... And Star Power
6.3
... And Star Power

Album de Foxygen (2014)

Parce qu’il alignait 84 minutes de chansons mal produites, parce qu’il accumulait de terribles jams psychédéliques que même Yoko Revolution 9 Ono renierait, et parce qu’il traduisait une complaisance énorme, …And Star Power a été laminé par la critique. C’est clair que personne n’écouterait deux fois des Hot Summer, des Can’t Contextualize My Mind, des Freedom II, des Talk, ou encore, le pire du pire, cet affreux Cold Winter, une pitrerie immonde de 6 minutes que seul le Lou Reed de Metal Machine Music aurait pu envisager.


Mais s’il y a bien une chose que l’on ne peut retirer à Foxygen, c’est que ce groupe est rock. Rock dans la musique (comment ne pas revenir à No Destruction ?), mais aussi dans l’âme : quand on lit les interviews du duo, on se rend compte que ces mecs vivent leur style : Foxygen est jem’enfoutiste mais perfectionniste, Foxygen est méprisant mais juste, Foxygen est insupportable mais génial.


Les précédents travaux du groupe, aussi bien le généreux Take The Kids Off Broadway que l’immense We Are The 21st, mettaient au révélateur complet les influences du groupe : Kinks, Sonics, Bowie, et surtout le Velvet et plus encore les Stones (parmi tant d’autres). De fait, Foxygen passait aux yeux de beaucoup pour des imitateurs (doués) de groupes iconiques, qu’ils s’amusaient à ressusciter au travers de chansons habiles. Mais peut-on encore voir de la pop 60’s – 70’s en 2014 ? C’était là la majeure partie des critiques qui s’adressaient au groupe. J’inverse alors la question : pour un amateur des Zombies, des Pretty Things, des Beatles, des Kinks, de Dylan, est-il possible d’aimer autre chose que la passion, le souffle qui traverse la musique 60’s ? Et est-ce que j’aime Foxygen parce qu’ils ont les vibes des artistes que j’aime ? Probablement, et je vais aller plus loin : même s’ils réinventent, qu’ils évoquent sans jamais citer, je crois que j’aime à la folie Foxygen parce qu’ils incarnent tout mon inconscient pop-rock ; musique, attitude, parcours, goût, et talent.


…And Star Power, c’est un gros concept-album, un truc faramineux, le genre de machin qui fait passer Tommy pour une assiette de flageolets en sauce : l’Odyssée musicale d’un groupe superstar, qui après une poignée de tubes (la section est baptisée « Hits », il fallait oser), va devenir un bidule ultra-stellaire, avant de s’enfoncer dans la paranoïa, le psychédélisme le plus inquiétant, puis finir par se relever après une longue errance, parce que l’amour est là. En termes d’ambition démesurée, de croyance crédule, de confiance irréductible, Foxygen pousse le bouchon assez loin. Et s’est même, sans doute par opportunisme, justifié de l’échec de l’album comme un coup préparé, et des dissensions lors des tournées comme de simples canulars médiatiques allant de pair avec la destinée de leur groupe fantasmé : Star Power.


D’ailleurs, ça n’a pas plu à tout le monde, et le duo s’est attiré foule de critiques assassines : les mecs seraient prétentieux, fiers, pédants, et garniraient leur album de trucs inaudibles par excès de confiance. Et alors ? Perso je n’en ai rien à branler. Même s’il est clair que le tout est trop long, et qu’il y a trop de pistes que l’on skippe dans la voiture pour ne pas les infliger à ceux qui ont eu le courage d’accepter le bla-bla-car, l’ensemble reste magnifique. Magnifique, osé, et tellement facile.


Déjà, il y a la voix de Sam France : élégante, sexy, changeante, jamais exacte mais toujours juste. Ce mec pourrait chanter le rock façon Bolan, Dylan, Jagger, Reed, Davies, Ramone qu’il y parviendrait toujours avec la même insolence. Le gusse a beau être trop grand, porter des T-shirts démodés depuis 200 ans et arborer une coupe improbable, il incarne cent facettes à la fois, et toujours avec cette désinvolture parfaite qui fait le sel des plus grands.


Et puis il y a les chansons : l’éthéré Coulda Been My Love, le grandiose Cosmic Vibrations, le très amusant 666, le fascinant Hang, le planant Flowers… A chaque recoin, il y a une mélodie, une inspiration, un flux qui se dégage. Foisonnant de styles, de rebondissements, et d’influences. Ah, les fameuses influences ! Cette fois, elles ont changé : on ressent moins les Stones, un peu plus le Velvet (penchant album canapé), parfois CSN (The Game, c’est Lady On The Island), beaucoup les Beach Boys (si Let’s Go Away For A While avait été enregistré pendant les Smile Sessions, ça aurait donné Wally’s Farm), peut-être un peu les Floyd (tendance Barrett) ou les Doors… Avec en toile de fond, le flower power californien, vu à travers un prisme mélancolique. Mais encore une fois, Foxygen ne tombe jamais dans la copie : ils font ressentir leurs passions par petites touches, et évitent le revival par une justesse totale, une maîtrise folle de leurs moyens, une connaissance parfaite de leurs capacités. Et puis il y a ce bout de chanson magnifique, le terrassant Ooh Ooh à la fin de la suite Star Power, qui m’évoque le soleil des plages californiennes 70’s, les films de série B avec Sondra Locke, les mélodies cocons, bref tout ça quoi, et qui me donne envie de pl


Non ! Car ce n’est pas rock tout ça : le rock, c’est de dire, fuck off fedgie, et de s’en aller la tête haute en fumant un joint, et en s’en foutant de tout ça, bref, en étant fucking triumphant. Foxygen l’a bien compris, et le compromis, la connivence, ils les refusent, car ils seront ce qu’ils sont jusqu’au bout. 50 ans après le fabuleux Get Off Of My Cloud, dur de ne pas tisser des liens.


En février 2017, alors que j’étais en plein coup de foudre pour ce groupe, j’aurais pu aller les voir en concert. Au lieu de ça, j’ai préféré aller retrouver une palanquée d’amis avec lesquels je n’avais pas bu de bière depuis longtemps, et que je risque de ne plus revoir. Mais en fin de compte, je m’en veux d’avoir fait ce choix : rien à carrer des bouche-trous qui ne font qu’alimenter la liste de contacts FB, car, quelque part, c’est Foxygen mes vrais amis. Vive le rock.

TituszwPolsce
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le 2 avr. 2017

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