Desire
7.9
Desire

Album de Bob Dylan (1976)

Je crois que la principale raison pour lequel on aime cet artiste intemporel (sauf dans les années 80 bien entendu comme ses camarades), c’est pour le personnage qu’il s’est crée. Le troubadour nomade, lonesome cow-boy n’ouvrant la bouche que pour partager sa sagesse issue de ses périples, on a tous rêvé de le rencontrer au détour d’un comptoir de bar et l’écouter nous raconter ce qu’il a vécu, en ne l’interrompant surtout pas. Pour moi, le personnage Dylan c’est ça : c’est le mec qu’on aurait tous rêvé d’être si on avait plus de courage et surtout de talent. Et si « Desire » est clairement mon préféré du chanteur (lorsqu’il chante, sinon c’est sa BO de « Pat Garett and Billy the Kid »), c’est pour la mise en scène totale et concrète du personnage. Je vous recommande le documentaire de Martin Scorsese, « Rolling Thunder », puisqu’il illustre bien cette période où, un matin, le poète s’est levé en disant « J’en ai marre, on se casse » et s’est embarqué avec des musiciens itinérants dans une tournée sans aucun encadrement précis. Adoptant un mode de vie à la limite des chercheurs d’or des anciens temps (sauf que les pépites étaient des chansons), en carriole toujours en mouvement, ce puissant vent de liberté imprègne constamment ces 9 pièces, articles de bord et autres poèmes purs. C’est entouré de 7 musiciens issus de la tournée, dont l’incroyable violoniste Scarlet Rivera et l’émouvant accordéon de Dom Cortese, que ce best-off de la dernière tournée sans management fut enregistré, gardés à jamais au chaud dans des archives de studio pour qu’on puisse tous en jouir.
« Hurricane », moment de gloire porté par un violon complètement fou, toujours aussi actuel, certainement l’une des plus grandes chansons engagées jamais crées ; « Isis », odeur de rosée perlée pour une histoire sur les tentations, une fleur immortelle ; « Mozambique », que je trouve clairement en-dessous des autres, reste charmante pour son authenticité et ses arrangements une fois de plus fantasmatiques ; « One more cup of coffee », mélodie résonnant comme une plainte de loup au bord de la falaise, paroles forestières, atmosphère ultra-prenante et pourtant emplie de simplicité liée à la communion avec la chanteuse Emmylou Harris ; « Oh Sister », dans une même lancée mais en plus braillard, arrangements tranquilles mais bourrés de sous-entendus, paroles très émouvantes ; « Joey », qui malgré des paroles pour le coup pas très subtils, est un moment de pur bonheur par la complicité totale de tous ses créateurs, cette ambiance de conteur au bord d’une rivière sauvage, et surtout cet accordéon rêveur ; « Romance in Durango », avec deux vers en français, particulièrement rythmé comme une histoire d’amour, un voyage romanesque par les oreilles ; « Black Diamond Day », qui sent bon le carnet de voyage, aussi reluisant que son titre le laissait à deviner, une flamme dans la nuit étoilée en pleine nature ; le bouquet final qu’est « Sarah », une des plus belles chansons d’amour que je connaisse, paroles qui transpercent mon cœur et l’une des plus belles partitions d’harmonica du barde (qui n’en manque pas), une atmosphère ultra-élégante tout en restant nomade. Toutes ces chansons sont recommandées avec des diapos Américains (la vieille Amérique hein, pas celle d’aujourd’hui…).
« Desire » est donc l’accomplissement du fantasme qu’est le personnage de Bob Dylan (fantasme qu’il a tenté de tuer durant toute sa carrière à partir de la fin des années 70 justement). Et même si on sait que tout ça est partiellement fictif, même si on se dit qu’ils ont pu s’offrir cette tournée surtout parce qu’ils avaient Dylan avec eux et donc une bonne assurance de rentrée d’argent, même si on n’ignore pas qu’Hurricane et Dylan ne se sont en réalités jamais réellement rencontré et que la Sarah en question est aussi celle que le chanteur a défoncé sur « Blood on Tracks »… C’est si beau et émouvant de juste y croire, tel un berger venu d’ailleurs venant nous raconter ses histoires de pâturages avec sa bande de joyeux marginaux. Dylan c’est l’évasion, c’est la poésie, et c’est surtout un magicien, avec ses secrets heureusement bien gardés.

Créée

le 26 juin 2020

Critique lue 274 fois

6 j'aime

Billy98

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