Six mois après sa sortie dans tous les bonnes librairies et au prix d’un buzz conséquent, il est temps de faire le bilan concernant UNE PLACE A PRENDRE. Malgré une grosse attente, il faut bien avouer que le soufflé est retombé très (trop) rapidement. A tort ou à raison mais je peux le dire haut et fort : UNE PLACE A PRENDRE est un bon roman et J.K. Rowling est une très grande écrivaine.

En nous plaçant dans un milieu contemporain, dans un village anglais non dénué de charmes mais stéréotypé au possible (imaginez tout ce que vous pensez d’une ville anglaise banale, vous le retrouverez ici), J.K. Rowling prend le contre-pied du lecteur : son nouveau roman sera dur, froid, adulte (j’y reviendrai un peu plus tard) et surtout, non fantastique. Le trait est tiré sur la page Harry Potter, n’y cherchez aucun lien plus ou moins farfelu (au mieux vous aurez droit à une référence évidente), UNE PLACE A PRENDRE est tout simplement une sorte de continuité logique de la saga Harry Potter. Si les premiers romans du petit magicien s’adressaient à un public jeune, en pleine découverte du monde fabuleux des livres, les tomes continuaient à s’assombrir et s’adultiser (j’invente des mots, je fais ce que je veux, c’est moi le chef d’orchestre ici) au possible jusqu’à n’en plus pouvoir. UNE PLACE A PRENDRE n’a pas le postérieur entre deux chaises et va droit au but (ce qui a peut-être été un problème de la saga Harry Potter sur la fin, comme si J.K. Rowling hésitait entre le lectorat adulte et adolescent) : UNE PLACE A PRENDRE n’est pas adressé aux enfants, un certain langage est utilisé, le champs lexical est souvent crû, ça parle de viol, de fellation et de toutes autres choses qui au mieux, ne devraient être entendues que par des adultes, au pire ne pas exister.

J’étais déstabilisé au premier abord mais ce langage est essentiel et voulu par l’auteur pour décrire l’histoire. Une histoire somme toute assez classique sur la forme : un monsieur qui a un haut pouvoir meurt, une ribambelle de personnages souhaite le remplacer. Trahison, sexe, mensonge, voilà le quotidien de Pagford. Une histoire d’adulte où les complots, les coups dans le dos vont se lier et se dénouer de façon (presque) trop mécanique. La perfidie de l’Homme, l’envie du Pouvoir est ici exprimée d’une façon somme toute assez maladroite par J.K. Rowling mais avec une certaine simplicité. Peut-être trop car avec tous les personnages (changement de chapitre, changement de point de vue, changement de personnage), j’étais déçu que certains tempéraments n’aient pas été plus exploités (Simon Price). D’autant plus qu’on arrive à ne pas trop se perdre avec ces innombrables personnages (et pourtant, vous ne pouvez pas savoir comment ce procédé narratif me donne la nausée, je n’ai pas terminé Dôme de Stephen King à cause de ça). Sauf que, sauf que cette histoire cache une toute autre histoire, bien plus touchante, bien plus juste, bien plus intéressante.

En dehors de la prise de pouvoir secondaire, J.K. Rowling nous dresse l’histoire de trois lycéens : Fats, Andrew et Krystal. Chacun a sa personnalité, chacun a ses problèmes mais ils sont reliés entre eux par une synergie qu’on ne découvre que sur la fin. En effet, J.K. Rowling au travers de son histoire adulte nous assène une vérité touchante, une vérité où les enfants sont rejetés au plan secondaire, où les parents prennent leurs problèmes à bras le corps mais rejettent ceux de leurs enfants qui doivent alors s’éduquer eux-mêmes. Le père d’Andrew ne cherche que le pouvoir, là où Fats n’arrive pas à voir l’amour de ses parents et où Krystal est abandonnée par sa mère, toxico. Si elle essaye de lui faire reprendre le droit chemin en la soutenant pour qu’elle intègre l’hôpital en cure de désintox’, elle est aussi confrontée à un problème : l’hôpital risque de fermer à tout moment et ça sera au bon vouloir des candidats au Pouvoir de prendre la fatidique décision. Mais tout le monde oublie, tout le monde ne regarde que ses petits pieds et arrive le final, grandiose et émouvant.

Rien que de l’écrire, j’en ai les larmes qui remontent aux yeux. J.K. Rowling écrit ça avec tellement de délicatesse mais aussi beaucoup de rigidité littéraire (dans le sens où il y a une certaine déshumanisation) que l’histoire nous assène un grand coup de pied dans la tronche. C’est l’histoire de l’Homme qui assure ses propres intérêts avant ceux des autres, qui se moque de la bonne clémence d’autrui tant que rien ne lui arrive. C’est froid, c’est la réalité, c’est le nouveau roman de J.K. Rowling.

J.K Rowling réussit donc là où elle s’était (à mon humble avis) lamentablement vautrée sur la fin de la saga Harry Potter : concilier enfance et ton adulte, tout en ne se privant pas de ne pas terminer sur un happy-end. Car oui, UNE PLACE A PRENDRE est un roman sur l’enfance, une enfance abandonnée à son sort dans un monde adulte pervers et cynique. Poignant.
pulpmagfr
8
Écrit par

Créée

le 14 avr. 2013

Critique lue 186 fois

pulpmagfr

Écrit par

Critique lue 186 fois

D'autres avis sur Une place à prendre

Une place à prendre
rivax
8

A lire sans préjugés ni grandes espérances

Je n'aime pas Harry Potter, je ne les ai pas tous lus. Je n'attendais pas particulièrement la sortie du "livre de la rentrée" et je suis en général très méfiant à l'égard des livres "tête de gondole...

le 14 oct. 2012

33 j'aime

1

Une place à prendre
Jambalaya
7

Fierce Creatures !

C'est peut-être vierge de toute lecture d'un roman de J.K. Rowling qu'il faut aborder celle de Place À Prendre. Il semble en effet que les orphelins du sorcier aux lunettes rondes ont une forte...

le 8 déc. 2012

21 j'aime

16

Une place à prendre
cR4p0
4

La place est déjà prise...

En cette rentrée littéraire, s'il est bien un roman qui n'est pas passé inaperçu c'est bel et bien "Une place à prendre" de J. K. Rowling (The Casual Vacancy dans sa version originale). L'autrice,...

le 8 oct. 2012

21 j'aime

5

Du même critique

BioShock Infinite
pulpmagfr
9

Au septième ciel

Kevin Levine, je t’aime d’un amour fou incommensurable et je te remercie. Je te remercie pour ton talent et tes enfants. Je te vois te morfondre dans ta cabine, prêt au décollage pour des cieux...

le 14 avr. 2013

Une place à prendre
pulpmagfr
8

Une place dans notre coeur

Six mois après sa sortie dans tous les bonnes librairies et au prix d’un buzz conséquent, il est temps de faire le bilan concernant UNE PLACE A PRENDRE. Malgré une grosse attente, il faut bien avouer...

le 14 avr. 2013