Au lycée, un des mes amis avait une correspondante australienne. Celle-ci souhaitait ramener à ses compatriotes du pays des kangourous un exemplaire emblématique de la culture française. Elle arrêta son choix sur les Misérables de Victor Hugo. Lorsque la libraire lui présenta l'ouvrage, elle blêmit à la vue du pavé de 500 pages. Elle se décomposa littéralement lorsque la vendeuse lui désigna les deux autres tomes du même acabit. Le monstre de papier lui confisquerait la moitié de sa valise et une partie de sa vie.
Oui les volumes sont impressionnants, mais ils sont faciles à lire. Victor a adopté un style journalistique, sans chichis ni métaphysique. Parfois certes, la trame principale, qui n'est pas le point fort de l'ouvrage, s'apparente à du théâtre de boulevard où les comédiens se croisent sans cesse. Mais Victor brosse admirablement ses personnages dans des tableaux vivants. Même sans avoir lu les Misérables, la plupart des protagonistes nous sont familiers, et il y a un plaisir indéniable à les voir évoluer dans le matériau originel.
Tels des intermèdes, Hugo digressent de temps à autre sur un sujet annexe. C'étaient mes passages préférés ! L'histoire des couvents, la défaite de Waterloo, les barricades, le roman devient encyclopédie, gazette de l'époque.
Le souffle qui anime les personnages, la liberté du style et l'humanité profonde qui se dégage de l'œuvre ravissent l'esprit du lecteur, qui pourtant en sort avec un sentiment de révolte. Le propos en effet emporte tout, Hugo accuse l'injustice des hommes, que quelques uns heureusement ont choisi de combattre. Lisez ce classique, ne serait-ce que pour comprendre pourquoi l'Australie envoie des émissaires acheter ce livre à l'autre bout du monde.