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Dans la catégorie des séries anglaises de SF diffusées sur Channel 4, aux épisodes de 45mn, et qu’on me conseille souvent car c’est supposément trop bien, il y a Utopia et Black mirror. J’ai décidé de me mettre à la seconde. Après tout, ça ne dure que 2 saisons, de 3 épisodes chacune. Et les épisodes sont comme des moyen-métrages indépendants, puisque chaque histoire est à prendre à part.


Episode 1 : Une princesse se fait enlever, mais le kidnappeur ne réclame pas de rançon, il fait seulement une demande très particulière au premier ministre. Le pitch de cet épisode est tellement incongru que je ne peux pas le nier : c’est original.
Ca aurait pu donner un sketch comique de 3mn sur Youtube, mais c’est traité avec un profond sérieux qui force l’admiration.
Il est question de la réaction des media et de la population face à cette requête qui va traîner le premier ministre dans la boue et le souiller à vie, et on suit la façon dont le gouvernement essaye de traiter le problème.
Une partie du traitement de l’intrigue pourrait se rapporter à n’importe quelle situation d’enlèvement, mais plus on se rapproche de l’échéance donnée par le kidnappeur, plus on souffre pour le personnage principal, le premier ministre.
Ca finit de façon ultra-glauque, et… et voilà. Ce qui m’a gêné, c’est que je m’attendais à un twist, ou à un propos, l’un ou l’autre. Mais il n’y a aucun des deux.
Arrivé à la fin de l’épisode, celui-ci paraît bien creux.


Episode 2 : De la pure SF cette fois. La population vit uniquement entre quatre murs, dans un environnement entièrement numérique, où presque toutes les parois sont des écrans tactiles. Les humains ne sont plus exposés qu’à une reproduction très factice de ce qui était autrefois la réalité.
(D’un point de vue technique, c’est très impressionnant, tous ces écrans avec lesquels interagissent les acteurs.)
On suit un protagoniste presque mutique, il n’y a aucun dialogue explicatif, on nous expose simplement au quotidien des personnages et le spectateur doit chercher à comprendre soi-même le fonctionnement de cet univers. C’est déstabilisant, mais ça suscite notre attention.
Mais si j’ai compris les mécanismes de cette société, je n’ai pas compris la fonction de nombreux éléments. Le travail a été réduit à du pédalage sur des vélos d’appartement ?
Je comprends aussi ce que les scénaristes ont voulu faire, montrer une société déshumanisée, tout ça… le problème c’est le mauvais goût et la lourdeur avec laquelle c’est montré (le jeu télévisé avec les obèses, le jury de l’émission musicale qui recycle ses candidats pour du porno).
La musique, mélancolique, touchante, est ce qu’il y a de plus subtil dans l’épisode.
La conclusion cherche à formuler une nouvelle critique, très pessimiste, mais prive le personnage principal de toute cohérence. Alors qu'il cherche à se révolter contre le système, il est réemployé par celui-ci, en voyant que ça plaît au public. Ca a déjà été vu 35 ans plus tôt dans le film Network, mais ici les enjeux ne sont pas les mêmes. Dans Network, Howard Beale n'a rien à perdre ; en revanche, pourquoi le héros dans Black mirror se serait-il démené pendant tout l'épisode pour lutter contre un système qui abuse de la fille qu'il aime, si c'est pour se joindre à eux à la fin ? C'est complètement absurde.


Episode 3 : Tout le monde a des implants qui permettent d’enregistrer ce qu’on voit, de se le repasser à volonté, et même de le montrer aux autres sur une TV. C’est une idée très proche de celle du trop méconnu Strange days, mais pourquoi pas, vu que le traitement est différent… Le problème c’est que ce concept est recyclé pour une histoire complètement triviale, celle d’un mari jaloux. Et le principe de ces implants ne se montre utile par rapport à cette intrigue que dans les dix dernières minutes. Avant cela, ce n’est que de la poudre aux yeux, le mari se contente de revoir ou réécouter des évènements qu’il a vécus, ce qui aurait très bien pu être raconté sans avoir besoin de ces implants.
Au début de l’épisode en revanche, on fait allusion à d’autres utilisations (revoir un entretien d’embauche, contrôler ce qu’a fait quelqu’un, …) mais ça part dans tellement de directions différentes avec ce concept que rien n’est développé, et qu’on met du temps à comprendre ce qu’on veut vraiment nous raconter, aussi bien concernant l’intrigue que le propos.
Ou alors c’est juste moi qui cherchais un propos plus poussé que celui qui était déjà présent, mais tellement simpliste que je n’avais pas conçu qu’il n’y avait peut-être rien de plus : la technologie, les media, c’est le mal. Mais c’est vrai que c’est quelque chose qu’on retrouve dans chacun des épisodes jusque là.


