Alice & June
5.9
Alice & June

Album de Indochine (2005)

Histoire d'Amour Obscur pour Coeurs et Ames Eclairés

Alors, déjà, il faut savoir que j'écris cette critique précisément 11 ans après la sortie de l'album, ce qui est sans aucun doute un désavantage envers la crédibilité de mes prochains dires. Mais je doute que ce soit un véritable problème. Après tout, une chanson, une musique, une mélodie, ça reste encré dans le temps, à jamais intemporel... Comme cet album.
Pour commencer, je dois avouer qu'Indochine et moi, on a jamais été vraiment fusionnel, genre par moment où je dénigrais entièrement le groupe, et d'autres où j'étais un fan absolu, où leurs chansons me faisaient volées à des millions de km et où je savais qu'ils faisaient partis incontestablement de mes groupes favoris.
Mais ça, c'était avant que je découvre Alice & June. Maintenant, je sais, qu'ils font partis intégrante, des plus grands, des meilleurs.
Ayant commencé l'aventure Indo à l'envers de part leur dernier album Black City Parade ( Clins d'oeil à College Boy, BCP, Le Fond de l'Air est Rouge, Europane) et ensuite République des Météors (Clins d'oeil à Little Dolls, Junior Song, Le Lac, Un Ange à ma Table), c'était avec un certain enthousiasme et une certaine réticence que je débutais Alice & June. Un enthousiasme car je savais que je m'engageais sur une piste de confiance sachant que j'aimais déjà en grande partie Indochine, et une certaine réticence bah, parce que... Cet album est depuis sa sortie considéré comme un album maudit... Maudit de part sa trop grande envie de rendre une ambiance glauque et obscur à souhait, maudit après savoir qu'il est le suivant de Paradize, plus grand succès du groupe, maudit en sachant qu'en commençant cet album, on s'engage sur un chemin totalement absent de stabilité amoureuse, maudit en sachant que c'est un album concept qui se veut assez prétentieux... Mais je partais avec courage dans cette écoute tout d'abord laborieuse.
Personnification même du mal-être amoureux adolescent, il peut sembler tout d'abord dirigé uniquement vers ce type d'âge, ce qui est totalement justifié sachant les intentions d'Indochine de vouloir toujours plus de fans de tout les types possibles. Alors, oui, cet album l'est, mais pas uniquement. Retour sur l'histoire d'amour reliant de façon destructrice ces deux jeunes adolescentes gothiques et perturbées Alice, et June.
Alors, il faut savoir qu'Indochine est un groupe absolument tout, sauf pudique. Parler des fantasmes étranges et menaçants des adolescents ? Pas de problèmes. Exprimer le désir sexuel sans métaphorer ? Aucun soucis. Tout leur est "ouvert" et si bien qu'il est indispensable de reconnaître qu'il ne passe pas par 4 chemins pour dire ce que ressente ces deux jeunes filles entre leurs jambes au fil de ces 22 titres (que je me contenterai de raccourcir à la version courte de l'album à 13 titres). Indochine, en fait, c'est Placebo, mais en français, si bien que les deux groupes s'entendent à merveilles (cf : la collaboration avec Brian Molko dans Pink Water, le chanteur du fameux groupe, qui laisse une trace plus que conséquente dans notre esprit).
Commençons alors l'analyse de cette histoire d'amour boiteuse à l'aide de ces chansons plus dérangeantes et accrocheuses les unes des autres.
L'album s'ouvre avec son intro particulière "La Promesse", qui nous dirige immédiatement vers l'ambiance générale de la chose avec ses horloges et ses coucous, directement assez interrogateurs.
Viens ensuite la première vraie musique. Le vrai bon son, celui qui laisse une empreinte et qui vous fait dandeliner de la tête de part l'âme de la mélodie et de l'histoire que renferme chaque notes présentent en lui. Voici "Les Portes Du Soir", et on attaque directement fort. Signifiant pour certains le "viol" d'Alice ou le premier rapport sexuel entre elle et June, elle représente sans doute les deux. Sombre et entêtante, elle fait partie de ces chansons qui restent ensuite dans notre esprit et qu'on se répète sans cesse peu importe l'environnement.
Viens ensuite le très fameux "Alice et June", titre identique à celui de l'album. Assez rock, elle reste très efficace d'écoute, et les paroles résonnent parfaitement avec le son dur et rapide. Expliquant le début de la confiance établie entre les deux filles, June explique à Alice qu'elle peut compter sur elle pour l'aider à la revenir du Pays des Cauchemars après le viol subit... Malgré une certaine lumière rencontrée, la chanson reste toujours assez lugubre et pesante.
