“Joy As An Act Of Resistance” fait directement suite à “Brutalism” puisqu’il a été composé dans la foulée. Hé oui l’album précédent n’est sorti que l’année dernière, difficile à croire n’est-ce pas ? Musicalement ça reste donc assez proche, en plus accessible tout de même. Les airs de chant ont tendance à être plus mélodiques comme sur l’hymne “Danny Nedelko” ou le refrain ironique de “Great” à propos du Brexit. Pareil pour l’instrumentation qui est un peu plus propre et précise. Les guitares restent encore majoritairement agressives et sales je vous rassure mais on les distingue plus.


[Flemme de lire ? La critique existe aussi en vidéo ;) : https://www.youtube.com/watch?v=BEJMYhWvQvw ]


La différence par rapport au premier album c’est que maintenant Idles a un public. Se savant écoutés les chansons de “Joy As An Act Of Resistance” s’adressent plus directement à l’auditeur. Dans “Television” c’est à nous qu’il s’adresse quand il dit de ne pas écouter les médias et de ne pas se référer à leurs standards de beauté, mais de s’accepter tel qu’on est. Pareil à la fin de “Rottweiler” avec les “Keep going”, “Fuck them” et “Destroy The World” criés durant le bordel d’instruments distordus, ils cherchent une réaction dans leur public.


Le message général est plus positif que par le passé. Disons qu’avant il s’agissait de décrire ce qui n’allait pas, maintenant il faut y répondre, trouver sa propre fierté face à l’oppression. Le meilleur exemple de cette logique est justement la première piste de l’album “Colossus”. La chanson est en deux parties : d’abord on a une montée longue est pesante qui retransmet le poids du patriarcat et de la religion dans la définition de la masculinité (“I am my father son/His shadow weighs a ton”), puis ça monte, ça monte, ça monte … jusqu’à explosion. La deuxième partie est beaucoup plus énergique et entrainante, dans celle-ci Joe Talbot cite des modèles de masculinité alternatifs : un catcheur qui hait les homophobes, un gangster bisexuel ou un danseur.


Face aux impératifs virilistes Idles y oppose ainsi une vulnérabilité triomphante, le droit et la nécessité pour les hommes d’être vulnérables sans en avoir honte. Dans “Samaritans” les couplets répètent inlassablement les injonctions qu’on peut recevoir au quotidien et le refrain déclare en opposition “je suis un vrai mec et je pleure”. Ce qui rentre directement en résonnance avec la reprise de “Cry To Me” de Solomon Burke puisque “Well here I am honey / Cry to me” a été remplacé volontairement par “Well here I am boy / Cry to me”. Je penses aussi que « June », parlant de la perte de son enfant à la naissance est un exemple de la vulnérabilité dont parle Joe Talbot dans les autres pistes, car ici il se met à nu.


Mais l’acceptation de soi, de sa différence ça va aussi avec le fait d’accepter les différences des autres, ba oui faut autre cohérent. Un autre thème de l’album est donc l’unité, d’ailleurs le mot “unity” est crié plusieurs fois, à la fin de l’album et dans “Danny Nedelko”. C’est un hymne à l’immigration et à la mixité. Les lignes “My blood brother’s Freddie Mercury / A Nigerian mother of three” sont brillantes. Elles arrivent à la fois à dire que les immigrants sont une population diversifiée composé d’individus, que c’est une chance pour le pays car parmi ces gens se trouvent des talents incroyables tel Freddie Mercury, mais aussi que ce sont aussi des humains comme nous, nos égos. Et tout ça en deux phrases de 5 mots, chapeau.


Toute cette positivité ça peut paraître étrange au premier abord pour Idles, mais dans le contexte de l’album c’est cohérent car le tout reste quand même très critique et amer. Jusqu’ici j’ai appuyé sur le fait qu’il y a du positif parce que c’est la nouveauté principale mais si ça marche bien c’est aussi par contraste.
Ainsi on a par exemple “Love Song” qui ironise sur la superficialité des relations amoureuses modernes avec “It’s not about sex and sex and sex and sex and sex and sex” pour dire que justement, si, ça l’ai souvent, ou bien “Look at the card I bought / It says ‘I love you’” pour dénoncer le matérialisme et la récupération commerciale de l’amour. Ce que j’aime bien dans cette chanson c’est aussi le “lalalalalalalaaaaa” irrévérencieux à la fin du refrain qui renforce le message et apporte de la diversité. Parce qu’il faut noter que les chansons sont aussi bien diversifiées musicalement, il y a toujours des bonnes idées d’arrangement malgré le fait de se limiter à une formation rock classique.


Bon je vais vous laisser là, courrez écouter cet album. Si vous aimez les Sex Pistols et les Dead Kennedys ce sera sûrement un coup de cœur instantané, sinon il faudra passer la première impression d’avoir affaire à un disque brutal pour se rendre compte de tout le bien qu’il veut à celui ou celle qui l’écoute.

SixSurDix
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le 26 sept. 2018

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