Born to Die
6.8
Born to Die

Album de Lana Del Rey (2012)

A première vue, quel intérêt de critiquer ( avant on disait chroniquer, ça avait un peu de gueule mais on s'en fout ) un album très à la mode il y a quatre ans ? Aucun.
Mais ça c'est juste à première vue.


C'est un peu comme tweeter un hashtag vieux d'une semaine. Aucun sens.
Et pourtant...


Une envie d'utiliser ce disque pour étriller un peu la prod musicale des 10's (Bah oui, après les 60's, 70's, 80's, 90's, je suis désolé mais on revient à 00, et ensuite c'est les 10's, c'est comme ça sinon ça n'a aucun sens) Bon ok j'arrête les parenthèses.


Lana Del Rey c'est le fer de lance de la dictature cosmétique musicale.
Ah ça, faire du neuf avec du vieux, c'est pas une idée neuve... Les 70's ont recyclé les 60's avec le néo-surf - des Bay City Rollers aux Juicy fruits, faut admettre qu'il y avait de quoi se marrer en ressortant les fringues à papa maman retrouvés dans le grenier.


Les 80's ont réinventé les 50's - Brian Setzer en tête de peloton, très loin devant dans une échappée héroïque qui dure encore. On sait pas à quoi il carbure mais le gars est quand même pas ramollo, on applaudit.


Les 90's ( ah... les 90's ) ou le retour en force des guitares 70's - Remasters de Led Zep en tête, comète grunge filant dans le sillage de la résurrection d'un Neil Young plus brûlant que jamais, Soundgarden réinventait Black Sabbath, les Black Crowes décongelaient les pattes d'eph et les riffs de Gibson, une belle époque, si si...
Tout ça pour dire que le recyclage est une donnée fondamentale des courants musicaux, et que ça ne date pas d'hier. Prokofiev a repris Haydn, Bartok a cité Bach l'air de rien, ça va on a l'habitude et y'a jamais eu de quoi s'en plaindre.


Mais là, comment dire... C'est pas que c'est mal fait, oh que non, ça serait même plutôt du sacré bon boulot côté studio, rien à dire ! Sans entrer dans les détails techniques (j'en vois qui dorment déjà au fond) on peut dire que tout y est.
La prise de voix, qui mérite à elle seule la note globale, la réverb façon piscine, le son de piano vieilli en fût de chêne et les cordes bien soyeuses pour donner à l'ensemble un aspect feu de camp dans le désert de Mojave... Tout y est, et vu de loin on pourrait y croire.
Ajouter à ça une bonne identité marketing à base d'images super 8 et de chemisier vichy, l'affaire est dans le sac.


Le seul problème c'est que si on a le malheur d'avoir écouté ne serait-ce qu'une demi-douzaine de galettes datant d'avant le premier iPhone, on ne peut s'empêcher de se sentir bidonné, arnaqué, entubé par un Video Games qui surnage dans une mélasse de grand nawak général.


C'est simple, Lana elle chante en apnée.
Respirer, pourquoi faire ? Les radios ont horreur du silence !
Alors on empile. On monte, on coupe, on colle... Et voilà la petite Lana, bien mignonne et sincère, ça personne n'en doute, qui se retrouve à nous déverser une mélorrhée impossible et interminable... Les phrases se chevauchent avec un impitoyable débit, de ceux que seul un bon ingé-son est capable de fabriquer en mettant des morceaux bout à bout. On coupe, on copie, on colle, et on recommence. L'écoute au casque est la plus cruelle, parce qu'on a presque envie de rire tellement la "performance vocale" tient de la couture au fil blanc.
Lana del Rey... Porte-drapeau éphémère d'un courant néo-rétro-vintage qu'on jurerait sorti d'une friperie du marais.
C'est pas sa faute hein, et d'ailleurs elle est pas toute seule dans son délire James Ellroyen, mais bon elle passait par là.
Rien de tel qu'une bonne métaphore pour résumer : "Born to Die" ressemble à un jean Diesel (Marithé François Girbaud pour les plus pédants)... C'est pré-troué, pré-usé, pré-mâché. Le genre qui coûte 4 fois le prix d'un neuf, et qu'on vend à celles et ceux qu'ont simplement pas le temps d'attendre que le jean brut s'use, parce que la mode va trop vite.
Et puisqu'on parle de mauvais goût avant d'attaquer les recos sérieuses, quelqu'un peut-il m'expliquer d'où sort le refrain de " Off the races" ? À cheval sur la croupe de Rihanna, courant désespérément derrière Kate Bush... Nan mais vraiment, qu'on m'explique de quel cerveau de DJ génétiquement mortifié a pu sortir une telle atrocité, je veux comprendre !
En langage plus technique, on appelle ça une verrue.


Bon allez, trêve de.


Un peu de musique entre deux réclames, voilà de quoi remplacer le Canada Dry par quelque chose d'un peu plus riche en goût. C'est pas forcément du 100 % Islay, mais dans le genre, ça a quand même plus de gueule, plus de classe, plus de tout.


Mazzy Star - "Fade into you" ( 1993... eh ouais eh ouais, eh ben ouais...)
Broadcast - " Come on let's go"
The Greenhorns & Holly Golightly - "There"s an end"


et même un bon p'tit tube sacrément bien foutu quand même


Shivaree - "Goodnight Moon"

Winslow_Leach
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le 31 août 2016

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Winslow_Leach

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