Hero Corp
6.5
Hero Corp

Série France 4 (2008)

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Hero Corp suscite un sentiment plutôt ambigu: de l'extase parce qu'on constate qu'on donne sa chance à des débutants; du dégoût parcequ'il y avait certainement des débutants pourvus de meilleures idées et plus talentueux. En effet, même si la série se bonifie avec le temps, jamais elle n'atteindra les sommets qu'on lui prétend.

La mise en scène est certainement ce qui a le plus évolué au fil des deux saisons. Des plans dignes d'une vidéo entre pote (pas de travail de lumière, mouvements caméras scabreux, cadrages à peine lisibles, sautes d'axe, ...) on est passé à une grammaire cinématographique inspirée des comic books et des séries américaines en vogue. Néanmoins persiste l'impression que les auteurs imitent sans réellement comprendre les dispositifs employés. Ainsi, les tentatives de suspens sont vaines car jamais correctement amorcées.

Les effets spéciaux sont également assez cheap: du numérique sans le bon budget, ça ne donne rien. Le pire est que malgré tout, ils persistent à vouloir montrer de belles explosions 'qui en jettent'. Enfin je ne saurai dire si le pire est quand ils tentent la suggestion tant leur mise en scène est maladroite. Bref le scénario est trop ambitieux par rapport aux moyens dont ils disposent.

On pourrait se dire que finalement ce n'est pas plus mal, le fond rejoint la forme puisque le propos est de montrer des super héros de la lose... Mais ce serait un peu facile. Ce n'est pas parce que l'histoire est censée montrer l'incompétence d'un monde de super héros que l'équipe technique du film doit les imiter en ne connaissant pas son travail. Le fond aurait rejoint la forme en mettant en valeur la cheapness par un véritable travail grammatical, et non par son absence.

Le scénario, même s'il tend à être mieux écrit au fil des épisodes, reste assez lamentable. Le reproche de la première saison se résume par un manque d'action (l'ennuie prend le dessus) tandis que la seconde saison vire à l'extrême opposé en en faisant de trop: on a alors droit à des sous intrigues inutiles qui prennent deux épisodes parfois plus et qui finalement sont résolues à la va vite; John, le héros, se révèle être un Deus Ex Machina ambulent. Enfin, disons plutôt que son pouvoir est celui du Deus Ex Machina. Une situation impossible à résoudre? pas grave un des pouvoirs de John va les sortir de là. Pratique.

On a même droit à un combat où la mise en scène et l'écriture pataugent lamentablement, main dans la main: tentative vaine de créer un suspens (surtout qu'on se doute bien qu'avec ses pouvoirs infinis il ne va pas perdre contre un faux boiteux) et tentative d'être cool avec des débullés, des ralentis, des silences sonores et un effet matrix 10 ans plus tard.

Les derniers épisodes de la saison 2 auraient pu se focaliser sur cette histoire déjà trop compliquée (paradoxalement c'est compliqué mais rien n'avance: 3 épisodes où ils marchent, 4 épisodes où ils attendent, 2 épisodes où ils essaient de capturer quelqu'un...) mais au lieu de ça ils ajoutent une nouvelle sous intrigue inutile : le passé de John depuis qu'il a quitté sa tante jusqu'à ce qu'il la retrouve... on obtient donc un final à rallonge faisant volontairement l'impasse sur les réponses attendues par les fans; au contraire, les créateurs profitent d'un effet cliffhanger superficiel (pas nécessaire puisqu'il y avait déjà tant de questions non résolues) pour introduire un nouveau conflit qui aurait dû amorcer la nouvelle saison.

Parmis les nombreuses sous intrigues inintéressantes on remarquera plus particulièrement cette histoire d'amour qui n'évolue pas d'un pouce sur deux saisons. John tombe amoureux de Jennifer, 4 épisodes plus tard ils sortent ensemble, puis pendant le reste de la saisons il y aura ce jeu de dispute parce que John lui cache la vérité sur ce village. 2ème saison: Jennifer est amnésique, mais reste un boulet, en fait elle est même pire. Et quand elle retrouve la mémoire, après 3 épisodes, rebelotte on lui cache la vérité pendant 2 épisodes, puis pendant 1 épisode elle découvre la vérité elle même. Le reste de cette dernière saison la voit évoluer pour un épisode vers le bonheur jusqu'à ce qu'elle reproche à nouveau le comportement un peu égoiste du héros (ben oui il doit commander le village et n'a pas beaucoup de temps pour elle... c'est pareil que la saison 1 sauf que cette fois elle connaît la vérité). Bref quand il y a un pas en avant, on revient vite en arrière; cette histoire prend en plus énormément de temps dans le déroulement globale des épisodes.

