FORGET
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Album de Xiu Xiu (2017)

Pour un dépressif chronique, Jamie Stewart est en forme ces derniers temps. Rien qu'en 2016 il aura sorti un fantastique album de reprise de la B.O. de Twin Peaks, quelques disques de troll pur pour faire enrager ses fans, une collaboration dark-ambient avec Lawrence English sous l'alias HEXA et même un commentaire audio sur son ancien album Dear God I Hate Myself. Stewart n'a pas prévu de perdre son temps en 2017 non plus ; dès l'aube de l'année (et suite à un leak malencontreux plus de 2 mois avant la date prévue) Xiu Xiu est de retour. Et cette fois, ils jouent de la synthpop.


Mais gare à ceux qui s'attendront à danser bien innocemment, ce serait mal connaître Stewart. Sa pop est tout ce qu'il y a de plus névrosée et angoissée, et les caresses synthétiques sont toujours accompagnées de leur pendant noise et industriel, qui secoue des morceaux d'apparence romantiques d'autant de saccades cauchemardesques. Pour accéder au plaisir suprême il faudra passer par une bonne dose de S.M. comme Jamie les aime. Et ça commence dès l'ouverture "The Call" qui intègre un rappeur trashy pour inonder la compo coldwave dansante de ses "CLAP CLAP CLAP BITCHES" et ses "WHY CUNT WHY WHY WHY CUNT". Voilà de quoi en révulser beaucoup ; moi-même je ne trouve pas le mariage très heureux, même si ça a au moins le mérite de me rassurer sur la volonté de Stewart de prendre des risques et tenter de nouvelles choses. Mais heureusement le ciel s'éclaircit dès la seconde piste "Queens of Losers" qui amène à une fusion de styles que Jamie et sa bande maîtrisent bien mieux que le hip-hop : le rock industriel - enfin en l'occurrence ce qui devient plutôt de la synthpop indus. Et si la démarche principale de FORGET restera ce mariage de dancefloor synthétique glauque, Xiu Xiu nous emmènera visiter des paysages variés. En vrac on aura de l'Arcade Fire période Reflektor ("Wondering", single de l'album), de l'indus gothique ("Hay Choco Bananas"), du spoken-word (la deuxième moitié de "Faith, Torn Apart"), du néofolk ("Petite"), du synthpunk, j'en passe.


Malgré ses agressions, FORGET contient tout de même sa dose de "tubes" ("Jenny GoGo", "Wondering", "Get Up", "Forget"...) et globalement tout le cœur de l'album est excellent. Le seul véritable défaut du disque en fin de compte est de démarrer et de s'achever plutôt faiblement. "The Call" et ses CLAPBITCHES rend le début assez éprouvant, quant à "Faith, Torn Apart" son outro spoken-word maniérée fait certes son petit effet la première fois, mais se la taper à chaque réécoute devient vite gonflant. Dans l'ensemble FORGET est un succès. Cet écrin synthético-romantico-flingué convient parfaitement à l'étrange mélancolie auto-destructrice de Jamie Stewart, et contempler l'homme déclamer ses élucubrations névrosées sur un dancefloor secoué d'un jump-scare toutes les 30 secondes c'est du miel pour mes oreilles.


Xiu Xiu a toujours été la thérapie de Jamie Stewart, de son propre aveu. Pour être si productif ces derniers temps, sans doute que l'homme doit avoir encore beaucoup de soucis à régler. Cette pensée est très égoïste et insensible de ma part mais... pourvu que ça dure.


Chronique provenant de XSilence

Créée

le 7 janv. 2017

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T. Wazoo

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