sont posés sur le dernier mot. C'est ce qui s'est passé pour moi aujourd'hui. La tétralogie du Cycle de l'Héritage prend fin avec le roman du même nom. Ici se termine le passionnant périple d'Eragon et de la dragonne Saphira à travers les différentes contrées sillonnant l'Alagaësia. Si l'Histoire est bien respectée, quelques défauts d'apparence minime peuvent néanmoins prendre une certaine ampleur pour un lecteur attentif et scrupuleux.



Personnellement, je trouve qu'Eragon est injuste envers Sloan dans sa décision de le condamner à ne plus revoir sa fille. En effet, cette punition, instaurée dans le volet précédent, avait alors des raisons d'être que personne ne niera et semblait tout à fait juste. Sloan craignait alors pour l'avenir de sa fille, qui était la prunelle de ses yeux, et à juste titre ! C'est cette colère et cet instinct de conservation envers sa progéniture qui lui dicta sa conduite inqualifiable, et si ses intentions n'étaient pas totalement mauvaises, il a alors amplement mérité sa punition. Cependant, les raisons entraînant la perfidie du boucher perdent de leur valeur dans le dernier tome de la saga.

Sloan n'aime certes pas Roran, mais celui-ci a désormais prouvé à maintes reprises qu'il était prêt à tout pour protéger sa famille et qu'il en avait les moyens en devenant un guerrier accompli. De même, Katrina et lui étant désormais mariés et possédant un enfant, il est tout à fait exclu que quiconque les sépare selon les propres coutumes de Carvahall. Enfin, on se rappellera que si Sloan refusait que sa fille épouse Roran, c'était parce qu'il était sans terre et sans famille. Sloan possède désormais la preuve que Roran possède une famille dont la situation est plus élevée qu'il n'aurai jamais osé l'espérer, puisqu'elle est constituée – outre sa femme et sa fille, Ismira – de deux Dragonnier : Eragon et Murtagh. De même, Nasuada a élevé Roran au titre de comte de Palancar, ce qui lui donne un contrôle total sur toute la vallée, et ce dernier dispose grâce à Orik d'une somme considérable pour bâtir un château sur la colline du chauve où il compte s'installer pour vivre en paix et en sécurité avec sa femme et sa fille. Autant dire tout de suite que si tout cela n'inhibe pas l'aversion de Sloan à l'égard de son gendre, il ne peut certes plus lui reprocher de ne pas être assez bien pour sa fille et devrai au contraire se sentir honoré.

Aux vues des circonstances, je trouve que la décision d'Eragon de rendre la vue à Sloan sans lui permettre de vivre de nouveau près de sa fille est cruelle. Si le boucher semble momentanément satisfait de son sort, il reste un pariât obligé de vivre avec un peuple qu'il n'a jamais compris et qu'il ne pourra jamais comprendre, dans un environnement bien trop opposé à ce qu'il a toujours connu.



Vient ensuite la question du passé d'Angela. Si nous savions déjà qu'Angela était un être parfaitement à part, plus vieille et plus importante qu'elle ne le laissait croire, et parfaitement mystérieuse, la première moitié de l'œuvre nous apprend que l'herboriste est en réalité un personnage bien plus complexe que tout ce que nous pouvions imaginer jusqu'alors. La question de son nom elle-même se pose, lors de la mésaventure d'Eragon et de ses compagnons dans les dédales sous Dras-Leona, et nous laisse penser que le nom « Angela » n'est peut-être pas le plus connu de ce personnage si singulier. Néanmoins, la jeune femme au vieil esprit disparaît soudainement de l'histoire, alors qu'elle y était si présente. Son importance dans le récit sera fortement diminuée et son passé si intriguant ne nous sera jamais dévoilé.

Le même sort frappera Tenga, le vieillard qui fut autrefois le mentor de l'herboriste. L'Homme toujours à la recherche d'une réponse qu'Eragon a rencontré lors de son retour d'Helgrind dans « Brisingr » ne sera que mentionné à l'occasion par son ancienne élève sans précision aucune. Cet homme est à lui seul une curiosité de l'histoire, mais son passé, sa personnalité et ses recherches resteront une énigme complète pour les lecteurs.

Les deux étrangères qu'Eragon bénira et qui avaient attiré l'attention d'Angela dans le même volume seront également oubliées. La magicienne ayant tiré les osselets pour elles, on pouvait s'attendre à revoir ces mystérieux personnages et à en apprendre plus sur eux, mais il n'en est rien. On pourrai penser que l'une de ses femmes est l'étrangère de passage qui sauva Roran à Urû'baen. Cette femme est alors habillée de façon semblable aux étrangères rencontrées auparavant et est accompagnée d'une jeune femme, comme au campement des Varden, mais aussi d'un jeune homme dont on ne saura rien de plus. Cette supposition ne sera jamais ni confirmée ni réfutée et ces personnages tomberont eux aussi dans l'oubli.



