Frichtre diable.
Diantre et foutrebleu.

"Walden ou la vie dans les bois" rejoint, à ma plus grande peine, cette série d'oeuvre que je voulais ardemment, pleinement, totalement adorer. Et que je vais finalement simplement apprécier.

Pourtant les raisons de cette pré-appréciation se comptaient au moins au nombre de deux.

Le thème, avant tout.
Cette idée d'une forme de refus du monde avait rendu la lecture de ce Thoreau impérieuse.

Moi qui ai de plus en plus de mal à supporter mes semblables, les "comme-tout le monde" parce que trop ordinaires, les excentriques parce que trop différents, les riches parce qu'étalant leur fatuité avec un peu trop d'ostentation, les pauvres parce trop souvent enfermés dans les mêmes fantasmes pré-fabriqués, les majorités ne pouvant exister qu'à travers les dénominateurs les plus communs; je n'arrive plus à parler de politique avec qui que ce soit parce qu'épuisé de devoir rappeler l'antinomisme entre intérêt général et clientélisme, ni à parler de sport avec les collègues parce mon interlocuteur me renvoie trop durement à mes propres limites; la météo m'emmerde, je ne regarde pas la télé... Bref !
Moi qui ai de plus en plus des envies -oh pas tant d'îles désertes- mais de chalets perdus en pleine montagne, ou de bicoques coincée sur un bout de lande irlandaise, l'idée me bottait énormément.

Bon, et en deuxième raison, il y avait, pourquoi essayer de le cacher, mes doux éclairés.
Et notamment deux d'entre eux, dont l'avis m'est particulièrement cher, qui lui ont attribué la note maximum.

En fait, je peux presque avancer que j'étais tombé amoureux du livre que Socinien décrivait.
http://www.senscritique.com/livre/Walden_ou_la_vie_dans_les_bois/critique/1951023
Le problème, c'est que ce n'est pas celui que j'ai lu.
Si je n'ai manqué aucune des citations mises en exergue, si j'ai pleinement goûté l'esprit du livre, si j'ai été sensible a certains moments, proprement magnifiques, j'ai malheureusement trouvé ces passages trop rares et noyés dans des considérations trop alambiquées et des digressions trop nombreuses.

La forme m'a éloigné du propos.Trop souvent, le style, constitué de nombreuses citations poétiques ou bibliques, de suites de mots inusités (problème de traduction ?) m'ont fait me demander de quoi parlait l'auteur depuis quelques lignes. Trente pages sur la couleur du lac ? Vingt sur le sarclage des haricots ?
Je suis sans aucun doute un rustre, insensible à la poésie américaine du milieu du XIXeme siècle.

Et même le fond, parfois, me faisait tendre les bras pour éloigner l'ouvrage de surprise. Si c'est souvent parfait (en substance, s'ébahir parce que les états peuvent enfin communiquer entre eux -nous sommes à l'époque du télégraphe triomphant- très bien, "mais encore faudrait-il qu'ils aient quelque chose de valable à se dire"), c'est aussi parfois… surprenant. Ne vouloir lire que les textes anciens, seuls digne d'intérêt, certes, mais dans leur langue d'origine encore, sous peine de les voir perdre toute leur force… ! Vous parlez d'un Torpenn puissance 1000 !

Bon, puis question isolement, on a vu mieux. L'auteur entend passer le train, se rend au village distant d'un mile et demi régulièrement, et reçoit un nombre incalculable de visites (chasseurs, voisins, promeneurs, poètes…)

Bref, là ou Thoreau n'a pas tort, c'est qu'il aurait sans doute fallu que je le lise dans sa langue.
En tout cas, j'aime toujours autant le livre décrit par Soci. C'est celui-là que je continuerai à fantasmer de temps à autre.
guyness
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le 6 août 2012

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le 6 août 2012

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guyness

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