Luther
7.5
Luther

Série BBC One (2010)

John Luther est un policier intelligent, cultivé et perfectionniste mais il a les défauts de ses qualités puisqu'il a aussi un tempérament colérique et impulsif, surtout face à l'échec. Soupçonné d'avoir violenté un suspect, désormais dans le coma, il reprend le travail après la suspension de rigueur. Bien décidé à faire la paix avec lui même et avec sa femme il se croit sur la bonne pente. C'est à ce moment là qu'il fait la rencontre d'Alice Morgan, intrigante jeune femme dont les parents ont été assassinés.

Le flic brisé est un grand classique du genre policier : personnage plein de bonnes intentions mais broyé par les horreurs qu'il voit, par les injustices qu'il combat. Mais là où "Luther" se démarque c'est par Idris Elba, qui jouait Stringer Bell dans la série "The Wire". Il faut bien reconnaitre que le bonhomme est à nouveau parfait dans son rôle, il donne charisme et coeur à ce personnage sur le fil du rasoir, aussi crédible lorsqu'il travaille un suspect avec froideur que lors de ces accès de colère parfois tétanisant (il y a des jours où on n'aimerait pas être une porte).

Chaque épisode s'articule autour d'une enquête unique, comme n'importe quelle série policière de base. La structure des épisodes a beau être classique (crime --> enquête ---> dénouement) ils n'en demeurent pas moins bon puisque bien écrits, cohérent et parsemés de rebondissements bien sentis.
Flegme britannique oblige on n'a pas de course poursuite délirantes, de gunfights bourrins ou de défonçage de porte par les forces spéciales. L'intuition, la déduction et la psychologie sont les armes principales des policiers (qui ne portent d'ailleurs pas d'armes). L'enjeu n'est pas tant le "qui" (les coupables sont révélés vers le milieux de l'épisode au plus tard) que le "comment faire pour le coincer". Comme dans un jeu d'échec Luther établi des stratégies, prend des risques et utilise son cerveau pour reformer le puzzle.
Des enquêtes qui sont toutes assez glauques avec leurs crimes sanglants et leurs personnages désœuvrés, un contexte oppressant dans lequel Luther semble se noyer petit à petit.

Car derrière la progression policière se tisse en fil rouge une histoire bien plus intime et douloureuse, plus vulnérable que jamais John Luther doit affronter ses démons, faire face à une partie de lui même qu'il aurait aimé ne jamais rencontrer.
Le principal axe de ce fil rouge est la relation ambigüe avec Alice Morgan, jeune femme dont l'intelligence et la froideur fascine autant le spectateur que John Luther.
Le personnage est campé par une Ruth Wilson très juste, oscillant entre charme ingénu et froideur effrayante. Un couple curieux de prime abord mais à l'alchimie captivante.

Tout ce beau monde évolue dans un Londres déprimant, nimbé de lumière froide. L'esthétique générale de la série fait dans la sobriété : des mouvements de caméra discrets ou bien uniquement lors des séquences intenses, un montage sans fioriture, un rythme posé mais qui distille ses rebondissements quand il faut, une violence frontale mais sans complaisance (la caméra ne se détourne pas mais n'insiste pas non plus inutilement). Tout est fait pour assurer la crédibilité de l'univers et de ses personnages, dont les fluctuations psychologiques deviennent le vrai coeur du récit.
La seule curiosité esthétique réside dans un cadrage pour le moins... curieux. Les personnages sont souvent renvoyés en bas de l'écran, dans le coin droit ou gauche. Au lieu de laisser de l'air du côté du regard on "ferme" le regard et on laisse de l'espace derrière et au dessus d'eux.
Une façon de montrer les difficultés des enquêtes ? (on prive le personnage de perspective) Une façon d'insister sur la réflexion des personnages (le cadre est au 3/4 vide, au dessus de la tête -> filme t'on leurs pensées au lieu de leurs actes ?)
Le procédé interpelle et s'il gêne plus qu'il ne sert il a le mérite d'apposer une identité visuelle immédiate et originale au show.
Hormis cette curiosité, principalement utilisées lors des dialogues en champs-contre champs, la série propose donc une réalisation de belle qualité, au service du récit et des émotions qu'il véhicule.

Principalement motivé par l'envie de retrouver Idris Elba je n'ai pas été déçu du tout par cette courte série (6 épisodes pour cette saison 1) tant l'acteur impose sa présence et captive immédiatement son audience. Une performance d'acteur délicieuse qui ne doit pas occulter celle des autres (Ruth Wilson donc mais aussi Paul McGann en rival amoureux pas con) ni la bonne qualité d'écriture et de réalisation du show.
Loin des "Cop Show" habituels "Luther" fait sa propre trace avec un partit-pris parfaitement assumé d'un bout à l'autre.

Mise à Jour saison 2 :

N'y allons pas par 4 chemins, cette nouvelle saison de 4 épisodes se révèle décevante. Décevante parce que l'inextricable situation finale de la saison 1 n'aura pas d'impact sur le déroulement, tout au plus quelques dialogues dans le premier épisode.
Décevante parce qu'Alice Morgan disparait du paysage. Non seulement cela se fait de manière un peu bancale (Luther ayant déjà essayé la même méthode dans la saison 1 sans y arriver mais là, ça marche) mais on perd avec ce personnage un de meilleur mécanisme de la saison 1, à savoir cette relation étrange entre attirance, fascination, répulsion.

Ainsi Luther saison 2 ressemble déjà bien plus à une série policière "normale". Si les enquêtes sont plutôt sympa on regrette que le fil rouge de cette saison 2 sorte de nul part et ne soit pas super passionnant. Il y a bien le personnage de Jane qui est attachant dans sa relation avec Luther mais l'ensemble ne décolle jamais vraiment. Pire, les rebondissements se révèle plus prévisibles que lors de la saison 1 malgré des vilains toujours intéressants.
Loin d'être mauvaise cette seconde saison est tout simplement plus quelconque, surtout en regard des possibilités offertes par un tel personnage principal.
A l'heure actuelle la BBC reste vague sur la possibilité d'une troisième saison mais certains indices (le rebondissement inachevé du coffre de voiture, la dernière séquence) laissent la porte ouverte à cette éventualité.
Une hypothétique saison qui serait bienvenue pour éviter le sentiment d'inachevé donné par la deuxième saison.
Vnr-Herzog
6
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le 29 juil. 2011

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