Ensuite, le secret de Vroengard, dans la Crypte des Âmes, est aussi un des points qui diminuent selon moi la valeur de l'Histoire. Lorsqu'Oromis demanda à Eragon pourquoi il luttait contre Galbatorix et comment il justifiera les massacres et les destructions aux villageois, le garçon avait fini par répondre que le roi avait créé plus de souffrances sur cette terre que la guerre n'en créerai jamais et surtout, parce que le roi félon avait anéanti les Dragonniers et amenés les dragons à l'extinction. L'elfe avait alors félicité Eragon car il savait désormais que son élève combattait pour de bonnes raisons et que jamais il ne perdrai l'objectif de vue. Cependant, l'intrigue nous révèle que des centaines de dragons ont en réalité survécu à la folie de Galbatorix, même si leur corps n'est plus. Même si les Eldunarís que possède le roi ont été corrompus et ne peuvent être pris en compte, beaucoup de cœur-des-cœurs vivent encore sous Vroengard. Et si cela n'était pas suffisant, on nous apprend aussi que plus de cent œufs ont été cachés sur l'île, tous prêts à éclore et à faire renaître la race des dragons dans toute sa puissance. Vingt-six d'entre eux sont mêmes liés par des enchantements et destinés à de futurs Dragonniers. A partir de là, nous pouvons considérer que la raison principale qu'Eragon a invoquée pour expliquer la nécessité de renverser le roi félon n'a plus la même saveur. Certains diront même qu'elle n'a désormais plus beaucoup de sens.



En outre, bien que l'on puisse encore admettre que Murtagh, malgré les serments qui l'attachent au roi, parvienne encore à aider Nasuada par des moyens détournés, l'assaut final soulève lui aussi des questions. Le combat contre Galbatorix est lui-même mené de façon étrange. La folie du roi et tout ce qu'elle implique peut tout expliquer jusqu'à la rébellion de Murtagh. Si on s'étonne que le roi n'ai pas pris la précaution de lancer sur le jeune Dragonnier un sort qui l'avertirai si son vrai nom changeait, comme Murtagh le suppose lui-même lors de la bataille des Plaines-Brûlantes, il est possible d'expliquer cette négligence, néanmoins surprenante, par la folie du roi. Il est cependant impensable que Galbatorix ai révélé à Murtagh le vrai nom de L'Ancien Langage du fait de sa méfiance. Il est pourtant de notoriété publique que le roi félon ne fais confiance à personne, c'est bien la raison pour laquelle il a soumis tant de personnes en leur faisant réciter un serment de fidélité. Lors du combat, Galbatorix utilise un sort qui empêche les personnes présentes de se souvenir de ce Mot si puissant – Eragon et Arya sont bien incapables de s'en rappeler par la suite, et le l'apprennent que parce que Murtagh accepte de leur révéler – et il est difficile à croire que ce jeune Dragonnier inexpérimenté réussisse à le deviner aussi simplement, alors que le roi a passé tant de temps à le découvrir à l'aide de multiples recherches. De même, je trouve personnellement que ce combat se termine de façon trop brutale. Selon moi, Galbatorix aurai dû opposer plus de résistances étant donné que son lien avec Shruikan était factice et que sa folie et sa force mentale auraient dû contenir un peu plus efficacement le sort qu'Eragon lança contre lui, et qui signa sa perte.



Enfin, je déplore le fait que l'idée principale qui fut à l'origine de toute cette série d'évènements n'ai pas été entièrement respectée. En effet, le but principal de cette longue et terrible campagne est la restauration de la Caste des Dragonniers en Alagaësia avec la renaissance des dragons. Or, l'Histoire nous apprend que si la Caste des Dragonniers renaîtra de ses cendres, ce ne sera certainement pas Alagaësia. Pas avant au moins plusieurs siècles. Ceci explique notamment l'approbation d'Eragon lorsque Nasuada lui exposa l'idée de créer une Caste de magiciens, une idée qui à la base avait été avancée par Galbatorix en personne. Il va désormais être nécessaire d'instaurer des règles sur la magie et un contrôle sur les personnes qui l'emploient, comme à l'époque où les Dragonniers gouvernaient l'Alagaësia, mais il ne sera pas assuré par les descendants des anciens. De même, on peut constater une disparition totale des dragons en Alagaësia suite à la décision d'Eragon d'élever les dragonneaux loin du bétail et des villages. Est-ce réellement ce pour quoi notre héros décidait autrefois de tuer le roi félon ?



Plus modestement, le fait que Fírnen, le dragon vert d'Arya, soit capable de la porter en plus de Roran, Katrina, Ismira et tout leurs bagages et leurs vivres quelques mois seulement après être sortie de son œuf présente une anomalie, quand on se souvient du temps considérable qu'il a fallut à Saphira pour pouvoir porter une charge bien plus modeste.



Certains, sans doute, me trouveront très dure compte tenu du nombre d'infimes détails à combler et de la difficulté certaine que l'on rencontre lorsqu'on écrit une telle saga, en particulier à cause du nombre de personnages qui furent invoqués et de la nécessité de créer non seulement un monde à part entière, mais aussi plusieurs langues nouvelles et une Histoire, ce qui n'est pas sans rappeler le Seigneur des Anneaux. Je tiens néanmoins à signaler que si je ne suis pas pleinement satisfaite, l'anciennement « trilogie » de l'Héritage restera gravé dans ma mémoire comme une Histoire d'exception et très plaisante. Pour ce qui est de ce volume en particulier, le livre regorge de richesses et si certains évènements sont parfois trop prévisibles, en particulier concernant Arya, il reste porteur d'une histoire de qualité qui apporte une fin relativement satisfaisante à l'Histoire qui fut commencée il y a près de dix ans, lorsque notre jeune fermier découvrait par hasard l'œuf de Saphira dans les forêts de la Crête. Si l'abondance de combats pour le moins sanguinaires peuvent en rebuter certains, le texte est toujours aussi agréable à lire et on peut au moins affirmer que l'action, une fois encore, ne manque pas à l'histoire. Mon seul regret à ce point de vue est que la carte de l'Alagaësia présente au début de chaque ouvrage n'a pas été éditée depuis le premier volume, ce qui peut quelquefois nous laisser dans le noir et susciter une certaine perplexité.
Laetoli
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le 21 avr. 2012

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