Lecture croisée "La délicatesse" de David Foenkinos

Lecture croisée en 3 parties en compagnie de Noursette (voir sa critique)
Cette première partie m'a enchanté. C'est un cocktail pétillant et frais.
Tout y est juste et touchant. La rencontre entre François et Nathalie est superbement décrite, tous deux ébahis et incrédules devant l'évidence de l'autre. Leur vie commune est irisée de moments de bonheur et de complicité partagée, au point qu'ils se sentent presque coupables d'être si heureux.
La mort de François frappe brutale et inattendue. le chagrin et le deuil de Nathalie sont sobres mais prenants. Elle se retrouve dans cet état d'esprit qui est le mien en période de lassitude et dont j'ai particulièrement apprécié la description : elle suit le monde comme un spectacle, elle n'est que la spectatrice et l'actrice forcée d'un spectacle qui n'a pas été écrit pour elle. Sensation oh combien véridique et angoissante.
Les chapitres sont courts. Certains d'entre eux ne comportent que quelques mots, une information, une donnée qui ancre le récit dans la réalité et en même temps le distancie un peu comme si tout cela n'était pas le plus important. Les éléments constitutifs de l'histoire bénéficient de chapitre plus étoffés, et le rythme du langage s'accorde alors au sentiment dégagé par l'instant vécu.
Il y a un humour bien venu, comme la scène du bar ou bien le laïus sur le suédois originaire de Uppsala : "Même le nom de cette ville sonne comme une excuse". La fantaisie et la joie sont présents, la tristesse aussi.
Tout cela baigne dans un élan de vie réjouissant et véridique, touche et sonne juste.
J'ai hâte de lire la suite...
Seconde partie
Ici encore les sentiments sont finement peints. Nathalie, coupable de ce baiser incongru, se laisse courtiser par Markus. Mais Markus n'est que maladresse et émotion. Il va même jusqu'à repousser Nathalie lorsqu'il se rend compte que cette relation est trop belle pour être vraie et qu'il ne pourra qu'être blessé. Mais "On ne devrait faire l'économie d'une douleur potentielle".(p 137) Il s'engage donc doucement et sa candeur et ses sentiments émeuvent Nathalie. Il est particulièrement touchant et attachant, passant des moments de gloire euphorique au désespoir l'espace d'un regard.
Il y a moins d'humour dans cette partie. On est en effet dans les atermoiements de la séduction sincère et inquiète. L'entreprise dans laquelle évoluent les personnages est également un milieu assez rude et en tous les cas intimement perfide..
Bien que les chapitres restent assez courts, le style de l'auteur s'affirme plus solide. le soliloques inquiets et fiévreux de Markus, les délires du Boss ou l'étonnement heureux de Nathalie appellent à des développements plus longs. Tout sonne toujours aussi juste.
Une pointe d'inquiétude en plus : le boss, les collègues jaloux, vont ils ruiner cette idylle qui ressemble de plus en plus à un véritable amour?
 Troisième et dernière partie

Le livre continue sur le même ton. Toujours intime, drôle et frais. Mais tout s'accélère comme si cette fin n'était qu'accessoire au regard de tout ce qui s'est passé avant.
J'ai quand même apprécié tout particulièrement quelques passages que je me permets de citer.
Markus se rend compte petit à petit que son amour pour Nathalie n'est pas une fleur fraichement éclose mais que même sans le savoir, il en a toujours été amoureux. Cela marque ses sentiments dans la continuité et la solidité: "Chaque jour près d'elle avait été la conquête immense mais sournoise d'un véritable empire du coeur"(p172)
Nathalie elle se rend également compte que cette amourette a largement dépassé les limites qu'elles s'était posées :" Elle trahissait son trouble. Ce trouble qu'elle était incapable de définir. le Larousse s'arrête là où commence le coeur".(p179)
Mais l'envie et la mesquinerie qui les entourent les mettent sur la défensive et ils finissent par douter " le sentiment amoureux est le plus culpabilisant . On peut penser alors que toutes les plaies de l'autre viennent de soi" (p183)
Leur réponse à cette animosité sera la même , chacun de leur côté, le refus et la fuite. C'est cette fuite qui les rapprochera défintivement.
On retrouve toutes les qualités déjà citées, inutile de les répéter. Cette fin m'a paru bien trop rapide. Mais ce livre est tellement agréable à lire, leur bonheur si communicatif, que l'on a qu'une envie : leur demander de nous laisser rester encore un peu.
Conclusion
Un livre plein de fraîcheur et d'humour. Des personnages humains, imparfaits et attachants remplis de délicatesse. Nathalie est convalescente, Markus a mis son armure, mais tous deux se trouvent dans l'autre.
Un style fluide tout entier aux sentiments, quels qu'ils soient. Une belle histoire que l'on vit avec ravissement. Un vrai bonheur. J'aurais pu continuer ce voyage coeur à coeur encore longtemps.
Ma note: 17/20
pour lire la lecture croisée:
http://www.atelierdantec.com/joomla/humeurs/179-delicatesse-lc-noursette
spydskorpionnan
9
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le 23 mai 2011

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