Dunkirk (OST)
6.7
Dunkirk (OST)

Bande-originale de Hans Zimmer (2017)

Avec Dunkerque, le duo formé par Christopher Nolan et Hans Zimmer continue sa longue collaboration ; et l’inertie qu’il y a entre les deux n’a jamais été aussi prégnante. Cette musique, omniprésente chez Nolan, est un catalyseur de tension dans son cinéma. Cette fois-ci, le cinéaste décide de délaisser les mots et les explications pour une immersion physique et d’une âpreté de tous les instants. C’est alors que la musique d’Hans Zimmer s’adjoint à la mise en scène pour composer une œuvre aussi puissante qu’étouffante.


Dunkerque, film de genre qui réagence ses propres codes, est une histoire de survie : l’intention de Christopher Nolan est de simuler le chaos et la terreur de la situation guerrière pour travailler en tandem avec les effets sonores qui oppressent son public. Christopher Nolan a des thèmes qui lui sont chers, comme celui de la dissection du temps. Sauf que la première qualité du réalisateur, est de ne jamais tomber dans la redite.


On le voit bien, avec ses précédents films, où Interstellar devenait un saut de foi émotionnel impressionnant ; et maintenant avec Dunkerque. On a tous connu le cinéma de Christopher Nolan, extrêmement bavard, voire imbuvable dans sa volonté de nous asséner ses explications théoriques. Mais Dunkerque est un virage important : l’épure est de mise et seule l’image sera vecteur de récit. Pour rendre son récit de guerre en trois parties (air, eau, terre) encore plus immersif, le meilleur allié de Nolan est son compositeur fétiche : Hans Zimmer.


Qu’on se le dise très vite, c’est à double tranchant. Pour les allergiques de cette association, Dunkerque ne dérogera pas à la règle, et sera un objet auditif et visuel étouffant qui ne saura jamais se jouer des silences. Pour ceux qui aiment l’alliage entre la mise en scène toute en variation de plan de Christopher Nolan et la partition claustrophobe et lyrique d’Hans Zimmer, Dunkerque deviendra l’épicentre d’une collaboration déjà bien fournie. Ici, la musique est une machine affûtée destinée à pénétrer dans notre psyché interne et à reproduire la peur, le chaos que les soldats connaissent à l’écran, en ne s’arrêtant jamais et en devenant l’épine dorsale portant l’image du premier au dernier cadre (« The Tide »).


En conséquence de quoi, dès les premiers instants, la musicalité retentit et prend les allures de personnages du film. Utilisant avec minutie le motif de l’horloge, des Tic-Tac résonnent dans le creux de notre oreille pour nous immerger dans l’urgence qui se déplace dans l’ombre du film pendant que certaines sonorités ressemblent à des piqûres de rappel, à une sirène d’alerte qui vous font constamment sentir que le danger est proche (« The Mole »).


Dans Dunkerque, l’ennemi est invisible, les personnages n’ont pas de caractérisation propre, le lieu est un no man’s land aride, et l’action n’a qu’un seul enjeu : celui de la survie. Le score d’Hans Zimmer est un exercice de précision absolue et de structure, qui préfère dessiner la musicalité arpentant l’insécurité de la vie (« Home ») plutôt que de se balader autour de mélodies qui nous bombardent de montées chevaleresques pompeuses : de ce fait, son résultat final, proche parfois de l’ambiant, est souple et sait délier son rythme selon si Nolan utilise des plans larges ou resserrés.


De prime abord, la simplicité même des textures de la BO, qui flirtent entre l’ambient et l’orchestration héroïque, peuvent déconcerter car elles se construisent à partir de boucles sombres, de plages aliénantes (« The Oil »), de secousses asphyxiantes, de nappes nébuleuses, de violons qui chuchotent dans le vide, mais la façon dont le mixage est construit, en pyramide, est terriblement complexe.


Hans Zimmer n’est pas un musicien qui y va avec le dos de la cuillère, et on aurait pu s’attendre à de grandes mélodies patriotiques ou à des symphonies victorieuses. Sauf que l’épure, l’abstraction cinématographique, de Dunkerque ne concernent pas seulement l’art graphique mais aussi le contexte sonore de l’œuvre : vous ne trouverez pas de grands thèmes ou de grandes mélodies dans Dunkerque.


C’était l’objectif premier de la bande son : faire en sorte que l’ossature sonore du film ne soit que la représentation musicale de l’action (« Supermarine »), de la peur sachant que la mort est la seule émotion qui parcourt les personnages. Alors qu’une architecture indus, proche d’un Trent Reznor, s’immisce dans les soundtracks qui accompagne Dunkerque, c’est la peur qui devient le thème principal d’un film, qui par opposition au silence de cathédrale qui entoure les personnages, fait de sa musique le moteur de son découpage cinématographique.


Et même si l’utilisation du silence ou des simples sonorités naturelles auraient pu accentuer la tension et l’isolement de ses soldats, la musique est ainsi faite, sans aucune respiration, qu’elle se fait l’écho tentaculaire de la tragédie qui se déroule devant nos yeux. En dépit de son aspect un peu trop didactique dans les précédentes œuvres de Nolan, ne laissant guère place à l’imagination du spectateur, cette fois ci Hans Zimmer, comme dans Interstellar, fait de sa musique une traduction de ce qui se passe à l’écran plutôt que de n’être qu’un simple outil qui retranscrit l’engouement autour des enjeux. Enlevées de cette habituelle preuve de démonstration, les chansons qui s’insèrent dans Dunkerque n’en sont plus et deviennent alors le flux narratif même de l’œuvre, le portrait même de la thématique du film : la peur de l’inconnu. La peur du temps qui passe.


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Velvetman
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le 6 août 2017

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