"-Rentre là-dedans !
-Mais Pinky, je t'assure que...
-Tais-toi prêcheur, je t'ai dit d'entrer ! Et t'avise plus de m'appeler Pinky !
Un violent coup de crosse d'un antique Colt .45 Peacemaker 1872 vint embrasser la mâchoire du révérend, ce qui acheva de le convaincre d'ouvrir la porte grinçante que lui désignait maintenant son ravisseur. Il tituba avec peine en pénétrant dans cette cabane délabrée, marcha dans une flaque creusée dans le sol en terre battue en espérant qu'il s'agissait bien d'eau, et se dirigea vers une chaise et une table faiblement éclairées par une ampoule nue qui grésillait d'une lueur jaune malsaine, Un ordinateur, d'un modèle dépassé trônait là, attendant en ronronnant paisiblement qu'on le tire de sa veille.
-Et maintenant mets-toi au boulot !
Pendant une seconde, le révérend se dit qu'il avait une chance, qu'il pouvait se saisir de l'arme et se débarasser du détective. Il quitterait alors cette cabane humide et irait prévenir le reste du gang. En levant les yeux, il vit le regard dur du détective, il n'y avait aucun doute, l'homme qui appuyait maintenant le canon de son arme sur sa tempe grisonnante ne se faisait aucune illusion quant à ses intentions et il le faisait comprendre d'une façon particulièrement parlante.
-Fais pas ça prêcheur, tu pourrais le regretter. Puis d'une voix faussement courtoise. Au travail mon révérend, j'espère que ton prêche sera à la hauteur, je l'éspère sincèrement."
Le révérend adressa au ciel une prière silencieuse avant de tirer la chaise sur laquelle il s'assit péniblement, puis, dans le silence de la cabane, posa ses doigts sur le clavier.




Critique de Everything Will be Alright in the End par Révérend-Z


J'ai toujours eu un faible pour Weezer, ce n'est pas un secret, j'ai écouté le "bleu" et "Pinkerton" en boucle, j'ai toujours trouvé quelque chose à me mettre sous la dent y compris dans des albums moins convaincant, et j'ai même cru à un sacré retour en force avec le "rouge" et son "Greatest Man that Ever Lived". Fatalement, "Hurley" et "Raditude" je les ai écoutés un peu plus par habitude, par politesse presque, que par réelle passion. (Vous noterez que j'évite "Maladroit" avec dexterité)
Pourtant, j'étais pressé d'entendre ce nouvel album, pressé parce-que certains bien informés m'avaient laissé entendre qu'il s'agissait d'une réussite.
Ce qui saute aux oreilles, c'est l'énergie. Ca faisait longtemps que Weezer n'avait pas autant lâché les guitares (avec Brio), on a même droit à des vrais riffs et des solos ! "Ain't got Nobody" par exemple ouvre l'album avec une certaine fulgurance, le titre fait sourire et pas seulement parce qu'il rappelle ce bon Igor et sa chanson dans le "Young Frankenstein" de Mel Brooks.(http://www.youtube.com/watch?v=tMcBNfhkZ-4) Le ton résolument rock et lumineux a de quoi faire revenir de joyeux souvenirs des années 90, période "bleue" plus particulièrement comme on le lit ça et là à propos de cet album. "Back to the Shack" est du même tonneau, très efficace, ce n'est pas pour rien qu'il s'agit du premier single d'ailleurs, et encore une fois très marqué rock. Rivers Cuomo parlait avant la sortie d'un album qui provoquerait un retour "à l'âge de 16 ans, chevauchant son vélo en sirotant un Slurpee" (http://fr.eonline.com/eol_images/Entire_Site/2013611/rs_600x600-130711105816-600.slurpee.mh.071113.jpg). Cette chanson c'est ça. Là où l'adolescence déployait son spleen dans les premiers albums, ici elle est figée en un idéal presque oublié. C'est un peu comme ça pour chacun de nous, beaucoup ont détesté cordialement être un ado, alors qu'on donnerait cher pour retrouver cette mèche de cheveux et ce sentiment d'invincibilité qui...




Le révérend passa machinalement une main sur son crâne, lorsque sa main heurta malgré elle le métal froid du .45 toujours posé sur sa tempe, il décida de se concentrer un peu plus sur ce qu'il était en train d'écrire.




