"FIST OF FURY"

Chez les Washington, la musique et plus particulièrement le jazz, c’est une affaire de famille. Le père, les frères, les oncles, cousins…Tout le monde touche sa bille avec au moins un instrument. Dans cette grande famille Californienne, le frère ainé Kamasi aka le héros familial. Comme trop souvent, j’ai découvert cet artiste bien trop tard, l’année dernière exactement. On m’a conseillé d’écouter le « Truth » en m’annonçant que j’allais prendre une « claque et finir sur le cul ». Si nous passons outre la grossièreté métaphorique de cette phrase, j’ai tout de même, contre mon gré « fini sur le cul ».

Il y a chez Kamasi Washington cette puissance intemporelle qui allie la musique jazz à un certain spiritualisme, chaque morceau nous emporte dans un univers différent ou un saxophone décadent nous attend au premier tournant. Après la découverte des deux premiers albums de l’artiste que j’ai littéralement épuisés, j’entreprends le désir de voir ce voyage atmosphérique en direct, en réel. Début mai, je suis au premier rang, face à la mythique scène du Bataclan quand je vois arriver une montagne, une montagne qui porte d’ailleurs une drôle de perruque afro : Kamasi Washington est juste en face de moi et son premier souffle dans son saxophone résonne en moi comme une révélation : cet homme est un génie et le jazz ne s’éteindra jamais. Plus de 2h de concert d’une intensité impressionnante, des musiciens exceptionnels et un final de 16min avec Kamasi et son père en duo saxo. L’émotion est palpable.

Pratiquement un mois plus tard sortait le troisième album du jazzman « Heaven & Earth ».
Ce double album tentaculaire et conceptuel de plus de 2 heures et demie de musique « hard-jazz » ne plaira malheureusement pas à tout le monde, je pense qu’il sera alors vu, soit comme un paradis auditif soit comme un enfer assourdissant.

L’album est divisé en deux parties, le monde physique dans lequel nous vivons et le monde spirituel que nous imaginons. Chacune de ses parties est un style de jazz à part entière. Si cette luxuriante juxtaposition de mélodies et de rythmiques nous fait voyager dans l’espace-temps Washington, ce qui marque le plus est la diversité mise à notre disposition, il y en a pour tous les goûts et je peux assurer que même les néophytes prendront un certain plaisir à taper du pied sur les breaks de batteries (oui un « s », ils sont deux batteurs) ou à s’endormir au son brut du saxophone de Kamasi.

Bien que l’éclectisme de l’album soit ce qui marque le plus à la première écoute, ce qui m’a personnellement affecté c’est le fait qu’ils passent d’un morceau funk très lourd où un vocodeur vient se mêler à une guitare wha wha puis, à un chœur céleste à un jazz piano saxo très calme et nocturne…L’album ne serait donc qu’un immense jazz-jam entre potes dans un studio ? Avec un résultat d’une si grande qualité ? La réponse, vous l’obtiendrez après la première écoute de l’album mais je peux d’ores et déjà vous assurer qu’elle sera positive.