Fort Boyard
5.2
Fort Boyard

Émission TV France 2 (1990)

" Sors... SORS !" sont les mots que je perçus faiblement au travers du bocal plein de sauterelles où ma tête était enfermée.
" SORS... SORS !" m'hurlait- on encore plus fort. Je sortis au plus vite ma tête de ce piège à insecte et me jetait sur la porte à toute vitesse.
A l'extérieur m'attendait mon équipe, un petit groupe de personnes de tous âges en combinaison moulante qui se mirent à pousser des cris de joie en tentant vainement de me taper dans la main dès qu'ils m'aperçurent à la porte.


J'avais encore foiré une clé.
Mon équipe tentait tant bien que mal de me réconforter même si les accolades se faisaient moins appuyées et les sourires un peu moins francs.
Rien n'allait dans ce fort maudit.


Pourtant elle avait de la gueule cette équipe: Une Miss France dont j'ai oublié le nom mais pas le décolleté était l'atout charme de la team, un footballeur tout en muscle et en défaut d'élocution était l'homme fort de notre équipe, quelques pseudo-journalistes à moitié débile et quelques chroniqueurs d'émissions navrantes plein de gel et de fierté mal placée venaient compléter cette équipe de champions.
Une équipe motivée, dirigée par un Francis Huster tout en sourire forcé, capitaine ambitieux et sonore de ce collectif bigarré.


Nous courrions heureux et infatigables à travers ce fort maléfique derrière l'ineffable Passe-Partout (dont les problèmes d'incontinence dû à une trop grande consommation de bière nous l'avait fait surnommé: Pisse-Partout) à la recherche de ces clés qui nous permettraient de ravir le trésor du Fort.
Sortir de soi, se dépasser, moralement, physiquement, pour l'association " Tu vas la fermer ta putain de gueule, oui !" ( association qui tente d'apprendre aux mauvais acteurs de théâtre à devenir de piètres acteurs de cinéma) dont Francis Huster était naturellement devenu le parrain.


Les épreuves se succédaient à un rythme soutenu et les participants, impliqués comme jamais, donnaient de leur personne pour l'association de Chef Francis.
Miss France à quatre pattes la plupart du temps pour ses épreuves, faisait glisser ses gros seins sur toutes les surfaces possibles énervant passablement Pisse-Partout qui commençait à être à l'étroit dans son pantacourt beige.
Notre footeux qui après avoir échoué à l'épreuve ardue des questions du Père Fourras, qui lui avait sournoisement demandé dans quel siècle avait eu lieu le deuxième conflit mondial, se rattrapa merveilleusement en ramenant une clé sur une épreuve de lever d'haltères qu'il réussit à merveille, lâchant à la sortie un fier et tonitruant: "C'est qui qui sont les plus forts ?!"
Les quelques chroniqueurs minables réussirent également leurs épreuves, tandis que je m'effondrais lamentablement en pleurs devant une mygale à moitié endormie, partant me réfugier dans les bras de Pisse-Partout dont l'émoi que la Miss France avait provoqué dans son slip n'avait apparemment pas quitté.
Francis près d'Olivier Minne, le torse bombé, me jeta un regard accusateur me faisant comprendre que j'étais la honte de cette équipe et qu'ils auraient mieux fait de me balancer à la flotte avant d'arriver sur ce putain de Fort.


Les épreuves, hélas, continuaient encore.
A qui boufferait une louche de scorpions, à qui se foutrait un Boa constrictor dans le calbar !
Mon équipe cartonnait et Chef Francis jubilait en clamant quelques vers de Pierre Corneille avec son emphase dégueulasse habituelle.
Moi seul me vautrait une fois de plus piteusement sur l'épreuve de force contre un monstre de 150 kilos et de 2 mètres 50 au garrot qui m’asséna un coup de massue sur le coin de la gueule d'une violence inouïe qui me fit perdre un point d'audition instantanément.
Plus personne ne m'adressait la parole.
Pisse-Partout et sa vélocité légendaire nous emmenait aux quatre coins du Fort à la vitesse de l'éclair.
Je traînais derrière avec un affreux point de côté tandis qu' Huster, tout en courant, racontait à la Miss la subtilité et la précision de son fou rire dans Le Dîner de cons que ces crétins de critiques n'avaient pas su cerner.


L'aventure semblait enfin se terminer.
Les indices enfin trouvés, nous arrivions devant la grille du trésor où nous attendait un Olivier Minne tout sourire, moulé dans une sublime veste en cuir de vachette marron à deux mille euros.
Là, nous découvrîmes les indices que nous avions glanés au fil de l'émission: Film - Francis Huster - Four - Rave - Nord-Pas-de-Calais - Max Pécas.


