Le désir est un poison, et l'amour est son antidote. Et quand Werther, jeune homme séduisant se riant des passions qu'il inspire, croise la gracieuse Charlotte, alors le voilà à son tour frappé par la foudre. Passé de l'autre côté de la barrière.
Il y a de quoi. La jeune femme orpheline, responsable de toute sa fratrie, est d'une souveraine beauté, diablement ensorcelante, autour d'une âme angélique et raffinée.
Or Werther est un garçon sensible. Hétérosexuel à l'âme hautement féminine. Retiré à la campagne, il s'exalte avec lyrisme des charmes infinis de la nature, et Charlotte apparaît comme le point culminant, la clé-de-voûte de cette perfection qui l'environne. Ne manque que ses feux pour que son bonheur soit parfait.

Mais voilà qu'Albert, son meilleur ami surgit. Albert considéré par Werther comme "supérieur en tout" et qui n'essaie même pas de lutter quand celui-ci séduit la sylphide venue d'un autre monde...
Résigné à ne pas bousculer l'ordre établi, mais conscient de son mal d'amour grandissant, Werther s'éloigne quelques temps pour travailler auprès de notables... mais les choses tournent mal, et le voici de retour auprès d'Albert et de Charlotte.

Désormais incapable de se passer de sa présence, l'overdose de désir et l'impuissance à y trouver un exutoire, l'entraînent irrémédiablement vers l'issue fatale, oubliant déjà ces mots écrits à son ami Wilheim : "les hommes auraient des peines bien moins vives s'ils n'appliquaient pas toutes les forces de leur imagination à renouveler sans cesse le souvenir de leurs maux, au lieu de rendre le présent supportable", résolution ébranlée plus tard quand Werther considère tout son être frémissant "entre le l'existence et le néant, où le passé lui comme un éclair sur le sombre abîme de l'avenir...".

Werther s'impose donc comme la figure de l'idéalisme amoureux sans compromission, de l'homme prisonnier d'une passion défaisant un à un les fils de la raison, dans une période où le Romantisme déjà, mettait au supplice nombre d'hommes à genoux devant le Graal de l'amour. Et le lyrisme déployé par Goethe, incarne ce désir culminant de toucher du doigt l'absolu.

D'une certaine façon, ce roman est encore très actuel puisque les femmes - encore davantage à notre époque - n'ont jamais été sérieusement attirées par toute cette sensiblerie masculine, à l'instar de Charlotte qui choisit Albert, "un homme dont le caractère paisible et solide paraissait formé par le ciel pour assurer le bonheur d'une honnête femme", observe Werther.

Seuls les hommes avec la frustration au coeur pourront véritablement entendre le désespoir de Werther. Les femmes dénuées de tout romantisme, elles, pourront s'amuser, ou s'agacer de ce pot-de-colle qui ne veut - ou ne peut - aller voir ailleurs. Pourtant, il n'y a rien de "surjoué" chez Werther.
Au contraire, à plusieurs reprises, il exprime son incapacité à dire le coeur des choses, de ce qui l'anime, sans pourtant jamais y renoncer.
Et c'est là la beauté, la force, et la fragilité de cette âme perdue qui a entraîné à sa suite, toute une vague de suicides d'hommes désespérés, qui se sont reconnus en lui, hécatombe désormais connue sous "l'effet Werther"...
Un livre dont l'éclat traversera les siècles tant que dureront les amours déçues.
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le 6 juin 2013

Critique lue 518 fois

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Franck Walden

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