Sur-médiatisé, le retour de Bertrand Cantat était tout de même fortement attendu par les média et les fans de « feu Noir Des’ « . Voire même par de nouvelles générations, biberonnées aux souvenirs d’une époque punk, dans l’espoir d’un retour digne du passé.
Deux singles s’égrènent : Droit dans le soleil et Horizon. Pas de déception au crépuscule, juste l’inscription d’une trainée langoureuse que Cantat a toujours laissé derrière lui. Peu de surprises mais des mots qui abreuvent les assoiffés de textes poétiques.
Le disque se scinde en deux parties : La première moitié affiche un romantisme exacerbé – parfois sirupeux – soutenu par des instrus intimistes ; une vraie bulle pour l’auditeur. Cette partie ne sera pas celle des puristes qui préféreront s’attarder sur la seconde, plus rock, sans les guitares qui se confessent en minaudant.
Saturées sur Sa Majesté, s’accordant harmonieusement sur les paroles touchantes de Null and Void, celles-ci nous entraînent au coeur d’un Tostaky éteint. Cantat n’a pas perdu sa plume, sa manière d’accorder les mots pour en faire des phrasés déstabilisants, sa couronne de poète règne en maître sur le rock français. Rien de plus jouissif que de retrouver ces ambiances paumées, de se déchirer à travers les instants gâchés, la preuve que le temps n’efface pas le talent.
L’esprit reste le même, noirceur, lourdeur et tendresse douloureuse. Une créativité que l’on aurait aimée au service de thèmes plus diversifiés ; mais l’amour reste bien le sujet le plus inépuisable.
La plus grande surprise se porte sur une reprise de Léo Ferré, Avec le temps. Difficile et osée. Si au début, Cantat se contente de l’interpréter avec un pragmatisme cinglant (sans doute du à l’enregistrement et au mixage) l’ensemble se délie petit à petit. On s’accorde aux courbes lourdes de la basse, on accepte la tension posée sur un titre initialement aérien, à force d’écoutes, on plonge la tête dedans. L’album est à cette image, le coup de coeur n’est pas immédiat, il faut se laisser absorber et le décortiquer, avant que les pages ne se teignent.