Les incohérences par rapport aux personages et leurs décisions sont nombreuses mais je n'en relèverai qu'une, la plus choquante finalement pour moi: Jennifer et sa mère vivent plutôt bien le fait que le père soit un tueur sanguinaire. Ca fait partie de l'humour me diront certains... D'accord, c'est certainement ce qu'ont voulu faire les créateurs, vu le ton absurde en général... sauf que ça n'est jamais implicitement montré: le spectateur devine mais ne vois jamais. Au final, ça fait beaucoup de conditionnel et peu de certitude...

L'interprétation des acteurs est pénible mais là aussi certains trouveront l'occasion de s'améliorer. Ce qui est stupéfiant, c'est que même quand Simon Astier , le créateur, a de l'argent, il continue d'appeler des gens sous doués. Heureusement il y a les guest stars, ceux qui peuvent jouer et qui ,en plus, apportent une note supplémentaire, voire une certaine profondeur à la série (quoique Legitimus semble manquer de liberté au fil de ses apparitions).

Ce qui me mène au plus important: l'humour. Je pense qu'il faut préciser que cette série s'adresse plus particulièrement aux geeks de jeux vidéos/comics ainsi qu'aux rôlistes. Surtout les rôlistes. En gros les scénaristes jouent à 'qui est le plus con', comme le fait chaque fois le petit cabotin sur sa table avec ses dés de jet... L'écriture est souvent mauvaise, et mal rythmée par rapport au drame. On passe de l'un à l'autre sans réelle transition, les deux se mélangent parfois involontairement. La mise en scène enfin peine à renforcer la blague. Parfois elle réussit et on ressent donc directement la blague, provocant ainsi un rire sincère. Mais la plupart du temps, ça tombe à plat (on devine ce qu'ils ont voulu faire, et les plus gentils (les rôlistes donc) riront de bon coeur), ou alors c'est de l'humour un peu facile (des gens qui crient parceque pas contents). La preuve ultime que cette série a été conçue par des rôlistes, consiste en cette incursion pleine de dérision des vampires en fin de seconde saison.

La comparaison de l'oeuvre de Simon à celle de son frère Alexandre Astier, auteur de Kaamelott, est inévitable. On ne peut que constater que les frangins ont le même humour et que le personnage qu'incarne Simon est similaire à celui d'Alexandre dans sa série, à peu de choses près (John se révèle être un peu con aussi parfois); pourtant, c'est l'aîné qui l'emporte. En effet, Alexandre a la riche idée, même si ses personnages sont cons et criards, d'utiliser un format ultra court pour dépeindre cette univers fantasque. Au spectateur de décider quand il veut faire sa pose. Tandis que John impose cet humour un peu casse tête pendant plus de 20 minutes d'un coup. Bien sûr ça permet de développer plus d'intrigues, ce qu'il manquait à Kaamelott, mais vu la qualité de celles ci... Mais du coup les problèmes de rythmes sont moindre. Alexandre est nettement plus compétent et engage du monde plus compétent. Même si ses eprsonnages sont les mêmes, les acteurs qui les protent à l'écran sont plus pro et peuvent réellement faire rire. Le découpage ainsi que le montage sont également beaucoup mieux pensé en terme de comédie, sans aucune autre prétention. Du simple champs contre champs, des valeurs de plans qui sonnent juste, des compositions intelligentes. Simon, lui, semble n'avoir jamais ouvert un cahier de cinéma, et la mise en scène s'en ressent.

Hero corp est donc une série qui part d'un bon sentiment mais dont le traitement est trop ambitieux pour les jeunes auteurs inexpérimentés. Le spectateur doit donc se prendre à la tête des conflits mal rythmés, mal conçus, mal résolus, une technique lamentable couvrant tous les postes (depuis la lumière jusqu'au jeu d'acteur en passant par la mise en scène, le son, etc...), une accumulation de clichés, et bien d'autres choses encore. Heureusement certains caméo viennent relever un peu le niveau et l'équipe technique semble apprendre au fil du temps; un nouveau co- scénariste apparaît également lors de la seconde saison. Bref, une série que je ne recommanderai (je ne le dirai jamais assez) qu'aux rôlistes et aux geeks comics/jeux vidéos; les autres y verront une série potache qui fait surtout rire ceux qui l'ont crée, un peu comme... une video qu'on fait entre pote.
Fatpooper
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le 27 janv. 2012

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Fatpooper

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