Dans le Boeing 747 s’apprêtant à atterrir à Hambourg, la diffusion de la mélodie de ”Norwegian Wood” ravive, chez Watanabe, le souvenir troublant d’un vieil amour d’il y a 18 ans…

À travers les souvenirs de sa liaison amoureuse impossible avec son amie Naoko, torturée par le suicide de leur ami d’enfance Kizuki, Watanabe nous balade dans les mémoires de sa jeunesse d’étudiants à Tokyo, peuplées de rencontres singulières et notamment de sa relation avec une fille tout aussi tourmentée, Midori…

Watanabe est un garçon solitaire et détaché, passant ses journées à bouquiner tout en vivant sans buts précis et désirs profonds ; ”une personne ordinaire” comme il se plait tant à le dire lui-même. Ses relations cahoteuses avec Naoko et Midori vont lui permettre de se découvrir lui même et de chambouler la perception qu’il a de sa vie et de ses sentiments vis-à-vis des personnes qu’il côtoie… Naoko quant à elle, est une jeune fille silencieuse et introvertie, qui s’est enfermée sur elle même depuis la mort brutale de son petit ami Kizuki alors qu’ils avaient une relation quasi fusionnelle depuis l’âge de 3 ans. Tandis qu’elle tombe toujours plus bas dans sa dépression, sa relation avec Watanabe sera tel le mouvement des vagues, un va-et-vient incessant où les émotions vibrent de l’érosion de chaque brisement… À l’inverse, Midori est une fille décalée et expansive, pourtant ce n’est qu’une façade cachant le désarroi d’une vie familiale bien triste et douloureuse où la mort a frappé et rôde toujours de son ombre sinistre. Elle va au contact de Watanabe trouver une bulle d’air d’insouciance et de tendresse qu’il lui manquait si cruellement, mais là aussi leur relation sera instable au regard des effluves de Naoko planant dans l’esprit de son nouvel ami… D’autres personnages aux histoires tout aussi attachantes s’immisceront dans les relations de Watanabe, comme Nagasawa, un jeune surdoué alambiqué et chasseur de filles invétéré qui le fait plus par obligation que par passion, ou Reiko, une musicienne dont le passé déroutant l’amena à se reclure socialement…

Le roman bien que triste et dur dans son propos est écrit avec une telle délicatesse vivifiante, rendant la lecture fluide et plaisante, qu’il s’en dégage de douces émanations poétiques parsemées d’érotisme et de sensualité. Par ailleurs, de nombreuses anecdotes pittoresques ponctuent le récital de ces souvenirs émergeant, tels la photo des canaux d'Amsterdam, les 3 limaces, l'unique soutien-gorge, permettant un relâchement entre les moments sombres et poignants.

Récit tendrement mélancolique, voire cruel, mais empli de réflexion sur le ressenti et les aspirations de la jeunesse. Haruki Murakami nous parle de ce vide créant confusion et détresse qui tiraille le jour et creuse la poitrine la nuit. Un vide que la jeunesse tente de combler par tous les moyens que ce soit à travers l’éducation, la culture ou l’alcool et le sexe si ce n’est jusqu’à l’isolement et autres échappatoires… Ce besoin de reconnaissance va forger leur personnalité en les poussant à tester et choisir sans cesse tel cheminement et s'attacher à telle rencontre, en les conduisant fébrilement vers un épanouissement salutaire ou une souffrance dont l’issue parfois ne débouchera que sur un long tunnel menant irrévocablement au suicide tragique et abrupt. Cet état de fait sera le fantôme omniprésent hantant la mémoire de Watanabe…
Karaziel
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le 29 nov. 2014

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