Nous nous concertions quelques secondes; enfin eux; puisque ma mise à l'écart effective me laissait seul derrière.
La tête basse et l'oeil las je discutais avec Pisse-Partout, tentant de vérifier la légende selon laquelle les nains n'étaient pas nain de partout. Le bougre en moins de deux me prouva au détour d'une coursive que ce que l'on appelait légende pour certains était pour sa part une vérité de vingt bon centimètres, veineuse et bien congestionnée qu'il posa violemment sur la balustrade en fer forgé.
Je le félicitais pour ce don et repartis tout de même rejoindre mon équipe, qui s'était mis d'accord sur le mot de passe: NAVET, pour leur ouvrir les portes du trésor.
Francis, le geste Auguste, se mit à tourner la tête de lion.
Quelques secondes s'écoulèrent....Ting, cling, clang !... Les boyards se mirent à couler en abondance dans la cage aux lions.
Tout le monde se jetait sur l'oseille.
Les bras se chargeaient de Boyards, le décolleté de Miss France dégueulait de piécettes en ferraille, le footeux s'en foutait plein la bouche et le slibard. Ils étaient comme fous à l'affût du moindre bout de ferraille. Je les regardais de loin, songeur.


Mais dans mon coin je ruminais ma vengeance.
Cette raclure d'Huster m'en avait trop fait. Il m'avait assez humilié avec ses grandes phrases surjouées et ses airs à la con.
Ils allaient tous payer ! Ces journaleux minables, ces chroniqueurs inconsistants, TOUS !
Fini les Miss France à Gros seins et les footeux à petites bites ! Je la tenais ma vengeance !


Ma discussion avec Pisse-Partout, pour être franc, n'avait pas uniquement tourné autour de son anaconda hypertrophié, Oh que Non !
André (C'est son prénom) était, lui aussi, bien décidé à se faire la belle; laisser tomber ses trousseaux de clés, sa marinière et ces putains d'escaliers qui lui pétaient les genoux.
Dédé avait son idée, et je dois dire qu'elle était bien bossée. Il s'était mis à la colle depuis quelques temps avec le Père Fouras qui était, malgré cette barbe de père Noël toute mignonne et sa dégaine de vieillard inoffensif, le plus puissant dealer d'héroïne de Charente-Maritime.
Fouras depuis toutes ces années avait planqué pour près de deux tonnes de Brown Sugar au fond de la fosse à serpents, là où personne n'avait jamais osé s'aventurer.
Le deal avec des Colombiens surarmés devait se conclure aujourd'hui et nos deux compères devaient empocher la coquette somme de trois millions d'Euros et filer fissa dans un putain de paradis fiscal, cernés de sable blanc et de putes à gros seins.


Dédé, pressé et anxieux, me proposa une jolie somme d'argent et un billet sans retour pour les Iles Caïman avec eux à condition de lui filer un coup de main.
J'étais partant Nom de Nom !


Pendant que ces connards décérébrés continuaient à remplir leurs poches de Boyards pour l'assoc' à la con de l'autre buse d'Huster, je m'approchais discrètement d'Olivier Minne et lui mis un grand coup de pied de toutes mes forces dans les roustons. Il se mit à hurler et à se rouler par terre comme l'autre con de footeux hydrocéphale quand on le frôle sur une action, j'en profitais alors pour le prendre par le futal et le balancer directos dans la fosse aux lions avec les autres, sans oublier de bien refermer la grille en fer derrière lui, piégeant ainsi la jolie petite équipe.
Pendant ce temps-là Dédé et Fouras s'occupaient des réals, techniciens et autres cadreurs en les balançant à la flotte avec leur matos autour du cou.


Nous attendîmes alors peinard, en sirotant un cidre de la région, les Chicanos qui ne tardèrent pas à débarquer avec leurs mallettes de biffetons verts. Le deal se passa sans anicroches, les Colombiens partirent avec leur came et nous avions récupéré les mallettes.
Nous nous tapâmes dans la main en riant aux éclats en voyant ces mallettes rutilantes et les gueules déconfites d'Huster et consorts.


Il était désormais temps de mettre les voiles pour d'autres cieux.
L'hélico de Fouras faisait tourner ses pales pour nous prévenir, nous attendant bien sagement en haut du Fort Boyard.
Nous montâmes tranquillement vers notre nouvelle vie de luxe et de sable fin que l'hélicoptère vrombissant nous promettait.
Je m'assis paisiblement dans l'engin avec Dédé et Fouras, et celui-ci décolla immédiatement.
Je regardais une dernière fois au loin mon pays que je ne verrais plus jamais et jetais un coup d'oeil au dessous de moi regardant en bas mes coéquipiers courir en tout sens, s'affoler et hurler comme des putois.


Je vis une dernière fois Capitaine Francis gueuler comme un charretier en tentant de s'extirper des griffes d'un tigre de six cents kilos qui commençait à lui bouffer les miches et dont j'avais ouvert la cage juste avant d'embarquer. Épreuve réussie !


On a beau dire, c'est une vraie aventure ce Fort Boyard !


Illustration illustrative by Richard Grayson

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le 27 août 2015

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