"Un p'tit dernier pour la route ?"


On commence petit à petit à préparer l'arrivée de la nouvelle année, à mettre 2017 au placard, à tel point qu'on en viendrait à oublier le cinquième opus que les lézards australiens nous avaient promis. Jusqu'à ce qu'on se réveille le 30 décembre avec Gumboot Soup. Il est là, tout frais tout chaud. J'avais écrit une critique sur le premier de ces désormais quintuplés en début d'année, et j'étais impatient de découvrir ce que la bande nous réservait pour la suite. Je n'ai pas eu le courage de chroniquer l'entièreté de ce quinté, et pour cause : King Gizzard & the Lizard Wizzard commence tout doucement à me donner la nausée. Peu importe la qualité respective de leur différents albums. Et c'est justement là le problème : ils ont hissé leur seuil qualitatif à un degré si haut qu'ils ne me surprennent ni ne m'enchantent plus des masses. I'm In Your Mind Fuzz, Nonagon Infinity, Paper Mache Dream Balloons, Flying Microtonal Banana, voilà quatre albums qui m'ont fait forte impression lorsque je les ai découverts. Les deux premiers disposent d'une trame narrative et musicale palpitante ; le troisième est une sucrerie loufoque et champêtre en mode full acoustic ; le dernier nous a ouvert les portes insoupçonnées de l'univers microtonal, la bande-son qui nous manquait pour siroter un thé à la menthe tout en musique.


Puis viennent Murder of the Universe, Sketches of Brunswick East, Polygondwanaland, et Gumboot Soup. Murder of the Universe était très divertissant mais me paru forcé et peu convaincant sur le plan de la narration, quant à Sketches of Brunswick East, ce fut un essai modeste et relativement inoffensif, du jazz-rock qui passe bien sans être transcendant. Arrive Polygondwanaland, le genre d'album que j'aurais adoré de la part d'un autre groupe, le genre de concept que j'aurais kiffé si je n'avais entendu aucun album des King Gizzard & the Lizard Wizard. Polygondwanaland est un album assez génial, que je recommande à tous. Mais après avoir avalé déjà trois Gizzard en l'espace de quelques mois, Polygondwanaland me fait frôler l'indigestion. C'est comme la bûche de Noël qui arrive après avoir englouti une douzaine d'huitres, cinq toasts au foie gras, deux cuisses de dindes et une assiette de marrons chaud et de poires aux airelles. La bûche de Noël, un met excellent ! Mais au vu de son contexte, on préfère s'en passer. Polygondwanaland, c'est cette bûche. Gumboot Soup, par contre, c'est ce putain de satané de sa mère la chienne de café au lait que te proposes ta grande tante alors que tu t'es toujours pas remis de cette part de bûche et que ta seule envie est de couler un bronze de deux kilos et de rentrer chez toi pour ronfler au calme.


Long story short, vous voilà renseignés sur le contexte de mon appréciation personnelles du groupe. Attaquons sans plus attendre la critique de l'album. Et je préfère vous prévenir : ça va être rapide.


Gumboot Soup, comme son nom l'indique, est une soupe, dans laquelle on ne retrouve point des bottes en caoutchouc, mais plutôt les morceaux laissés-pour-compte qui n'ont pas figuré sur la tracklist finale des quatre albums précédemment sortis par le groupe. L'album dévoile la splendeur versatile des KG&TLZ, avec leur songwriting infectieux et leurs influences éparses, naviguant entre ambiances rêveuses façon soft rock et garage rock au tempo infernal. Cette description paraît positive, mais si l'on lit entre les lignes, ce que je dis est que l'album ne surprend pas le moins du monde. This is your average garage-psyché-jazz album by that band. Ce n'est pas une mauvaise chose en soi, les die-hard fans qui sont aux aguets pour une nième sortie de leur groupe favori seront comblés. Mais pour les gens comme moi, un poil surmenés, cet album a peu d'intérêt. Cependant, j'émettrai quand même une réserve vis-à-vis de trois morceaux qui auront capté mon attention au cours de mes deux écoutes de Gumboot Soup.


The Great Chain of Being tout d'abord, qui nous questionne sur la légitimité à laquelle pourrait prétendre les lézards s'ils exécutaient un virage 100% stoner metal (et je ne dirai pas non). Délectez vous de ce chant caverneux et démoniaque, de ce riff doom-esque, de cette rythmique implacable : vous qui râliez sans cesse sur les sorties insipides de Electric Wizard, voilà enfin des magiciens - non pas électriques mais reptiliens pour le coup - qui savent faire dans la défonce.
The Last Oasis, ensuite, un morceau coloré et psychédélique à souhait, dont les mélodies venteuses s'accouplent parfaitement au vibraphone qui peint l'arrière fond sonore avec des tambourinements tout droit sortis des îles.
All Is Know, enfin, un morceau au tempo dévastateur qui fera immédiatement taper du pied quiconque l'écoute. Ce morceau n'est pas des plus original venant de la part du groupe, mais il est la synthèse excellente de ce que les King Gizzard & the Lizard Wizard font de mieux : du garage rock direct et sans prise de tête, avec des guitares effrénées qui abusent délicieusement sur la pédale fuzz.


Ces trois morceaux me confortent dans l'idée que je n'ai pas écouté Gumboot Soup pour rien. J'aurais pu mentionner The Beginer's Luck, Muddy Water, Down The Sink ou encore I'm Sleepin' In également, ce sont de bons morceaux je pense, simplement pas assez bons pour que je les apprécie dans l'état actuel des choses.


Donc-et-ben-voilà.
Le mot de la fin ? Que la joyeuse bande de Stu et Ambrose s'accordent des vacances. On dit souvent que la qualité prime sur la quantité. Toutefois la quantité n'était pas dénuée de qualité en ce qui les concerne. Le problème réside dans la surabondance. King Gizzard par-ci, King Gizzard par-là, je me remets tout juste de Flying Microtonal Banana, moi. Quand un pote de propose une binouze un lendemain de soirée, tu fais quoi ? Tu l'acceptes (ne jamais refuser une bière), tu la bois, mais c'est pas pour autant que tu la savoures. Toujours une mauvaise idée de boire de l'alcool pour contrer la gueule de bois. Faites pas ça les enfants. Gumboot Soup, même ordre d'idée : on peut pas s'empêcher d'écouter, alors qu'on sait pertinemment bien que c'est une fausse-bonne idée.
Je mets 7/10 parce que j'ai aucune idée de comment noter l'album. C'est probablement la note que je lui donnerai lorsque je serai sevré de la musique des King Gizzard & the Lizard Wizard.

Gargantues
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le 31 déc. 2017

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