Comme quand on reste longtemps la tête sous l’eau. Le regard vide, un peu perdue, vous vous demandez si vous avez bien fait d’avoir tenu aussi longtemps. Ou si vous avez bien fait de remonter à la surface. Cette eau, c’est celle du lac dans lequel vous vous baigniez à l’époque où vous avez découvert la pop (Ship to wreck). Où vous avez commencé à bouger vos hanches en oubliant la crème solaire, le début de la puberté, de la liberté, le lac où vous commencez à vous évader, sans penser à l’orage qui se profile de l’autre côté de la baie.


Cet orage, venons-en. Justement. L’orage qui gronde et qui donne l’impression de stopper le reste du monde. Plus rien ne bouge, et vous, vous attendez. Vous attendez le bus qui vous ramènera à la maison. Et dans ce bus, il y ales premières palpitations. Celles du coeur de votre amoureux, pressé contre le vôtre, de coeur (What Kind of Man). Les embrassades douces, l’envie de se toucher tout le temps, l’attente, et cette agression de quelqu’un qui ne frappe même pas à la porte et vient tout détruire chez vous. Dans votre tête, dans votre chambre. Tout.


Ce sera donc à vous de recoller les morceaux. Première rupture, vous remettez tout ensemble, un par un, en ne sachant pas trop où les choses allaient, avant. Parce que quand tout se termine, quand l’orage s’est calmé et que vous vous retrouvez dans votre chambre, fenêtre ouverte, avec un lit en désordre et les yeux pétris de larmes, vous êtes soulagées, un peu. Vous vous retrouvez vous. Vous êtes plus grande, plus belle, plus forte. (How big, how blue, how beautiful).


Et le temps passe, et l’orage vous manque. Vous êtes recollée mais vous devez vous trouver une autre excuse pour replonger. Parce que vous débordez d’énergie, et que c’est le seul moyen pour vous d’extérioriser tout ce que vous avez en vous : être immergée. Et que vous n’êtes plus seule, il y a une armada de trompettes derrière vous (Queen of Peace).


Vous avez donc décidé d’y aller franchement. De ne plus aller danser au lac, mais de vous éloigner, et d’aller au bord d’une mer. N’importe laquelle. Voir les choses en plus grand. Vous êtes à la fin de l’adolescence, vos congénères vous ennuient, vous vous en foutez de faire vos devoirs parce que vous savez déjà ce que vous faites le mieux : danser. Même sans rythme précis, même sans batterie, vous savez qu’on vous regarde quand vous bougez, que vous fonctionnez (Various Storms & Saints).


Cette fonction, parlons-en. Vous êtes au bord de la mer, il fait gris, on voit des orages au loin qui se rapprochent gentiment, mais ca ne vous concerne pas vraiment au début. Vous préférez grimper en haut d’une montagne (c.f. chaumière aux coquillages dans Harry Potter) et attendre que quelqu’un vous pousse pour enfin retrouver cette sensation. Vous vous rendez compte qu’à la fin, c’est vous qui vous pousserez toute seule. Un coup de rein de trop dans le vide (Delilah). Ballot.


Alors donc la mer dans laquelle vous avez sombré est plutôt chaude. Tiède, disons. Vous avez un peu de mal à respirer d’abord parce que vous êtes plongée dans l’eau, et ensuite parce que vos conneries fabuleuses en haut de la montagne, ben elles vous ont un peu essouflée. Vous faites votre possible pour survivre, mais vous le faites calmement. Pas d’urgence, pas de précipitation. Vous savez que ça va marcher. Même quand vos jambes se prennent dans des algues profondes, même quand vous savez que vous êtes perdue, vous avez la confiance. Ca se passera bien. Tout ira bien. (Long & Lost).


Chemin faisant, vous rencontrez une colonie de sardines et vous la jouez un peu Petite Sirène, et Sébastien joue de la basse derrière. Pas de bol, ils n’ont pas vu le filet de pêcheur au fond. Tout le monde se fait attraper, mais pas vous.(Caught).


Comme vous en avez marre, vous remontez à la surface. Et vous échouez sur la plage, par magie vous retrouvez vos jambes, et vous vous rendez compte que le soleil, c’est pas mal non plus. Vous vous rendez compte que vous n’êtes pas toute seule, vous tournez un peu en rond, afin de trouver quelqu’un qui vous réconforterait et vous donnerait des habits chauds. Finalement, vous êtes acceptée dans une espèce de communauté hippie.(Third Eye).


Cette communauté hippie a une petite Eglise (St-Jude), où chacun prie en silence. Genoux à terre, yeux fermés, vous croisez vos doigts sous votre menton et vous profitez de la réverbération de la lumière sur les vitraux. Vous êtes immergée d’une autre manière. Ca vous va aussi.


Vous passez quelques moments dans cette communauté semi-chrétienne qui organise des bouffes populaires tous les mercredi. Vous vous ennuyez relativement vite : faut dire que ca fait un moment que vous n’avez pas vu d’océan. Alors vous passez vos journées à boire beaucoup d’eau et à coucher avec un bassiste qui fait sacrément bien son travail (Mother).


Le soir, par contre, vous renaissez. (Hiding) Vous partez sur les coups de minuit et vous vous laissez guider. Par le courant, de la rivière, pas loin de chez vous. Votre côté sirène reprend le dessus et vous êtes franchement mieux comme ça.


L’eau afflue vers l’océan et c’est reparti pour un tour : plus beau, plus grand, plus fort. Plus de confiance, vous êtes fatale, et le monde entier ne pourra faire que vous regarder. Vous êtes le centre du monde, tout, autour, ne vous intéresse plus. (Make up your Mind).


Vous décidez donc de replonger dans l’eau. Et de ne plus en sortir la tête. Vos yeux souffrent, mais peu vous importe. Vous ne savez pas encore si vous allez rester sous l’eau, ou finir par respirer.
De toute façon, vous êtes une sirène. Tout ira bien.

Edith_Matthey
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le 19 juin 2015

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