Is the Is Are
6.8
Is the Is Are

Album de DIIV (2016)

Révélés sur scène début 2012, les Américains de DIIV ont ensuite sorti un excellent premier album, « Oshin ». Ils reviennent cette année avec un attendu deuxième album mystérieusement intitulé « Is the Is Are » où leur dream pop mâtinée de shoegaze sonne plus eighties que jamais.


Le disque s’ouvre sur la très sympathique « Out of Mind », première chanson d’un enchaînement pratiquement irréprochable jusqu’à l’excellente « Valentine », qui constitue le sommet du disque. Véritable petit chef-d’œuvre de pop planante et mélodique aux accents new wave rappelant chaleureusement The Cure période « Kiss Me Kiss Me Kiss Me » ou « The Head on The Door », le morceau est porté de bout en bout part une partie de guitare lead dont la mélodie cristalline reste en tête facilement quelques heures. Le groupe mené par Zacharie Cole Smith, également producteur de l’album, rappelle en bien d’autres endroits les belles heures de celui mené par Robert Smith (une bien heureuse coïncidence, mais aucune parenté), comme sur la plus sombre « Yr Not Far », où la ligne de basse caverneuse évoque immédiatement le jeu de l’immortel Simon Gallup, période « Seventeen Seconds » ou « Faith ». Les ressemblances s’arrêtent à des considérations strictement instrumentales, puisque la voix aérienne et solaire de Zacharie est à des lieues du chant plaintif de Robert Smith. Par ailleurs, le son du groupe emprunte toujours les mêmes éléments (rythmiques) à la musique krautrock et motorik (sur « Valentine » par exemple), et des effets (de pédale mais aussi de mixage) au shoegaze et à la dream pop, qui font de l’ensemble de l’album une variation planante aussi agréable à l’oreille qu’un disque de Slowdive par exemple.


Cependant, l’album dure plus d’une heure et comporte tout de même dix-sept morceaux, et si la première moitié du disque comporte bon nombre de pépites, comme le très new wave et post punk « Under the Sun » ou le plus planant « Bent (Roi’s Song) » et sa guitare dissonante, la deuxième moitié du disque accuse elle un peu le coup. Si la chanson titre s’en tire très bien avec des pistes de guitare judicieusement noyées dans des effets de réverb pour une texture à la fois cotonneuse et aquatique de la musique, quelques morceaux passent sans vraiment marquer, mettant en évidence la limite de l’album qui est son relatif manque de diversité et le côté un peu répétitif de certaines pistes. Plus grave encore, Smith a semble-t-il éprouvé le besoin de rajouter dans le tas deux interludes parfaitement inutiles dont le très agaçant (car beaucoup trop bref et n’apportant strictement rien au disque) « (Fuck) », au titre éminemment puéril. De fait, l’album est un peu difficile à écouter et encaisser d’un coup car on s’en lasse vite, mais si l’on se concentre sur sa première moitié et quelques morceaux du reste du disque on obtient un condensé assez excellent du style de DIIV. On préfère donc rester sur les bonnes surprises de cet album, dont la petite originalité se niche dans les détails les plus a priori insignifiants, telle l’intro en porte-à-faux du parfait single « Under the Sun » ainsi que son étrange et envoûtante sourdine.


À noter également une jolie pochette des mains de trois différents graphistes, l’un d’entre eux à qui l’on doit également le titre énigmatique de l’album, « Is the Is Are », dont le nom ressemble à une chanson de Love (au hasard, « 7 ans 7 Is »), et qui est en fait le dernier vers de l’un des cinquante poèmes qu’a commandés aux graphistes le décidément imprévisible Zacharie Cole Smith. Enfin, si l’album explore de façon quelque peu autobiographique les frasques du chanteur-démiurge du groupe (DIIV étant à l’origine un projet solo), notamment vis-à-vis de son exposition médiatique (il est aussi mannequin pour YSL), ou de son usage des drogues, on est gratifié d’une très jolie chanson chantée par sa compagne du moment, Sky Ferreira, et intitulée « Blue Boredom (Sky’s Song) ».


En somme, le deuxième album de DIIV demeure fort sympathique à écouter et possède de nombreuses chansons vraiment réussies, mais pèche aussi un peu par l’envie de trop bien faire de son charismatique leader, qui s’égare par moments dans un délire vaguement égocentrique et puéril. Des mauvaises langues diront que « Is The Is Are » est peut-être le meilleur album des Cure depuis un moment tant la ressemblance instrumentale est parfois frappante, mais ce serait là réduire un joli disque à sa seule principale source d’inspiration.

Krokodebil
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le 27 janv. 2016

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Krokodebil

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