1972, 39, 11, 12, 3

1972, ça remonte à 39 ans. J'ai au bas mot 11 mois et 12 jours.

Premiers sourires béas qui ravissent mon papa et ma maman. Je balbutie des "arheu" et je tricote, comme sur une guitare, avec mes pieds.

A cette même période (01/02/1972), Neil Young nous sort une pépite d'or, jaune comme des blés au soleil.

1972," Harvest".

Mon 1er anniversaire est marqué par la sortie du quatrième album solo du Canadien.

En fine épée, il a été le quatrième mousquetaire du trio Crosby, Still, Nash et sortait d'une tournée après l'enregistrement de "Déjà vu". Un monument du rock californien.

Neil Young ne sait pas encore qu'il va connaître le succès mondial. Bien sûr, il est conscient qu'il vient de réaliser là un très bon disque et le public lui décernera l'excellence.

En effet, ce bijou country folk annonce l'apogée créatrice du Neil Young des années 70. Il allait lui-même découvrir le filon du succès commercial avec "4- Heart of gold".
Cette chanson devait le hanter pour les trentes prochaines années et en bon contestataire de l'etablishment, il omet souvent de la jouer en public.

"Cette chanson m'a placé au milieu de la route, écrit-il. C'est un endroit qui s'est très vite révélé ennuyeux et je me suis dirigé vers le fossé".

Ceci dit," Harvest" ne creuse jamais le fossé qui aurait pu le séparer de son public et de ses convictions. Sous des allures de balades buccoliques dans la campagne paisible, Neil Young nous livre des images des plus saisissantes de sa carrière.

Il dénonce avec sévérité la corruption qui règne dans le sud des Etats-Unis (8- Alabama). Une chanson qui lui vaudra le retour gagnant des sudistes Lynyrd Skynyrd (Sweet home Alabama).
Les effets dramatiques de la drogue sont aussi évoqués. L'obsédant et personnel "9- The needle and the damage done" raconte l'addiction destructrice à l'héroïne de son guitariste et ami Danny Whitten.
Ou bien il rend hommage au vieil homme qui s'occupait de son ranch avec le touchant et sentimental "6- Old Man".

A tout moment les compositions pourraient basculer dans une mièverie sudiste. C'est sans compter sur le talent littéraire de son auteur qui les fait briller à tout instant.

Historiquement," Harvest" marque un tournant dans l'histoire du rock. Les années 60 sont terminées. L'euphorie a laissé sa place à la dureté, la fin de l'insouciance. Tout le monde a vieilli et le monde n'est pas une cour de récréation.
Neil Young, quant à lui, fuira très vite le succès de cet album. Entre blues et punk, il s'efforcera d'explorer toujours et encore l'Amérique pour la sublimer et la dénoncer dans ses excés.
Harvest symbolise le passage à l'âge adulte de toute une génération.

Personnellement," Harvest" est un album douloureux et tourmenté, immortel et magique. Un disque que j'écoute dans le calme du matin et le silence du soir. Souvent seul.
Difficile pour moi de partager l'écoute de ce disque avec quelqu'un.

A chaque fois, il m'emmène quelque part où je ne suis pas.
Sans savoir s'il me conduit à la sérénité, il m'amène à penser que quelque chose va changer dans ma vie.

Mais au fait, pourquoi 3 ?