Il faut dire que l'ambition première du rappeur Nekfeu dans son nouvel album est de mettre le feu au monde du rap français, de le mettre sens dessus dessous. Il s'agit donc d'une tentative ambitieuse de se hisser en haut du podium comme il l'explique clairement dès le premier titre intitulé "Martin Eden" où il déclare ne pas bouger de la première place lorsqu'il y est. Il est indéniable que le rappeur met la barre très haut pour ce premier opus.
Au début de l'album l'atmosphère est assez dure, assez violente, comme chez beaucoup d'artistes rap. Le son est dure, brute et l'on ressent parfois une certaine agressivité chez le rappeur. Nekfeu dénonce les riches, les politiques, le système éducatif, les milieux élitistes... Bref, rien de très nouveau dans le monde du rap d'un point de vue thématique. Il nous ressort la bonne vieille recette du type qui a souffert toute sa jeunesse et qui a finalement réussi au prix d'un dur labeur. La chanson "Rêve d'avoir des rêves" l'illustre parfaitement avec sa critique explicite du système éducatif qui selon lui ne permet pas aux jeunes de son milieu de réussir.
"Égérie" annonce une pause où Nekfeu semble un peu plus apaisé dans l'album. Nekfeu quitte les bas quartiers et entre dans une haute sphère sociale où il rencontre une égérie de mode. C'est le départ d'un Nekfeu adulte et posé qu'on ressent musicalement par un son beaucoup plus approprié au night club notamment avec "Reuf". La rythmique et la mélodie prêtent beaucoup plus à la fête.
Référence au rap des années 90 avec "La moue des morts" qui revient à la dureté du début aborde un sujet plus profond: la mort. Un flow très fluide et posé chez S-Crew mais un peu plus décevant chez Nekfeu sûrement à cause de certaines paroles qui ne se calent pas très bien sur le rythme binaire de la chanson. Il arrive tout de même à se rattraper avec le titre suivant, "Laisse aller" un message très fort pour la jeunesse, très bien mis en musique avec quelques sonorités qui rappellent Drake.
Le rappeur ralentit dans "On verra" sûrement parce qu'il en a "rien à foutre de rien". Une bonne façon d'envoyer ballader le monde qu'il dénonce en rappant avec cette désinvolture et cette trivialité qui plaisent tant au public des quartiers populaires. "Ma dope" continue dans la même bonne lancée. Cette fois-ci une immersion dans la vie du rappeur drogué qui nous fait partager sa vision avec un excellent flow, peut-être le meilleur de l'album. "Jeu d'ombre" parachève cette partie plus "douce" que le reste de l'album. Les titres sont ainsi bien répartis. Les parties assez dures sont entrecoupées par des séries de morceaux plus reposants.
"Elle en avait envie", "Princesse", "Risibles amours", trois chansons parlant de femme, une transition toute trouvée vers la fin de l'album. Amour, sex, drogue sont au menu dans cette partie où le rappeur parle de "l'illusion de la séduction" (Risibles amours). "Point d'interrogation", "Être humain" et surtout "Nek le Fenek" font vibrer la corde sensible chez l'auditeur qui peut enfin découvrir une certaine part de faiblesse chez Nekfeu qui a le courage et l'honnêteté de se dévoiler entièrement tout au long de l'opus.
Déjà de belles promesses pour ce tout jeune rappeur qui n'a sûrement pas fini de nous surprendre.