Episode 4 : Le mari de l’héroïne décède, peu de temps avant qu’elle ne découvre qu’elle est enceinte. Une proche l’incite à faire appel à un programme, qui lit tous les mails, sms et tweets du défunt pour simuler sa personnalité, et permettre de discuter avec lui par le biais d’un chat.
C’est tout à fait crédible qu’il y ait une demande, si ce truc existait. C’est censé aider à faire le deuil, mais bien sûr le résultat s’avère nocif, puisque l’héroïne est incapable de lâcher prise.
L’actrice est excellente, elle rend l’intrigue assez poignante.
Mais je suis déçu que le personnage revienne sur sa décision non pas parce qu’elle se pose des questions éthiques, mais parce que le programme a des défauts. L’héroïne commence comme étant faible, puisqu’elle cède à l’utilisation de ce programme malgré un refus catégorique au départ, et elle reste faible.
Ca manque un peu de cohérence aussi, la société qui a créé ce programme est tellement avancée qu’elle peut créer des robots basés sur les défunts, mais personne n’en a entendu parler ?
Et la fin est nulle, elle n’a pas de sens, on dirait un twist forcé.
Ca reste quand même l’épisode le moins mauvais.


Episode 5 : Une femme se réveille sans savoir qui ni où elle est. Elle sort dans la rue et tout le monde l’observe, la filmant avec des caméras ou portables. Et ils continuent même quand un type arrive avec un fusil et pourchasse cette inconnue.
C’est un record, au bout de 5mn, je me suis dit que c’est de la merde. Parce qu’à ce moment là, on a déjà compris le pitch, parce qu’on a déjà compris le message, parce qu’il n’y a aucun mystère et surtout aucune subtilité.
Ca raconte quelque chose qui a déjà été vu des centaines de fois dans la fiction (et ça ramène à ce qui a été vu dans… les épisodes 1 et 2 de la série, concernant la curiosité malsaine du public, etc), tout ce qui change la donne, c’est la lourdeur du traitement.
Et à partir de là, la seule carotte qu’il y a pour nous faire avance, c’est le mystère derrière les flashbacks de l’héroïne. Mais l’épisode m’avait déjà énervé, et je sentais venir le twist bidon, j’ai donc juste lu ce qu’il se passe ensuite, et sauté quelques passages. Les twists sont non seulement grotesques, mais enfoncent encore plus le clou par rapport au propos évoqué ; oui, c’est possible.


Episode 6 : Rien qu’avec le concept, je le sentais mal. On a droit à un mélange de show pour enfants et d’émission politique, où Waldo, un ourson bleu en CGI, interviewe des politiciens en leur posant des questions de demeurés. C’est déjà bien navrant comme ça mais Waldo est ensuite inscrit à des élections, et se contente d’harceler un autre candidat, en lançant des remarques misérables de sa voix insupportable. J’ai vite lâché l’affaire.
Le seul élément que j’ai trouvé intéressant, c’est le fait que l’acteur qui double Waldo est victime du succès de son personnage, qu’il n’a jamais aimé interprété. Je partage aisément sa souffrance.


J’aurais assurément arrêté la série plus tôt, si chaque épisode n’était pas comme un film à part entière. Au bout de quelques épisodes, je doutais que j’apprécierais la suite, mais j’étais surtout intrigué par le changement de concept à chaque fois.

Fry3000
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le 22 nov. 2015

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Wykydtron IV

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