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Trois épisodes, trois univers indépendants. Un thème : notre rapport à la technologie. Notre regard sur ce miroir noir, celui que nous avons devant les yeux depuis un bout de temps maintenant. Celui qui, après s'être installé dans nos salons et nos bureaux, est en train de devenir plus polyvalent que jamais. La question que se pose la série étant, "Quelle est l'étape suivante ?".

Black Mirror part donc dans trois directions : un cauchemar cyberterroriste avec, pour enjeu, le regard de la planète ; une dystopie abrutie plutôt classique où les émissions de talent, le porno et les jeux Facebook sont devenus notre prison ; un drame relationnel, lointain cousin de Minority Report.


Spoilers droit devant.

Le premier épisode - The National Anthem - m'a laissé hésitant, avec d'un côté, une intrigue ultra-maîtrisée à tous les niveaux, et de l'autre, beaucoup de gratuité. Surtout que le défaut d'innombrables films d'anticipation qui s'imaginent un futur voyeur et accro à la violence est de tomber eux-même dans ces deux vices. Sans parler de la paranoïa ambiante qui se cristallise souvent, en fin de film, en obscurantisme complètement absurde. "J'ai aucune idée de comment fonctionne Internet mais je vais faire un film sur pourquoi c'est trop dangereux", phénomène se produisant à peu près deux fois par an.

Mais justement, Black Mirror arrive à poser son regard de façon pertinente, pas tant sur les outils que sur cette fourmilière qui s'affaire, d'un côté à enrayer la situation de crise, de l'autre, à scruter les infos et rester dans une attente voyeuse. Pour ce faire, une excellente idée : The National Anthem est le seul des trois épisodes à se situer dans notre monde (à rien du tout près). Pas besoin d'expliquer Twitter, YouTube, Facebook, nous sommes déjà personnages potentiels de l'histoire.

Parfois prévisible, toujours haletant.


Le deuxième épisode - 15,000,000 Merits - offre une première moitié complètement dénuée de surprises (même décor que The Island), si ce n'est le ton poétique qui tranche avec l'hyper-réalisme trash de The NA. Mais c'est justement comme cela que l'épisode m'a pris de court, arrivé au milieu, en prenant une tournure très sombre. Le message final est celui qui m'a le plus marqué des trois, en illustrant cette incroyable capacité de la société à neutraliser ses éléments, même les plus récalcitrants, par l'assimilation.

Ce n'est pas en faisant taire un rebelle que l'on calme le peuple, c'est en le plaçant sur un podium, micro à la bouche, pour que son message puisse se diluer à travers sa popularité, à travers les millions de gens qui adhéreront sans agir, tout simplement parce que c'est dans notre nature d'être trop flemmards pour faire autre chose que hocher la tête face aux pires maux du monde. Impressionnant, et impitoyable comme il se doit avec la télé poubelle.



Le troisième - The Entire History of You - a l'idée la plus originale, mais fait le moins avec, en apparence au moins. En fin de compte, ce n'est qu'un drame marital, envenimé par la possibilité permanente pour chaque individu de visualiser n'importe lequel de ses souvenirs (en très très très HD). Dans la pratique, le fait que ladite technologie soit utilisée avec un dosage parfait rend l'histoire bonne. Mais je serais presque prêt, contrairement aux deux autres, à voir un autre épisode situé dans cet unviers, qui traite d'autre chose en rapport avec cette technologie. Malheureusement, l'investigation criminelle ressemblerait trop à Minority Report, mais l'idée est suffisamment originale pour trouver encore un autre sujet.



De façon générale, j'aime m'attacher à des personnages. Mais une série qui est capable de se réinventer à chaque épisode a de quoi attirer mon attention, d'autant plus que le sous-genre de celle-ci y est particulièrement propice : Black Mirror est en fait l'équivalent télévisuel d'un recueil de nouvelles d'anticipation, et un bon qui plus est.

Sans réinventer le genre, les trois idées sont honnêtes et servies par une direction artistique plutôt léchée, une écriture précise, et des acteurs inconnus (à l'exception de deux ou trois réguliers des séries anglaises et de Rupert Everett) impeccables. La technologie, à trois reprises, est vue sous un jour sombre, mais la réflexion est intelligente. J'ai hâte de voir ce que donnera la saison 2.
Manutaust
9
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le 26 août 2012

Modifiée

le 26 août 2012

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Manutaust

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