Les Experts
5.3
Les Experts

Série CBS (2000)

Pantouflard ? (Critique de la série saison par saison)

Saison 1 : "Les Experts" appartient encore au monde des séries TV traditionnelles, et ne déploie aucune des audaces qui font la grâce de la nouvelle télévision US. Pourtant, là où le jeu en vaut la chandelle, c'est dans l'absolu entêtement des scénaristes à nous montrer des gens 'au travail', ce travail pointu mais laborieux, essentiel mais peu ragoûtant, étant bien le sujet même de la série, et non les enquêtes policières d'un intérêt plus que variable qui le justifient. Et puis William Petersen, acteur de cinéma de seconde zone, est ici tout-à-fait passionnant dans son énigmatique et inhumaine obsession professionnelle. Ce n'est pas rien !


Saison 2 : La recette des "Experts" fonctionne à merveille dans cette deuxième saison luxueuse : des scénarios impeccables (ce n'est que lorsque certains épisodes "flanchent" que l'on se rend compte combien la majorité d'entre eux sont bien écrits), une mise en scène qui devient très "cinéma" lorsque le sujet s'y prête, l'inclusion - nouvelle, elle - de scènes 3-D nous balladant dans l'intérieur du corps pour des "leçons de chose" vaguement répugnantes, et puis l'inévitable sympathie grandissante pour la bande de misfits que constitue cette équipe de super-professionnels obsédés. Néanmoins, comme les scénaristes ont décidé cette fois d'abandonner quasi toute notation sur la vie personnelle des héros, "les Experts" peine à s'élever au-dessus du statut vaguement décérébrant de la série TV traditionnelle. Une limite de plus en plus nette qui sera peut-être franchie à la troisième saison, puisque le beau finale du dernier épisode nous confronte à l'apparition d'une maladie incapacitante chez Grissom. A suivre donc...


Saison 3 : Malheureusement, la menace de la surdité de Gil Grissom n'était guère qu'un "red herring", et la troisième saison des "Experts" se déroule d'une manière routinière, voire ronronnante, avec son flux tranquille d'énigmes à "craquer", de défis que l'alliance maîtrisée de la technologie et de l'intuition finissent toujours par résoudre - même si, ensuite, la justice ne triomphe pas toujours. Outre que les scénaristes semblent commencer à peiner pour trouver des figures nouvelles - ce qui est bien compréhensible alors que le sujet même des "Experts" en définit le cadre géographique limité (la ville de Las Vegas et le désert autour), on aimerait un peu moins de prévisibilité dans le déroulement des épisodes. A ce titre, ce sont indiscutablement ceux qui mettent en avant les douloureux dysfontionnements familiaux d'une société où la relation parents-enfants devient de plus en plus problématique qui sont toujours les plus forts.


Saison 4 : A la quatrième saison, "les Experts" est devenu une série qui ronronne, et réserve de moins en moins d'excitation et de surprises. Si l'on regarde toujours sans déplaisir des énigmes parfois brillantes, et surtout le spectacle d'une équipe au travail (le travail étant, on le sait, ce que le cinéma - ou la télévision - a toujours le plus de mal à raconter), on ne peut que déplorer une nouvelle fois le manque d'intérêt des scénaristes pour la vie, voire même la personnalité des personnages, pourtant tous attachants. A noter que même William Petersen, qui a composé un Gil Grissom complexe et fascinant, semble se fatiguer de ce petit jeu. Il sera sans doute temps d'arrêter les frais avec la prochaine saison...


Saison 5 : "Les experts" terminent leur cinquième saison essoufflés, sans que le "remaniement des équipes" tenté par les scénaristes ait apporté grand chose : force est de constater que c'est toujours lorsque les enquêtes pointent les dysfonctionnements familiaux - non sans un moralisme surplombant un tantinet pénible - que l'efficacité dramatique culmine. Les derniers épisodes concentrent les tentatives plus ou moins réussies de renouvellement de la formule, en multipliant les enquêtes, en tentant l'humour, en "personalisant" (enfin !) les scénarios, ou même en acceptant la contribution - spectaculaire mais pas forcément très féconde - d'un Tarantino, lequel joue dans son "Grave Danger" avec le concept même de la série, tout en lui injectant une ambiance caractéristique et en en sophistiquant la mise en scène, sans pour autant dégager de nouvelles pistes. Pas sûr que la Saison 6 nous compte encore parmi les aficionados !


Saison 6 : La saison 6 de la série préférée du téléspectateur pantouflard (pas trop de surprises, juste la routine bien assimilée de bons techniciens qui ont fini par devenir nos amis, et surtout, pas de stress - comme pour "Lost" ou "Prison Break" - si on loupe un épisode !) redresse un peu la barre, et sur les 25 épisodes du double coffret habituel, il y en a bien 4 ou 5 qui dégagent un surplus d'émotion, voire même le fameux "supplément d'âme" qui manque largement à ce genre d'exercice, et ce, grâce à leur scénario bien écrit et percutant : on remarquera que, et c'est une constante chez les "Experts", ce sont les histoires qui remuent le sombre pathos familial (meurtre des enfants, trahison des parents) qui sont les plus mémorables, preuve que 1) on est bien ici dans l'arrière cuisine de l'Amérique profonde, malgré le clinquant de Vegas 2) c'est dans son inscription au plus près de nos craintes quotidiennes, et non dans un univers artificiel de thriller, que la série TV - par nature - fonctionne le mieux.


Saison 7 : J'avais arrêté "les Experts" en 2007, un peu fatigué par la redondance de cette série grand public fort aimable mais très rarement bouleversante. Le relatif passage à vide actuel en termes de séries TV (est-ce la fin de l'âge d'or, comme on l'écrit un peu partout ?) m'a ramené chez Gil Grissom et Cie. Dans cette saison 7 - désormais fort dépassée, j'en ai conscience -, j'ai trouvé nombre de ces épisodes routiniers, confus ou ennuyeux, qui plombent depuis trop longtemps désormais la série, mais, heureusement, également une moisson relativement abondante de bons, d'excellents moments qui attisent notre curiosité : les épisodes souvent remarquables sur le "tueur aux maquettes" (en particulier, l'épisode 16, "Monster In the Box"), l'apparition marquante de Liev Schreiber en "expert" ripou et hanté par son passé, la confrontation de Greg Sanders avec la violence individuelle et ses conséquences... beaucoup de bonnes choses cette fois, donc. Mais le plus intriguant, c'est indiscutablement la quasi disparition de Gil Grissom du premier plan, sans doute provoquée par le désintérêt de William Petersen pour une série à laquelle il était désormais identifié, mais qui confère à ce personnage complexe une aura mystérieuse, accrue par un comportement de plus en plus incohérent. C'est ce dysfonctionnement dans la machine parfois trop bien huilée des "Experts" qui retient notre attention, et nous donne envie de poursuivre l'aventure.

EricDebarnot
5
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le 2 juin 2013

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Eric BBYoda

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