Alors qu'il domine la cérémonie des Golden Globes pour sa série Atlanta, je vous propose de revenir sur l'album le plus emblématique de Donald Glover sous son pseudonyme Childish Gambino. Sorti en 2013, Because the Internet est le deuxième album studio d'un artiste reconnu d'abord pour ses talents d'acteur. Ces talents transparaissent d'ailleurs tout le long des 19 (15 sans compter les interludes) morceaux qui composent le projet, que ce soit dans le sound design qui assure la cohésion du projet ou dans la performance souvent humoristique que Glover y donne.


La comparaison avec le Channel ORANGE de Frank Ocean, sorti l'année précédente, est inévitable sur la moitié, si ce n'est plus, de l'album, autant sur les instrus que la voix de Glover (shadows, telegraph ave., flight of the navigator, urn, Pink Toes, earth: the oldest computer). On ressent par ailleurs l'influence claire de Kanye West (Crawl, no exit, free information), le style de Tyler, the Creator n'est pas loin de l'instru de sweatpants, et le projet s'achève sur un morceau dont l'instru contenterait aisément A$AP Rocky (life: the biggest troll). Le name dropping ne s'arrête pas là puisque Chance the Rapper, Lloyd, Jhene Aiko, Problem, Miguel et Azaelia Banks apparaissent sur des morceaux pour lesquels ils sont parfaitement taillés.


Cependant, au delà de tout ce beau monde l'album a été produit et construit en ermite, loin des réseaux sociaux et des regards exterieurs, mais aussi loin des producteurs puisque Glover n'a fait appel qu'à Ludovin, compositeur pour la série Community, pour concrétiser ses propres idées. Les crédits de productions sont donc tous attribués à Childish Gambino et Ludovin, et la diversité des instrus force l'admiration du fait qu'elle ne repose que sur ces deux individus.


Tantôt grandiose, brut et écrasant, tantôt mélancolique, nostalgique et subtil, Because the Internet se tient très bien en tant qu'album qu'on écoute d'une seule traite encore et encore. Revenir sur certains morceaux se révèle même parfois difficile sans avoir une certaine affection pour eux tant ils s'inscrivent mieux dans le projet complet qu'en tant que pistes seules.


Glover profite de ses capacités oratoires pour se balader entre différents flows avec une aisance sans pareille, seul maître à bord d'un navire voguant entre les genres et les idées toutes plus malignes les unes que les autres. Rien de révolutionnaire, cf. le nombre d'artistes mentionnés ci-dessus, simplement le produit d'un esprit prolifique qui trouve de l'amusement dans toutes les idées qui y germent. Amusement clairement communicatif, jusqu'à une conclusion d'album sur “i don’t know who i am anymore” suivi d'un appel à l'aide rapidement effacé dans la reverb, comme si l'album était le seul objet que Glover avait eu le temps de nous transmettre avant d'être aspiré à nouveau dans une spirale d'hyperactivité artistique (plus étouffante qu'épanouissante?).


Impossible hors de cette conclusion d'album de voir Donald Glover (pas l'acteur mais l'homme) à travers Childish Gambino, dans tous les cas il est clair que sous ses airs décontractés dans les rares interviews qu'il accorde il tient à maintenir un certain mystère derrière ce personnage musical. Peu importe, au-delà de la curiosité naturelle qui pourrait nous pousser à vouloir comprendre comment un seul cerveau humain peut imaginer tout ça. Peut-être à cause d'internet…?

NaUti
8
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le 12 janv. 2017

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