Luther
7.5
Luther

Série BBC One (2010)

Luther King ? [critique de "Luther" saison par saison]

Saison 1 :
Le premier épisode de la première saison de "Luther", série policière anglaise ayant recueilli tous les suffrages (critique et public...), m'a laissé pour le moins déconcerté : une histoire - certes sympathique - de meurtrière géniale et froide traquée par un flic tourmenté, lui-même en pleine crise conjugale et doutant de ses propres pulsions, qui enfile gentiment les clichés du genre, desservie par une interprétation hésitante, Idris Elba sonnant lui-même régulièrement faux avec son accent anglais emprunté et ses pseudo colères... Et puis, surprise, chaque épisode voit la série se mettre en place, gagner en justesse, en profondeur, en élégance même. Le 4ème épisode s’avère sidérant de réalisme avec son serial killer ordinaire, voire misérable, avant que le dernier "arc" constitué des épisodes 5 et 6 viennent tout simplement nous mettre à genoux. Ouaouh ! Si elle n'est pas exempte de défauts, avec ses facilités scénaristiques et ses interprètes pour le moins irréguliers, "Luther" - une série noire, impitoyable - s'est inscrite d'emblée avec cette première saison au panthéon des grandes réussites du genre.
|Critique écrite en 2014]


Saison 2 :
Il y a dans la (courte) seconde saison de "Luther" dix minutes qui justifient pleinement l'intérêt que l'on porte à cette série britannique atypique, et ce malgré ses nombreuses faiblesses (interprétation pas très convaincante en général, Idris Elba en tête ; personnages pas très bien écrits, oscillant entre stéréotypes et originalité forcée ; grande faiblesse ici de la sous-intrigue franchement débile autour du personnage de Jenny Jones), c'est la très longue et très éprouvante scène d'ouverture de la seconde "histoire" - donc de l'épisode 3 -, qui synthétise tout ce qui nous fascine ici : la création de "psychopathes" tranchant radicalement sur les codes hollywoodiens et de ce fait de situations crédibles et réellement effrayantes, une mise en scène, une photographie et un montage cinématographiques, à la fois baroques et puissants, et au final, une formidable inscription de la série dans la réalité du Londres d'aujourd'hui (... un peu à l'image du travail effectué également dans "Sherlock" !). Pour des moments de ce niveau-là, et il y en a d'autres au cours des 4 épisodes de cette saison, on est vraiment prêts à avaler pas mal de couleuvres, comme par exemple un final assez faible des deux intrigues, et - un peu moins acceptable néanmoins - l'effacement du formidable personnage d'Alice Morgan, qu'on espère voir revenir dans la troisième saison.
[Critique écrite en 2014]


Saison 3 :
Cela arrive malheureusement avec toutes les séries, c'est juste tragique que, avec "Luther", la débâcle frappe aussi tôt, après seulement une dizaine d'épisodes. Déjà, il y a dans cette troisième - et espérons-le ultime - saison, deux sujets qui ne sont pas tout-à-fait au niveau des précédents, même si le thème du vigilante relayé par les réseaux sociaux pouvait sembler prometteur, avant de s'enliser dans l'incohérence complète du dernier épisode. Ensuite, il y a cette "intrigue parallèle" (déjà LA faiblesse de la seconde saison), avec une enquête de la police des police, qui s'avère complètement grotesque, invraisemblable du début à la fin, torpillant totalement la crédibilité déjà bien mise à mal de la série. Enfin, il y a une sorte de dilution des "principes" de la série, qui nous semblaient forts, soit la marginalité du "copper" travaillé par ses démons (on le voit ici en pleine contradiction adopter la vision politiquement correcte de la justice, ce qui est certes louable, mais incohérent par rapport au parcours de John Luther), ainsi que cette noirceur choquante de l'univers dans lequel pataugent littéralement les enquêteurs, désormais bien affaiblie. On sera bien entendu ravis de la réapparition en "deus ex machina" de la fascinante Ruth Wilson, mais cela ne suffira définitivement pas à sauver cette triste conclusion (?) d'une série qu'on a finalement grandement surestimée.
[Critique écrite en 2014]


Saison 4 :
John Luther nous est donc revenu pour une très courte quatrième saison, en fait un long métrage standard découpé en deux épisodes d'une heure, qui nous réconcilie avec la série après la débâcle de la saison précédente : plutôt mieux mise en scène, et certainement plus équilibrée narrativement et portée par un Idris Elba qui a trouvé la mesure de son personnage et ne sombre pas cette fois dans ses excès habituels, elle synthétise parfaitement les qualités et les défauts de "Luther".


