Love at First Sting

Scorpions et moi, c'est une longue histoire d'amour.

J'étais tout petit quand passait sur les ondes le méga hit Still Loving You. A peine plus grand quand leur plus immense ballade, Wind of Change, résonnait. C'est par leur plus grands succès que tout a commencé entre nous. Puis l'amour a guidé la découverte, un peu aléatoire de leur discographie. Commençant par un World Wide Live, mon tout premier achat musical. J'avais à peine dix ans. Je pense...

Jusqu'à tomber sur leurs exploits fondateurs.

La première écoute, surprise, s'est révélée, en ce temps là, ultra décevante à mes oreilles de petit garçon. A deux doigts de regretter l'investissement et les quelques soixante francs de l'époque durement économisés. Ce n'était pas le Scorpions que j'aimais, que je chérissais, que je connaissais par coeur. Trop autre, trop dissonant. L'album venait chambouler mon confort musical. Même si j'avais retenu deux ou trois titres.

Les années ont passé. Et écouter In Trance, encore et encore, à tout de l'illumination malgré la répétition. Cet album, c'est d'abord le Dark Lady, qui m'avait tant décontenancé quand j'étais petit, charnière du psychédélisme des débuts et de ce hard rock tonitruant, où le son de la guitare électrique martyrisée crépite avant de déferler littéralement dans des riffs qui semblent incontrôlables.

La deuxième plage vise l'autre extrémité du spectre. In Trance, c'est ma chanson. Celle que je me passe quand je vais mal et que j'ai envie de pleurer. Celle qui peint ma vie en noir et blanc et réduit mon coeur en miettes tant elle remue ce qu'il y a de plus triste et douloureux en moi quand je l'écoute. Ses cordes plaintives qui font monter l'émotion, cette voix d'un autre monde, ce texte extrêmement simple et court, mais si juste. In Trance, c'est tout cela à la fois. Dans la chaleur des larmes qui s'échappent, roulent et meurent sur ma peau.

Les autres titres sont à peine moins bons. Le temps qui passe de manière inexorable de Life's Like a River, l'éclat qui s'éteint dans Living and Dying, la poésie déployée de Evening Wind, ou encore Night Lights et son instrumental pêchu en forme de volutes insaisissables, tout cela sonne comme des classiques quasi instantanés, qui n'ont pour seul défaut que de figurer sur le même album que deux titres d'exception.

Il n'y aura que l'expérimentation assez border de Sun in my Hand pour marquer une certaine forme de coup de moins bien, sans pour autant être désagréable.

Et enfin, il y a deux morceaux assez fabuleux qui résonnent de manière différente dans l'album. Le rythme ultra frénétique de la guitare de Robot Man entête et frappe au plexus, adoptant comme la mécanique et le grondement d'un train qui se feraient entendre alors que la chanson se pare de visions futuristes. Tandis que Longing for Fire, lui, s'envole littéralement vers d'autres cieux.

In Trance a tout de l'album de référence, dès le troisième essai d'un groupe inoxydable qui aura survécu à toutes les modes, à toutes les tendances. Immortel, le scorpion, qui en 1975, déjà, signait un coup de maître définitif.

Il y a pire comme rampe de lancement vers le succès.

Behind_the_Mask, qui en pince depuis un bail.