Bref. par MVCDLM

Ca partait pourtant bien. Et même très bien. Un programme français drôle, à l'écriture intéressante, moderne, et qui ne pompe pas sur quelconque format américain. Avouez que ça interpelle. Et le pire c'est que ça marche, c'est bien écrit, c'est drôle. Les thèmes ne sont pas spécialement originaux, mais bien traités, et donnent pas mal de leçons aux comiques de stand up français qui parlent des mêmes choses, mais en pas drôle. J'y ai cru, les 30 premiers épisodes.

Car ensuite, Bref est devenu un succès incroyable. Alors attention, je vous vois venir. Je n'ai pas détesté parce que ça a marché. Regretter que quelque chose de bien marche c'est quand même terriblement stupide. Combien de personnes se sont toujours demandé, face a des talents méconnus, "mais pourquoi ça n'est davantage connu ?", pour récompenser tant de bon travail, et tirer le niveau culturel vers le haut. Du coup j'étais plutôt content que Bref fonctionne, dans ce paysage humoristique français plutôt morose et consternant, qu'un format qui méritait le succès cartonne faisait plaisir. Mais, hélas, c'est bel et bien ce qui a nuit à "Bref". Car tout d'un coup, la série en a trop fait. Beaucoup trop. Rien n'était désormais trop beau pour la nouvelle coqueluche de la chaîne privée qui lui a très certainement sorti la MasterCard Gold pour pouvoir réaliser tous leurs délires.

Dans les premiers épisodes les illustrations d'une situations passaient par des petites idées simples, et pas cheap, et qui fonctionnaient. Exemple, dans le second épisode, quand Kyan Kohjandi parle de sa capacité à tout remettre à demain, il est illustré par un mec qui le suit partout. Suivis par d'autres, représentant d'autres sentiments. Simple, efficace, et bien utilisé. Dans la période "brouzouf à foison" de Bref, une idée similaire aurait été sans doute complétée par des effets dans tous les sens, petits détails animés, incrustations à l'écran, effets spéciaux tape à l'oeil dans tous les sens... Ca aurait été joli, mais une telle débauche d'effet fait perdre la force du propos. Et c'est le cas de pas mal d'épisodes, passés les 30 premiers. L'équipe de Bref veut nous montrer ce qu'elle sait faire, tel le gros beauf qui tient absolument à nous faire faire un tour dans sa rutilante Bugatti toute neuve à 230 à l'heure sur un circuit. C'est beau et impressionnant, mais on se fait sacrément chier. Toute la subtilité d'écriture des premiers épisodes explose littéralement, laissant place a des idées visuelles qui auraient pu être plaisantes si elles étaient associées à cette qualité d'écriture. Au final, tous ces effets deviennent vains et vides, nous laissant sur cette impression de juste vouloir nous en foutre plein les yeux. Un parfait exemple qui illustre ce propos: l'épisode du SMS, simple démo graphique de 3 minutes, qui laisse de côté toute intrigue, construction scénaristique ou gag. On se contente juste de nous montrer comment le héros passe un SMS (je me trompe, je corrige, j'enlève un point...) aidé par des petites animations "rigolotes". Inintéressant.

Et quand la série met de côté ce côté visuel tape-à-l'oeil, l'équipe l'applique au côté scénaristique de Bref, en nous montrant que "t'as vu les idées qu'on a eu comment elles sont géniales". Ainsi, on a droit à l'épisode animé, l'épisode poétique, et même l'épisode triste en trois parties. Problème ? Aucune de ces tentatives ne fonctionne. Bref ne partait pas dans cette direction à ses débuts, et le changement de cap opéré se fait sentir, et ne colle pas. Le tryptique "dramatique" ne fonctionne pas, on ne ressent rien, on a aucune tristesse envers les personnages... Ou encore l'épisode sur "j'y pense et je souris" ou le héros repense aux enchaînements en série qui lui permet de regarder la pluie tomber sur sa vitre. S'agissant d'un texte du blog d'un des auteurs à la base, il a été réutilisé pour le mettre en image donc. Sauf que dans un contexte tel que "Bref", ça ne marche pas vraiment. car cela devient incompréhensible, aussi bien dans la démarche que dans le propos. Passons des épisodes où des messages magnifiques bien appuyés sont passés en toute fin, ou bien des tentatives de fantastique complètement ratées (Kheiron n'existe pas... euh... POURQUOI ?). Et l'on pourra encore citer l'avalanche de références pour donner des coups de coude au public de trentenaires (dont je fais partie) auquel il s'adresse. Une démarche que je trouve horripilante, comme l'album d'Orelsan, ça ne raconte rien, et c'est inutile. Au final, que des tentatives qu'on imagine pas voir par la suite si on s'en tient au début de la série, et qui plus est, sont totalement à côté de la plaque par leur volonté trop appuyée de "vouloir faire comme ça" sans pour autant que cela se justifie.

En conclusion, Bref est une série qui s'autodétruit pour cause de melon, c'est bien la première fois que je vois ça. Partant sur des capsules plutôt bien écrites et modernes sur le quotidien, la série ne cherche qu'ensuite qu'à nous en foutre plein la vue une fois le succès retentitssant opéré. Trop d'effets visuels vains, des penchants scénaristiques pour l'exercice de style trop appuyés pour fonctionner... Bref devient au final une très belle démo technique, mais complètement vide par l'écriture qui se retrouve écrasée par tant de prétention. Tout cela est très joli, et louable d'avoir voulu essayer des trucs, mais cela manque de cohérence, et ne provoque que l'indifférence au final. Une série à laquelle j'attribue la moyenne tout de même pour les premiers épisodes, véritablement drôles et plaisant, et qui resteront dans le haut du panier de l'humour français. Mais c'est dommage que cela s'arrête là.