Je n'ai pas envie de tomber dans une description de la production musicale et artistique de l'album ni même d'analyser la technicité des chansons, les instruments, la voix de Chris Martin, je crois que l'album parle de lui-même, que tout cela est finalement secondaire. Ici il est question de sentiment, d'état d'esprit, d'adolescence, ombrageuse et clairsemée. Le sens de la mélodie inné, les accords simples, presque simplistes de piano et de guitare, les arrangements minimalistes, un fond sonore doux, infiniment doux, expriment universellement et immédiatement, sans second degré, sans arrière pensée, les sentiments qui traversent alors le groupe.


La recette de Coldplay, du moins du Coldplay des grands jours, des années 2000, tient là, dans l'évidente simplicité de sa musique ; une pop britannique mélancolique, à cheval entre Radiohead et Keane ou dont l'immense héritage pèse sur une toute génération de groupe anglais, à commencer par London Grammar.


On ne saurait évidemment dénier le succès du groupe à Chris Martin dont la voix singulière, reconnaissable entre toutes, le piano, la guitare et un sens inné de la composition lui ont inspiré des chansons fabuleuses, devenues des hymnes planétaires. Rien que cet album compte plusieurs des plus grands succès du groupe et c'est peu dire tant ce groupe est célèbre. Ce succès, insolent, tant il tranche avec la simplicité, l'épure musicale du groupe, a valu à Coldplay de nombreuses accusations de plagiat, ce qui évidemment arrive lorsque toute une chanson tient sur trois ou quatre accords. Certains reprocheront bien entendu à Coldplay d'être limite minimaliste, c'est à dire se contenant d'aligner des tubes sans aucune créativité apparente. Le reproche est de plus en plus fondé, tant le groupe s'est noyé dans une soupe électro ayant dénaturé son charme.


Car comme je l'ai dit le charme de Coldplay c'est finalement le plus simple appareil : une voix, quelques accords de guitare, une mélodie douce au piano, une ligne de basse, quelques percussions, violons parcimonieux ici ou là. Rien de plus. Presque une sorte de musique de chambre de la pop si je puis dire, sans effets prétentieux, sans esbroufe. On dirait des adolescents qui ont répété dans leur chambre avec les moyens du bord mais avec un talent et une maturité prodigieuses.


Cet album forme une sorte de triptyque avec Parachutes (2000) et X&Y (2005), aux mêmes allures et styles. C'est Viva la Vida, sorti en 2008 qui changera la donne et peut-être dénaturera l'esprit originel du groupe en introduisant une dimension électro et beaucoup plus dansante.


L'album brasse des thèmes nostalgiques : The Scientist, magnifique ballade, raconte l'histoire d'un amour déçu que même la science et le progrès ne peuvent résorber. In my place, premier titre composé et enregistré par Coldplay donne le ton de l'ambiance nostalgique qui enlumine l'album, à une époque où le monde est frappé par le 11 septembre. Cet événement d'ailleurs plane comme une ombre sur la musique du groupe : les tonalités sont plus sombres, parfois plus âpres que dans Parachutes, comme en témoignent A Rush of blood to the head, littéralement montée d'adrénaline, montée de l'angoisse, de la peur, du stress, ou Politics.


Puis, il y a ce miracle, qui dit selon moi tout de ce que fut l'âme de ce groupe : à la 4ème minute de Warning Sign, chanson plutôt rythmée et décrivant la détresse, tout s'arrête : la douceur émerge, piano mélancolique, voix haut perchée et, quelques accords de guitare, une basse qui bat la mesure, comme si après la tempête le calme revenait, comme si après le cauchemar, on se réveillait, soulagé, dans une chambre à moitié baignée de torpeur sous la caresse d'un rayon de soleil matinal et doux. On ferme les yeux. La pluie a cessé de s'abattre sur la ville anglaise, dans le jardin quelques oiseaux chante, on est bien.

Tom_Ab
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le 13 mars 2019

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Tom_Ab

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