Quelque part en France, un jeune éphèbe que l'on nommera par souci d'anonymat Vadec Sago s'est lancé au cours d'une nuit hivernale ombrageuse dans une entreprise titanesque et Ô combien singulière pour le génie qu'il était : écouter et décortiquer le dernier ouvrage musical d'une de ses contemporaines les plus illustres, vulgairement connue sous le nom d'Avril Lavigne. Fort d'une culture musicale qu'il auto-considérait comme exceptionnelle, Vadec avait depuis longtemps cessé d'employer ce processus stérile inhérent à tout être humain qu'il s'amusait à appeler "recadrage". En effet, à l'inverse d'un Descartes dégénéré, ce dernier n'envisageait la "tabula rasa" qu'en cas d'amnésie foudroyante et ce malgré de nombreuses remontrances amicales qui le situaient en souverain dans le royaume des "égocentriques forcenés" ou des "intolérants psychotiques". Affirmer qu'il n'en avait cure est un doux euphémisme : il avait décidé, dans sa quête sempiternelle pour le bien de la musique, qu'il ne se limiterait pas à une aseptique recommandation publicitaire. Il s'agissait aussi pour lui de mener croisade contre une forme de culture qu'il considérait depuis son plus jeune âge comme abreuvée de vide émotionnel, bonne à remplir la caisse d'opportunistes malfamés. Dans cette optique, écrire à propos la dernière production de celle qui, alors que Vadec était aussi mûr qu'un fruit bourgeonnant, envahissait les radios du monde entier avec des tubes aussi insupportables que "Girlfriend", "Sk8er Boi" ou "I'm With You", représentait pour le jeune homme un satisfaisant défouloir. Après une douloureuse heure de supplice auditif, il se lançait donc dans la rédaction de son avis divin à travers un argumentaire indiscutable et sans faille:

" La tignasse oscillant entre le blond, le rose et le vert fluo, l'air faussement je-m'en-foutiste (rock'n'roll !) et le chant affreusement discordant, Avril Lavigne s'est présentée sous son meilleur jour pour la catastrophique soirée des victoires de la musique version 2011. Petit rappel : la "teen préférée des teens" a 26 ans et pourtant, lorsqu'elle entame sa dernière chanson "What The Hell", soutenue par les cris pré pubères d'un bon millier de jeunes filles, j'y vois une mascarade malheureusement très commune. Dans ce théâtre hypocrite, le premier rôle reviendrait à l'artiste, victime de son image, manipulée et formatée pour satisfaire les besoins d'un public féminin de plus en plus illettré et de moins en moins tourné vers la culture. J'outrepasse néanmoins tout ces à prioris (fondés) et me lance à l'écoute de Goodbye Lullaby, le successeur de The Best Damn Thing, sorti en 2007.

Dans son dernier massacre, la vieille Avril s'attaque à des mélodies banales et plurales d'une voix lisse inintéressante et souvent agaçante. A titre d'exemple (non exhaustif), "Alice" recueille les plus insupportables gueulantes qu'il m'ait été donné d'entendre dans ma courte vie. "Goodbye" s'attaque au registre émotionnel avec un violoncelle dépourvu d'âme; "Smile", avec ses paroles implicites ("You know that I’m a crazy bitch/I do what I want when I feel like it"), tente le registre subversif... Sans succès. De mon écoute (une aura suffit), rien n'est à retenir, si ce n'est une suite de titres sans aucune consistance ni originalité.

Pour les plus clairvoyantes des fans d'Avril Lavigne, je me permets de fournir une petite liste qui les aidera peut être à surpasser leur handicap : pour celles qui ont été touchées par "Goodbye" et son violoncelle, je conseillerais vivement l'écoute de "Cello Song" du regretté Nick Drake. Pour celles qui ont aimé l'orgue de "What The Hell", écouter "Light My Fire" des Doors serait une lumineuse idée. Enfin pour celles qui ont apprécié le côté grandiloquent d' "Alice" (5 minutes, c'est long !), peut être qu'une visite du côté de Yes, et notamment "Close To Te Edge" vous ramènera miraculeusement dans le droit chemin.

Enfin, afin de résumer ma pensée quant à l'album et aux personnes concernées par l'achat de celui-ci, j'oserais citer cette phrase tirée de sa page Wikipédia telle quelle : "Avril Lavigne exprime sa gratitude envers certaine personne dans sa vie, dans la chanson "Smile", elle explore les relations de couple dans "Push", montre son côté vulnérable dans "Wish You Were Here", et enfin une chanson qui montre la fin d'un chapitre de sa vie et l'ouverture d'un nouveau, "Goodbye"."
Les erreurs de syntaxe, de ponctuation et les fautes d'orthographes sont bel et bien réelles. Que disais-je sur l'illettrisme déjà ? "

C'est en rédigeant ce dernier paragraphe que Vadec prit conscience de l'inutilité de la tâche qu'il s'était assignée. Il était au-dessus de la masse, il le savait. Mais cet altruisme aveugle qui le poussait à vouloir que le monde entier soit à son niveau relevait de l'utopie la plus poussée. Il décida donc égoïstement de garder son avis absolu pour lui, et jeta la feuille encore humidifiée d'encre à la corbeille. Avril avait gagné, mais Vadec n'avait pas dit son dernier mot.
BenoitBayl
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le 9 déc. 2013

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