Eternal
7.1
Eternal

Album de Guts (2016)

Maintenant qu’il nous a prouvé par A+B qu’il était Hip Hop, après tout, Guts semble libéré. Et lorsqu’un des producteurs français les plus talentueux de sa génération n’a plus de limite, le voilà qui côtoie l’éternel.


Le dernier né de Guts s’appelle donc Eternal. Toujours publié chez Havenly Sweetness, l’ancien producteur d’Alliance Ethnik, faut-il encore le rappeler, semble avoir trouvé plus que jamais son rythme de croisière. Guts est typiquement du genre à glisser des grains de sable à l’intérieur même de ses vinyles, pour mieux le rejoindre dans un univers simple, beau et groovy. Fort d’une expérience live accumulée lors des différentes tournées de son dernier et excellent Hip Hop After All et presque 30 ans de carrière, le voilà choisissant une base organique pour les 14 titres d’Eternal. Peut être plus que jamais, ce Guts est là est fait pour être vécu, pour être joué sur scène, pour être embrasé et embrassé avec son public.


Même s’il sort le 1er avril, Eternal n’a rien d’une blague. Le son Guts, au fil des rencontres et des prestations, s’est affiné, précisé. A l’image du second titre de l’album, « Take Me Back », Guts se mue en chef d’orchestre d’un ensemble funk organique, grosse basse, gros break et amour des cuivres à la clef. Les bonnes habitudes se conservent, et le titre s’agrémente d’un couplet rappé. Le genre de morceau à se faire remémorer ses vacances à la plage chez un berger qui n’a jamais quitté les Alpes. Même principe pour « Dirty Otter », qui s’appuie cette fois sur une base exclusivement instrumentale pour jouer sur nos sentiments, jusqu’à ce que la levée des pianotages électriques ne viennent définitivement faire tendre les bras et nous faire bouffer les rayons d’un soleil couchant magistral.


Guts maîtrise sa zone de confort comme personne et nous y balance des invitations à tout va. Ainsi, les accords rêveurs, le beat simple mais qui claque et la basse qui bounce de « All Or Nothing », le quasi-trip-hop, nostalgique et clippé il y a peu « Peaceful Life » témoignent avec brio du style de l’artiste. Dans le même ordre d’idée, on retrouve les deux énormissimes « Every Generation » et « Desintoxication », petites pépites destinées aux jazz bands, aussi lourdes que smooths. Deux indispensables d’Eternal. Parfois, Guts revient aussi vers un son Hip Hop à l’ancienne, comme sur « Kiss My Converse ». Sauf que cette fois, plutôt que de boucler son idée, l’artiste prend ses aises sur 5 minutes, termine par une exploration différente. Elle est là, la grande idée d’Eternal : prendre de nouveaux chemins, en prenant soin de laisser traîner les petits cailloux pour ne pas se perdre.


L’autre face de Guts


Eternal est avant tout un petit plaisir que s’est accordé Guts. Et qui dit petit plaisir, dit sons différents. Le producteur annonce d’ailleurs la couleur dès l’introduction de son album, sobrement intitulé « Opening ». Sur un début qui sonne comme les grands jeux de l’arène de Ben Hur, le titre bascule tranquillement vers des inspirations de rock progressif et des bandes originales des films de la blaxploitation. Même effet avec « Epic Poses », qui reprend quelques guitares bien lourdes pour les replacer dans le contexte du rap (très) underground du début du millénaire, dans ce qui pourrait furieusement ressembler à du cLOUDDEAD. Elle est là, la touche organique d’Eternal : avoir la liberté de sortir des samples et de parcourir les sons et les envies sans entrave.


Guts utilise un maximum son expérience avec Lorine Chia, Tanya Morgan, Leron Thomas et tous ceux qui l’ont accompagné ces dernières années avec des morceaux qui respirent les musiques du monde, s’éloignant de la base Hip Hop pour une signature inimitable. Ainsi, « Rest Of My Life » s’appuie sur ses inspirations asiatiques et des voix de folie pour devenir l’un des titres les plus complets de l’album, aussi bien classes musicalement qu’emplis d’âme, à l’image d’un « Open Wide » de son dernier opus. Pour rester un peu en Asie, « Nowhere » vient compléter le voyage initiatique, avec des interprétations encore nickel et une envolée finale au piano dantesque.


Parfois, Guts est plus nocturne, plus réservé. Dans ce qui commence comme un ersatz de Bonobo, « Incomplete » se nourrit de la signature de son interprète, jusqu’à devenir l’égal des morceaux exotiques et fouillés de Peter Gabriel, plus sombres dans leur vision du monde. Ainsi, après les classiques de Guts se trouve un « Give You Up » autant inspiré d’Afrika Bambaataa, de la fin des 80’s que du revival du genre par Daft Punk, dans une odyssée de 7 minutes surprenante. No limit, qu’on vous dit.


C'est avant tout cela, la beauté des productions de Guts, toujours sublimées dans Eternal : l'idée que la musique s'associe à un souvenir. L'album en devient éminemment personnel et subjectif, presque approprié. Le dernier projet du producteur est empli de morceaux parfois profondément ancrés dans sa philosophie de vie. Il n'hésite pourtant pas à passer outre sa zone de confort pour aller perpétuellement en chercher de nouvelles, tranchant à travers les terres inexplorées pour en extraire la substantielle moelle. Eternal est ainsi une réussite qui porte parfaitement son nom.


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le 3 avr. 2016

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