Compton
6.3
Compton

Album de Dr. Dre (2015)

Je me suis mis au rap très tard, parce qu'avant je faisais partie de ces gens qui disaient "j'aime tout sauf le rap", et j'ai commencé par écouter les incontournables américains : Snoop Dogg, 2Pac, the Notorious B.I.G, NWA, et évidemment, Dr. Dre.
Le thème du retour est vraiment obsédant chez Dre, il est évoqué avec une grande insistance dans 2001 et dans Compton. Après 16 ans d'attente, on se retrouve avec un tout nouveau Dr Dre, bientôt à la retraite, et qui semble avoir beaucoup déçu la plupart de ses fans de la première heure, et je vais essayer d'expliquer pourquoi je trouve que Compton est certainement l'album de rap de la décennie avec un regard de newbie.


Du côté instrumental, y a pas à dire, tout est soigné à la perfection. De l'Intro qui sonne comme une publicité pour le rêve californien, jusqu'au solo de trompette final de Talking to my Diary, on sent que le son a été travaillé dans les détails. C'est la première chose qui m'a séduit en écoutant l'album pour la première fois. A un bémol près, qui est le backing track de Talk About It, qui gâche un peu la théâtralité de l'introduction en rappelant un peu trop des sonorités du rap bas de gamme du début des années 2010 que l'on entend partout, avec des basses monocordes et des batteries synthétiques ou mauvais goût rime avec charley bien sèche à outrance. Toutefois, les autres morceaux sont savamment travaillés, de manière à créer un univers bien particulier de l'un à l'autre, et même d'une partie de morceau à l'autre (voir Darkside/Gone et Loose Cannons). Parfois très simple comme pour Animals, Medicine Man ou Genocide, parfois complexe et complète comme au début de Loose Cannons, dans Satisfiction ou All in a Day's Work, on va avec Dre du plus orchestral au pur gangsta rap (Deep Water en est un bel exemple).


Les guests du Docteur apportent une fraîcheur particulière à l'album, King Mez et Justus maîtrisent exceptionnellement bien leur flow de paroles, Anderson .Paak est une super découverte avec une voix originale et très caractéristique, étrange au premier abord puis très appréciable. Marsha Ambrosius est très présente et apporte un véritable plus à l'album ; j'écoute parfois en boucle la partie vocale en harmonie sur Satisfiction. On retrouve bien évidemment les amis et protégés de Dr Dre : Xzibit, Ice Cube, Kendrick Lamar (super bon sur Gone par ailleurs), Snoop Dogg, totalement déchaîné sur One Shot One Kill, comme on l'a jamais entendu ! Et Eminem, qui a encore fait parler de lui à cause de ses paroles controversées sur Medicine Man, et qui m'a déçu par rapport à d'habitude.


Doctor Dre assure des paroles parfois de qualité et très profondes, notamment en ce qui concerne son succès, le deuil d'Eazy-E, son retour, et on trouve un véritable travail d'introspection sur Talking to my Diary ; mais aussi des paroles typiques du gangsta rap qui fleurent bon Compton et du relent de NWA et des anciens albums. On ne va pas lui reprocher outre-mesure d'aborder des thèmes similaires à ceux de ses anciens albums, car on perçoit vraiment le travail de renouvellement dans l'exploitation de ces thèmes. Et tout ça avec un flow impeccable et une voix indémodable qui se bonifie avec le temps.


En somme, Compton c'est un album travaillé à merveille, super sympa à écouter, et j'avoue y trouver peu de défauts. On retrouve les thèmes de ses précédents albums, avec une vraie volonté de renouvellement, que ce soit au niveau des guests, de l'instrumentation, du flow de paroles, etc.


Pourquoi ne pas le gratifier d'un 10 sur 10 ? L'album pourrait être écouté d'une traite, mais on sentirait bien trop les longueurs entre les morceaux (les fins de Deep Water ou de Loose Cannons sont très axées sur un côté théâtral, ou cherchent à raconter une histoire, mais on ne sait pas à quoi elle rime..). Les paroles sont souvent crues, ce qui n'est pas vraiment un reproche valide en ce qui concerne le gangsta rap, mais elles le sont à tel point qu'on pourrait compter les "f*ckin" et autres "n-word" par douzaines, comme si c'était un mot magique remplissant des trous dans des vers très complexes, trop complexes. Sans surprise, ces mêmes paroles sont souvent sexistes, controversées, violentes, etc. Enfin, si l'album dit vouloir s'adresser à des amateurs de gangsta rap comme on en trouve à Compton, on sent au final la volonté que tous l'écoutent, du fait d'une promotion évidemment permise par les moyens colossaux à disposition de Dr. Dre, ses affaires avec Apple, etc.
Un album très personnel, une oeuvre ultime destinée à son fief d'origine,à sa vie à Compton, à ses amis, à sa façon de vivre, en somme, un véritable Diary, qui somme toute ressemble plus à un livre d'or auquel tout le monde a accès et que l'on signerait à la sortie d'un bon restaurant qui a servi son dernier repas. Ce serait louable si les ambitions commerciales du docteur n'étaient pas si grossièrement apparentes. J'ai eu l'impression en l'écoutant que Compton était fait pour plaire au plus grand nombre, en satisfaisant les goûts musicaux les plus divers et en abusant presque des guests prestigieux. Un incontournable donc, une future légende comme les autres albums de ce qui est maintenant la grande trilogie de Dr Dre : The Chronic , 2001, Compton.

RémiConstant
8
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le 7 sept. 2015

Critique lue 361 fois

Rémi Constant

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