Quoi de mieux qu'un peu de blues pour servir de bande-son à cet après-midi orageux ? L'averse est passée, et les reflets luisant sur le trottoir font écho à ceux du vinyle qui tourne sur la platine. Sifflements, harmonica – et le devil qui fredonne pas loin, nous voilà embarqués vers un Far West fantasmé (l'instrumental "Don Pietro"). Car oui c'est du blues donc, mais avec des codes Western. Vous voyez le genre ? On verrait presque passer le train au rythme de la chanson titre !
Rien de bien français a priori et pourtant sous le nom de Képa se cache Bastien Duverdier, qui n'est pas un vieux bluesman noir du Delta ayant tout connu mais un jeune Bayonnais d'une trentaine d'année ancien skateur professionnel (passé de la planche à la guitare suite à une mauvaise blessure). De quoi surprendre. Tout comme la voix qui vient se poser sur cette ambiance bien amenée. « Wow on dirait Timber Timbre » m'écrié-je ! (oui oui je m'écrie, écoutez donc "Carlita") Et, chose étonnante, alors que je jette un œil au line-up, qu'est-ce que je vois : produit par Taylor Kirk, chanteur de... Timber Timbre ! La coïncidence est dingue mais explique certainement pourquoi le bonhomme a bien voulu produire ce petit Frenchy. Le tout a été enregistré en moins de dix jours à Montréal – c'est brut et sans fioritures, pour Haïku Records (qui abrite aussi l'excellent Botibol)
D'ailleurs pour rester sur la pochette ; elle est bien marrante : c'est un collage improbable d'un perroquet, d'une guitare et d'un monsieur distingué portant nœud pap' et casque de réalité virtuelle ! Bonjour le bordel. Mais finalement, elle illustre bien la faille temporelle entre ce blues qui s'inspire de la tradition, du Mississippi, de Bukka White (pour la guitare à résonateur... à moins que Képa en soit devenu dingue juste en voyant la pochette du Brothers in Arms de Dire Straits, ce qui fut mon cas quand j'avais une dizaine d'années, mais libre, jamais dans le pastiche ou dans l'hommage et bien daté de 2018.
Pour vous donner une idée, on serait un peu dans la famille des Bror Gunnar Jansson, des premiers titres de Timber Timbre donc ou du Strasbourgeois Thomas Schoeffler Jr. D’ailleurs comme ce dernier, Képa se produit sur scène en one man band. Ce n'est peut-être pas tout à faut aussi kiffant que les deux sus-cités mais ma foi, si vous voulez écouter un blues libre et détonnant, un peu psyché sur les bords parfois (« Fuck music theory »), ce disque est fait pour vous.