De retour avec un huitième album, réalisé grâce à un financement participatif, les Fatals Picards nous offrent un disque surprenant qui s'annonce presque comme un manifeste : nous n'aurons plus jamais de Pamplemousse mécanique. Clairement le groupe, déjà bien entamé avec Septième Ciel, fait son coming-out musical : nous n'aurons guère plus de chansons engagées mais de la chanson drôle, plus proche d'un vague sketch des Inconnus que d'autre chose. L'incapacité à créer un album s'entend fortement dans ce disque qui ne cache pas pour autant une réelle maîtrise musicale.


Ce disque, en effet, sans être raté, parvient à nous montrer l'incapacité profonde des Fatals Picards a réalisé un album. Ainsi le nom de l'album renvoie à l'intro du disque qui est le répondeur d'un Club de gentlemen : le Fatals Picards Country Club. Sauf que derrière cette introduction, le concept ne sera plus jamais réutilisée. Les différents interludes sont déconnectés et sans aucun sens. C'est-à-dire que certains morceaux de musique sont réellement appelés interlude alors qu'il s'agit de vrais morceaux de musique (L'Esprit de Noël et le Club libertin). Ainsi pourquoi parler d'interlude ? Pourquoi prétendre à un fil rouge dans le disque alors que ce fil rouge n'existe pas ? Pour faire chic ? On voit juste que les Fatals Picards ne maîtrisent pas le concept.
Derrière cela, le disque manque encore plus résolument que Septième Ciel d'engagement. A l'exception de Tais-toi et Creuse, bon titre sur l'esclavagisme au Quatar pour la réalisation d'une coupe de monde de football totalement meurtrière, l'album peine à imposer des idées. Bien sûr c'est drôle, mais c'est souvent potache, basé sur un humour décalé et sans profondeur. Alors qu'on sait que les Fatals Picards savent faire rire, pleurer et réfléchir dans la même chanson. Ici, c'est loin d'être le cas.


Ainsi le disque contient Le Magnet du Jura qui propose une prise d'otage sur fond de collection de magnet type cordon bleu. Amusant mais simplet à souhait. L'Amour à la plage est une reprise des morceaux des années 80 avec un refrain violent. Mais ça ne raconte rien, c'est juste un peu drôle. Le Reich des Licornes est pareil, titre violent qui imagine une dictature des licornes sans guère de message derrière. Simplet aussi à souhait.
Certains titres sont même carrément raté. J'aime, j'aime, j'aime par exemple est un titre ultra répétitif et sans profondeur, long à en mourir racontant qu'un type bourré aime voir une femme danser, et qui pense à informer son mari de la situation. Pas très intelligent, pas très intéressant. Musicalement engageant le Défibrillateur raconte comment quelqu'un sauve la vie d'un inconnu grâce à un défibrillateur. Si la chanson est très entrainante, elle représente assez bien ce qui était, à une époque, le remplissage des Fatals Picards et est maintenant devenu un temps fort de leur album, tant ils ont du mal à boucler leurs disques. De la même manière si A la vie, à l'Armor est marrant par ses références aux bretons parisiens, ce n'est pas fou non plus.
On notera aussi Le Chanteur de Variété, un brin trop long qui n'a pas réellement de message mais décrit simplement la vie d'un chanteur lambda ayant du mal à boucler ses fins de mois. Pas drôle, pas bien raconté, pas musicalement intéressant mais pas loupé, on est dans une moyenne sans vie.


A côté de ça, le groupe a quelques bonnes idées comme La fête de l'école qui raconte une kermesse de manière très stoïque avec des refrains montrant la monté en folie du narrateur. Malheureusement, l'artificialité du refrain et la difficulté d'écriture calme le morceau. Ce problème se retrouve dans Fils de P. fausse attaque envers Poutine (car finalement c'est assez faible). Si musicalement le morceau est très agréable et l'idée amusante avec une pointe de politique, le titre souffre de parole pas très bonne et de rimes parfois difficiles.
Ce soucis se retrouve également dans l'interlude l'Esprit de Noël.


Heureusement, l'album contient l'excellent Pourquoi qui se moque de manière très agressive des compilations de reprises de grands artistes (Génération Goldman, La Bande à Renaud). Beau titre, efficace et puissant.


Ainsi le disque contient pas mal de morceaux sympas mais pas fous, qui auraient pu être très bons dans un disque mieux conçu. On pensera à A la Vie, à l'Armor ou au Défibrillateur. On a des morceaux qui sont plutôt bons mais qui montrent une baisse dans la qualité d'écriture par rapport aux meilleurs années (Fils de P.). On a de l'engagement sympathique et intelligent mais trop rare (Tais-toi et creuse) et un seul titre sur lequel il n'y a rien à redire (Pourquoi).
La majorité de l'album manque d'une auto-critique, d'une capacité à s'évaluer et à mettre de côté des concepts foireux.


On a un album qui fait rire un peu mais qui attriste surtout quand on voit qu'on a que ça de nouveau à se mettre sous la dent. En somme, les Fatals Picards ne sont plus capable d'offrir de bons disques. C'est fini, c'était annoncé depuis Septième Ciel, c'est assumé là. On a juste des compilations d'idées, parfois elles sont bonnes, rarement elles sont travaillées complètement (malgré un vrai travail de musicalité, ce qui est d'autant plus surprenant), et de temps en temps on a des petites pépites.

mavhoc
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le 23 oct. 2016

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