D'un côté, des personnages véritablement fascinants, riches et ambigus, poussant les codes habituels du polar un degré plus loin, auxquels on s'attache très vite (voir ici la relation entre Luther et le caïd de la pègre londonienne, réellement réussie), et une atmosphère plus noire que noire qui ne peut que séduire les aficionados du genre. D'un autre une tendance inutile à l'exagération spectaculaire (les scénaristes de cette saison peuvent se vanter d'avoir créé le serial killer le plus efficace et dément à date !), et surtout une simplification parfois jouissive, mais souvent discutable, des mécanismes de l'enquête policière. A l'inverse de ce qui se pratique désormais depuis que les Scandinaves dominent le genre, chez "Luther", pas de fausses pistes, pas d'hésitations, on va droit au but, on identifie immédiatement le coupable (que le téléspectateur connaît lui depuis le début), l'essentiel du scénario se concentrant sur sa traque par la police : c'est simple, direct, pas forcément très logique, mais ça passe la plupart du temps, pourvu que le téléspectateur "suspende son incrédulité".


Beaucoup plus gênante est, une fois encore, la maladresse de la "seconde intrigue", tournant autour de la disparition d'Alice, qui raconte souvent n'importe quoi, et nous laisse au final avec une désagréable impression de confusion. Espérons que la cinquième saison saura répondre à nos toutes les questions frustrantes qui restent posées à la fin de celle-ci !
[Critique écrite en 2018]


Saison 5 :
Il faut bien se rendre à l’évidence, peu de séries TV résistent bien au temps qui passe et qui use progressivement et l’imagination des scénaristes, et notre patience par rapport à des personnages que l’on a un jour aimés pour leur originalité et qui ont fini par devenir des clichés. "Luther", petite série anglaise produite par la toujours passionnante BBC, avait fait son petit effet à son apparition en 2010 : d’une part, elle donnait le beau rôle à un Idris Elba iconisé par son personnage de Stinger Bell de l’immortelle "The Wire" (et dont on avait oublié pour le coup qu’il était bel et bien un acteur anglais !) ; de l’autre, au-delà de ses scénarios un peu trop conventionnels, conjuguant flic « à problèmes » et serial killers envahissants, elle construisait un personnage inhabituel de psychopathe féminin, bien porté par une Ruth Wilson très intrigante.


Neuf ans plus tard, alors qu’on en est à la cinquième saison (avec les quatre épisodes quasi-rituels de 1 heure chacun…), que peut-on dire de cette série qui n'ait pas été déjà dit ? Eh bien, rien de nouveau, malheureusement, cette cinquième fournée des aventures de notre flic névrosé - et très fatigué, et désormais vieillissant - reprenant une fois encore (soupir !) à la fois les thèmes et la structure des quatre saisons précédentes : nous avons donc droit aux habituelles deux intrigues distinctes se déroulant en parallèle (dont la gestion simultanée s'avère particulièrement difficile - et pour Luther, et pour les scénaristes / réalisateurs), au sérial killer de service, d'abord très effrayant dans un premier épisode très réussi, mais qui perd peu à peu son intérêt jusqu'à un final bâclé, et enfin au retour d'Alice Morgan, ce personnage-clé de la série, mais qui, pour la première fois, ne fonctionne pas très bien… Est-ce dû à un coup de fatigue de l'actrice, Ruth Wilson, nettement moins intense et troublante que par le passé, ou bien, logiquement, à l'usure inévitable d'un personnage par trop outrancier et improbable ?


La relation entre Luther et le caïd de la pègre londonienne, bien campé par un Patrick Malahide à la fois inquiétant et touchant, construite lors de la saison précédente, reste l'élément le plus convaincant du récit, mais on appréciera une conclusion très noire et finalement improbablement romantique, matérialisant la force de l'amour psychotique d'Alice dans un dernier geste désespéré qui mériterait de conclure définitivement cette série ayant clairement dépassé - et depuis longtemps - sa date de péremption.
[Critique écrite en 2019]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2019/06/22/luther-saison-5-coup-de-fatigue/"

Créée

le 7 mai 2014

Modifiée

le 18 août 2014

Critique lue 1.3K fois

15 j'aime

Eric BBYoda

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