Acid Mist Tomorrow
8.1
Acid Mist Tomorrow

Album de Hypno5e (2012)

Errer sur différents sites de streaming musical, voguant d'artistes similaires en artistes similaires, est un peu le parcours du combattant de l'amateur de musique en quête de nouveaux sons. Une flopée impressionnante de groupes chiants / pas à son goût / monotones peut lui traverser les tympans sans même qu'il ne parvienne à trouver son bonheur. Et puis un album vient soudainement mettre fin à sa quête, accrochant son oreille et lui coupant toute envie de lever l'ancre. Acid mist tomorrow est, à mon goût, un de ceux-là.

Sans être un grand fan de metal à tendance "extrême" (Slipknot, Soad et Snot comptant parmis les plus bourrins que je puisse écouter) j'ai tout de suite été attiré par Acid Mist Tomorrow, dès que les hurlements ont jailli, sur le premier morceau éponyme. Ce n'est pas tant la voix (que je n'adore pas plus que ça au demeurant) que le riff insensé et zizaguant qu'on peut entendre dans le fond, ponctué d'accords ultra dissonnants, qui m'a intrigué. Sans savoir encore si j'aimais ça ou pas, cette violence de camisole me donnait envie de voir ce que le groupe pouvait proposer sur des pistes aussi longues (une dizaine de minutes en moyenne si l'on compte les trois "Gehenne" comme un unique morceau) tout en m'attendant à me lasser rapidement d'un éventuel déferlement continu de violence, même exécutée avec un certain style.
Mais c'est là qu'Acid Mist Tomorrow a fait plus que m'intriguer, quand il lâcha sa première partie atmosphérique aussi brutalement que les riffs de porcs s'étaient lancés. Boum ! Changement d'atmosphère soudain, arpèges fragiles et reverb, magnifique, bientôt rejoints par la voix désormais fantômatique et ethérée du chanteur. Pas transcendé par son chant qui manquait un peu de personnalité et de variations à mon goût, je n'en étais pas moins subjugué par ce que j'entendais.
Si je devais trouver un point négatif à cet album, ce serait la voix, bien qu'elle soit très loin d'être décevante et capable de quelques fulgurances géniales ici et là (notamment dans ce même premier morceau, à 6'48, où elle est tout simplement parfaite). De plus, les mélodies chantées sont toutes excellentes, ce qui en fait plus un point "potentiellement améliorable à l'avenir" qu'un point "négatif".

La présence de samples divers placés tout au long de l'album est un autre très bon point de l'album. Déjà parce qu'ils sont tous magnifiquement intégrés et mis en valeurs par la musique, mais aussi parce qu'ils se trouvent être pour beaucoup très beaux, autant dans le fond que dans la forme. Leur découverte progressive fut réjouissante. D'une manière générale, c'est typiquement le genre d'album qui se découvre par une écoute attentive, perdu que l'on est devant ses structures étranges et tordues. On ferme les yeux et on se laisse guider dans le labyrinthe sonore, devenant plus familier au fil des écoutes, et prenant plusieurs claques en chemin. C'est rare que j'adore toutes les pistes d'un cd mais je n'en ai trouvé aucune décevante ici et toutes contiennent des moments tout simplement exceptionnels. Le premier monologue de "Six fingers in one hand she olds", conclu par une montée en puissance mélodique sublime s'écrasant dans un magma distordu remarquable de cohérence, en fait partie.
Et que dire de "Story of the eye", qui est monumental du début à la fin, tour à tour brutal et atmosphérique, massif et bouleversant. La voix y est parfaite, aussi bien en chant clair qu'en hurlements (ceux qu'on peut entendre vers 3'10 sont pour moi les meilleurs, mélodiquement, de tout le disque) et les arpèges comme les riffs m'ont tous subjugué (le riff à 3'37 est juste indescriptible !). Et si ce morceau est mon préféré, c'est en grande partie à cause de sa partie finale grandiose et envoûtante, indescriptible elle aussi. Mais dégager clairement un morceau par rapport aux autres reste une attitude périlleuse tant chaque piste est un bijou. J'en veux pour preuve le dantesque triptyque "Gehenne", alternant violence inouïe (le démarrage infernal de la deuxième partie) et longues montées mélodiques dont certains arpèges reviennent régulièrement au cours des trois parties, à chaque fois dans un contexte différent, sublime ! Gehenne contient aussi mon riff préféré de tout l'album, celui qu'on peut entendre à 3'15 dans la deuxième partie, et qui revient plus tard. Assourdissant, syncopé, furieux, fou, dissonant, j'ai dû me le repasser des dizaines et des dizaines de fois.

L'album se conclu magistralement par le double morceau "Brume Unique Obscurité", instrumental si l'on excepte ses samples, parmis les meilleurs du disque. Ils sont ici parfaitement intégrés et cohérents et mettent vraiment le morceau en valeur. C'est sans doute la piste la plus mélodique et la plus mélancolique, instrumentale dans le bon sens (on ne s'y ennuie vraiment pas et sa structure est incroyable, toute la première partie étant une lente et magnifique montée en puissance qui trouve son dénouement dans la deuxième, géniale).

Hypno5e a sorti là un disque parfaitement maîtrisé qui, s'il nécessite une écoute attentive pour s'y retrouver, n'est pas élitiste ni prétentieux comme il pourrait le paraître au premier abord, lorsqu'on entend qu'il y aura des samples et des structures chelous, une histoire racontée tout au long de l'album, etc. Leur premier album était en ce sens bien moins réussi à mon goût, même s'il contenait de bons morceaux. Je leur souhaite bon courage pour le troisième, il sera difficile de faire mieux.
Un album de 9 pistes qui conserve toute sa magie plus d'un an après sa sortie et après des centaines d'écoutes, c'est rare. J'ajouterai enfin que je pense sincèrement qu'il n'est nul besoin d'adorer le metal pour apprécier ce chef d'oeuvre, qui fait partie des rares albums dépassant leur style apparent.
EverettMcGill
9
Écrit par

Créée

le 7 mars 2013

Modifiée

le 7 mars 2013

Critique lue 1.2K fois

16 j'aime

Everett McGill

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