On enchaîne alors avec "Gang Bang". Faible au niveau des paroles, explication du sentiment amoureux selon le point de vue adolescent, mais fort au niveau musical, notamment avec un refrain puissant, il reste personnellement le titre le plus inintéressant de l'album.
Mais on l'excusera, après tout, c'est "Ladyboy" qui suit, et que dire !... Hymne des deux jeunes filles, elle représente le serment faites par celles-ci de vivre leur vie ensemble, sachant à présent qu'elles sont des âmes soeurs. Un gros coup de coeur pour celle-ci, aussi enthousiasmante qu'efficace ! On continue alors avec "Black Page", morceaux sans doute le plus controversé de l'album. Aucunement pour moi, je l'ai immédiatement adopté, avec un punch à faire trembler le plus dépressif des ados, accompagné du très célèbre "Je ne veux pas devenir qu'un adulte imparfait".
Et on ne s'arrête pas dans la lignée des tubes. Viens "Pink Water". Collaboration avec Brian Molko, toujours aussi présent d'une façon presque fantomatique. Les paroles résonnent comme un voyage spatial, un autre monde, où Alice et June peuvent vivre librement et profiter d'elles-mêmes.. Sans doute le morceau le plus abouti de l'album avec un Nicolas Sirkis toujours plus sombre, égal de Molko qui apporte ce qu'il faut au titre.
Et l'enchaînement ne fait que débuter.
"Adora" avec sa mélodie accrocheuse qui nous reste dans la tête des heures après son écoute. Représentant l'amour qu'exprime Alice pour le sadomasochisme, se laissant sombrer dans des ténèbres toujours plus profonde, il nous faut très peu de temps pour apprivoiser cette chanson afin de la classer dans le top des meilleures morceaux de l'album.
"Un homme dans la bouche" et son titre aussi significatif que son refrain redondant "A Man on the Moon" est un titre puissant qu'on ne peut oublier si facilement. Après tout, comment ne pas tomber sous le charme des ébats sexuels de Alice qui s'est finalement retrouvé au fin fond du gouffre ?
Et on conclue l'enchaînement des tubes par "June", qui durant les derniers titres avaient presque complètement disparue, hormis du coeur torturé d'Alice. Personnellement, le morceau le plus personnel et le plus accrocheur de l'album. L'anorexie que supporte la jeune fille nous reste bloqué dans la gorge et l'inévitable pitié que l'on devait ressentir au minimum une fois dans l'album apparaît au fil des paroles de la chanson. Surpuissant.
Et c'est à partir de "Sweet Dreams" que la baisse de régime se fait ressentir... Navré aux inoubliables Sex Pistols, mais il est difficile d'attribuer un titre aussi enthousiasmant à un morceau aussi dénué d'intérêt et dont les paroles sonnent aussi creuses. "Belle & Sebastiane" qui suit reste tout de même un tantinet meilleur avec son refrain prenant, version amélioré de "Gang Bang".
En tant qu'ultimes titres d'Alice & June, "Talulla" et "Morphine" se devaient de faire remonter la pente toujours plus descendante... Fait accompli. Ce premier reste une très jolie ballade aux accents de finale, et l'espoir dans les vies de nos deux jeunes lesbiennes gothiques et perturbées se fait enfin ressentir dans leurs âmes à jamais ternies. Et on conclue avec donc avec "Morphine", morceau qui me reste tout de même assez intriguant en sachant qu'il ne met ni négatif ni positif. Il conclue comme il le faut, sans fioritures. Une fin pour l'histoire d'amour reliant d'Alice à June pour l'éternité ? Non, on la laisse juste en suspension dans le temps et l'espace, et on sait que leur amour restera aussi éternel qu'un coeur meurtri d'un adolescent. Il restera dans leur sang, accompagné de la drogue, de la tristesse et de l'espoir.
Alice & June avec ses accents prétentieux est sans doute l'album coup de foudre que je me suis fait d'Indochine, celui qui me prouve qu'il mérite amplement leur place de meilleur groupe de rock français, qu'importe ce que peuvent dire les mauvaises langues. Et celui-ci sera à jamais intemporel, comme la tristesse et les questions métaphysiques que composent le coeur de l'adolescence, de la peur de la perte, de la solitude, et des déceptions amoureuses qui nous font prendre conscience que l'on peut espérer, tout de même, toujours un peu plus...

Lafonthug
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le 6 nov. 2016

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