Weezer la joue donc un peu nostalgique, et c'est ce qui lui permet de renouer avec l'esprit originel (ça sonne comme un mythe) sans pour autant tomber dans l'auto-parodie. En témoigne le très réussi "Eulogy for a Rock Band" qui évoque peut-être un de ces groupes ayant débuté "In the Garage". Comme le morceau précédent, celui-ci n'hésite pas une seconde à employer de grosses guitares, pour laisser la place à des refrains bien plus apaisés, très "album vert". "Lonely Girl" sent le terrain connu avec ses paroles douces-amères et son énergie juvénile, ça marche un peu au détriment de la surprise pour la peine.
De l'innovation il y a en quand même un peu, puisque l'intro quasi funky de "I've Had it up to Here" débarque à la suite, on y croise même un passage reggae-rock façon Police ! Avec son intro à ambiance de film historique "The British are Coming" vient se poser en point d'orgue de l'album. Le refrain est du genre à s'incruster dans la tête pour y squatter impunément pendant des jours.
En parlant d'intro, celle de "Da Vinci" fait trembler, on entend les membres du groupe sifflotter la mélodie ce qui ne dure guère très longtemps, tant mieux, je ne sais pas pourquoi, même si c'est efficace, j'ai un peu de mal avec ce gimmick. Le reste du morceau est cependant parfaitement dans le ton de l'album.
Bonne surprise, "Go Away" convie les membres de Best Coast pour un morceau adolescent très doo-wap dans l'esprit avec de jolies parties de guitare au bubble gum dedans.
J'avais anticipé l'harmonica en entendant la guitare folk de "Cleopatra" et je ne m'attendais certainement pas à ce que le morceau emprunte cette voie de plus en plus dure, brutale même pour un morceau de Weezer sur son dernier tiers. Les guitares se font de plus en plus lourdes, après un solo façon Egypte de pacotille (et avant un deuxième solo inspiré) et on se dit qu'on n'est pas tout à fait éloigné de "Pinkerton" sur ce morceau.
"Foolish Father" possède des couplets puissants et des refrains apaisés, comme Weezer aime en livrer. La mélodie du couplet me fait curieusement penser au "Feel Good Inc." des Gorillaz. Comme tout au long de l'album, Rivers Cuomo n'a pas peur de chanter dans les aigus, ni de tirer de jolis solos de sa guitare. L'explosion se fait bien-sûr les choeurs ironiques de la fin qui répètent le titre de l'album comme pour s'en convaincre.


C'est une suite de trois morceaux qui vient clôturer l'album, à ne pas lire "The Futuroscope Trilogy" mais bien "Futurescope". (http://www.cars-saintlaurent.com/dyn/sorties_1_journee/futuroscope/futuroscope.jpg)
C'est un moment de défoulement entre guitares plombées et envolées mélodiques qui évoquent des motifs familiers chez Weezer. Le piano n'est pas en reste sur la seconde pièce, "Anonymous" qui rappellera sans doute avec une émotion moite le fabuleux "Across the Sea" sans pour autant oublier une montée en puissance avec la voix de Cuomo soulignant les guitares d'un très drôle "nanananymous". Enfin, "Return to Ithaka" conclut sur le thème d'Ulysse (autant celui d'Homère que celui de James Joyce) toutes guitares dehors, avec une dimension queenesque assumée.


J'ai beaucoup employé dans cette critique d'expressions comme "ça rappelle" ou "ça fait un peu penser à", pourtant il ne faut pas croire que les seules qualités de l'album soient dans l'évocation de périodes bénies pour le groupe. Pris comme tel, et ça fait drôlement plaisir à écrire, c'est en effet un très bon album de Weezer, ceux qui n'en attendaient pas tant, comme moi, seront aux anges. L'album séduit par son côté rock, sa production très efficace dûe au retour de Ric "The Cars" Ocasek et ses thèmes très porteurs comme la relation à soi, aux femmes et aux autres comme l'a expliqué Rivers Cuomo qui a dirigé l'album de façon très majoritaire. "Everything Will be Alright in the End" ne ment pas avec son titre, il redonne de l'espoir après plusieurs albums franchement dispensables.




Le révérend fit craquer ses phalanges après avoir écrit sans interruption pendant de longues minutes. Il tourna la tête pour signaler qu'il avait terminé. Le détective n'avait pas bougé depuis qu'ils avaient tous deux pris place dans cette cabane mal éclairée et à présent, le révérend fourbu ne savait plus à quoi s'attendre.
En tentant de masquer tant bien que mal l'incertitude dans sa voix, il trancha le silence ambiant que seuls quelques clapotements, venus du toit mal ajusté qui laissait entrer un peu de pluie, troublaient de temps en temps.
-C'est terminé Pin...euh...détective. Alors dis-moi, est-ce que tout ira bien à la fin ?

I-Reverend
8
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Créée

le 8 oct. 2014

Modifiée

le 10 oct. 2014

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I Reverend

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