Breaking Bad
8.6
Breaking Bad

Série AMC (2008)

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J’ai commencé cette série sans en avoir vu un seul extrait. En connaissant à peine le visage des acteurs. On était à la veille de la sortie des derniers épisodes de la saison 5, et l’enthousiasme de quelques-uns de mes amis à l’évocation de Breaking Bad m’intriguait autant qu’il me faisait soupçonner une déception à venir. Il est rare qu’on adore ce qu’on nous a recommandé avec trop d’ardeur. Cela arrive pourtant.


Je n’ai pas avalé les épisodes. Jamais je n’en ai vu plus de deux par jour et c’est il y a deux jours, après plus de 4 mois éprouvants, que j’ai découvert l’épisode final.
Peut-on trouver les mots pour parler d’une œuvre qu’on adule? Probablement pas. Non pas que ma subjectivité prenne trop définitivement le dessus sur les innombrables qualités de l’œuvre; mais l’évidence des raisons pour lesquelles on aime Breaking Bad réduit trop sa force. En voulant les énoncer de façon exhaustive, il me semble qu’on trahirait quelque chose, qu’on omettrait l’essentiel. Je n’ai pas encore trouvé cette faille, si infime soit-elle, qui renvoie la majorité des œuvres à leur imperfection, à leur éternelle condition de pure fiction, à l’improbabilité de leur réalisation dans la « vraie vie ».

Tout découle ici avec une logique et une complexité mêlées si constamment surprenantes que le suspense que se plaisent à laisser planer les scénaristes à chaque fin d’épisode nous renvoie toujours, lors de l’épisode suivant, au même constat: il ne pouvait pas en être autrement. Chaque évènement amène avec lui, à la fois la stupéfaction d’une situation inattendue et bouleversante pour la suite, et l’évidence qui succède à ce sentiment: j’ai rarement su deviner ce qui allait suivre, alors que tout se passe avec la plus grande fluidité.
Pas besoin, dès lors, d’un synopsis original, pas besoin d’une situation initiale rocambolesque. Tout arrive ensuite.


Breaking Bad ne s’est pas contenté, comme l’aurait fait une piètre série dramatique, de construire un personnage intelligent. Elle n’a pas réduit son propos à la ruse de Walter White. Tout comme un bon écrivain ne fera pas que faire dire des choses intelligentes au protagoniste, mais mettra cette intelligence au service du récit.
On s’autorise une certaine lenteur, par contraste avec la violence de la situation et la constante tension qui habite la série.


Et puis, Breaking Bad brille par les pièges qu’il évite. Walter White, incarnation absolue du Mal, n’est pas fondamentalement un salaud, parce qu’il est trop humain pour ça. On le connaît. On a suivi son parcours. On a eu pitié du prof de chimie à chemise verte, du loser à lunettes cancéreux. On accepte tout de lui parce qu’on ne tombe jamais dans le manichéisme. Walt n’a pas vraiment de héros pour lui répondre. Hank, me direz-vous? Ce beau-frère volubile aux blagues franchement lourdes, qui se prend en photo avec les cadavres qu’il découvre? Celui qui passe plus d’un an à chercher Heisenberg sans jamais comprendre? Non.
Nulle trace non plus d’un propos moralisateur. On ne juge pas. On observe, on découvre, on constate l’extrême fragilité des choses. Jusqu’au bout, on songe aux raisons des agissements de Walt. Il a voulu subvenir aux besoins de ses enfants avant sa mort, à tout prix. Ou bien il a voulu briller dans son domaine, prendre sa revanche sur son échec professionnel. Ou bien il a nourri son ego, cherché à dominer par tous les moyens. On peut croire qu’il a simplement succombé à son avarice. C’est peut-être aussi l’histoire d’un homme qui découvre son cancer et donc, sa propre mortalité et, dès cet instant, s’efforce de vivre en conséquence.
Tout est vrai mais rien ne convainc vraiment. On ne peut pas raconter un chef d’œuvre

Manu-D
10
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le 19 janv. 2014

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Manu-D

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