Là, on va jouir. Parce qu’on attaque un mythe de l’histoire du cinéma, un monument que John Williams a su embellir et même construire avec Steven Spielberg (comme tant d’autres d’ailleurs). Même si je l’ai pas vraiment connu (sorti en 1993, j’avais -3 ans ^^), on imagine à quel point concept intéressant + scénario de qualité + effets spéciaux révolutionnaires ont marqué leur génération (demandez à Jurassic !). Et tout comme le film, la Bo est rentrée dans l’histoire : bienvenue à Jurassic Park !


Pour commencer, Williams n’hésite pas à explorer différents registres, et c’est une qualité directement issue du film, assez perfectionniste en la matière : il propose de l’émerveillement teinté d’innocence, de l’angoisse et de la tension, mais aussi de l’action et de la terreur. Ces trois grands registres représentent de véritables axes de développement pour la composition (en passant régulièrement de l’un à l’autre), et même si le premier est beaucoup plus évocateur grâce aux thèmes principaux mondialement connus, tous sont remarquablement bien menés par Williams musicalement et filmiquement.


Comme je sens que vous les chantez déjà, commençons par les deux grands thèmes entrés dans l’histoire, mêlant magie et innocence : le premier assez posé, est pleinement exposé dans « Jurassic Park Theme », mais est en réalité double. Amorcé par le thème secondaire de John Hammond pour poursuivre en beauté avec le thème des Dinosaures. En effet, il illustre parfaitement ce rêve d’enfant qui anime Hammond. Le motif possède des apparences de comptine, très léger et rêveur, avec d’abord ce cor hésitant, puis une douce flûte et harpe, avant que les cordes ne donnent du corps au thème. En effet, il augmente considérablement en intensité (l’ambition qui pousse Hammond à transformer son rêve en réalité) en débouchant en apothéose sur le majestueux thème des Dinosaures : cordes et chœurs, cloches, vibraphone et glockenspiel (sous formes d’avalanche de notes comme dans « Welcome To Jurassic Park »), trompettes, cymbales et timbales, tous les instruments illustrent l’émerveillement devant cette magie devenant réalité, avec beaucoup plus d’ampleur et de noblesse (le tempo reste assez lent, donnant beaucoup plus de profondeur aux notes tenues). Les trois premières notes sont communes aux deux thèmes, telle une idée fixe confirmant que la renaissance de dinosaures est bel et bien l’œuvre de John Hammond.


Le deuxième thème, celui du parc lui-même, est beaucoup plus festif à l’image de « Journey to the Island », et donc plus basé sur l’enthousiasme de visiter le parc que sur l’émerveillement en lui-même (même si c’est kiff-kiff, hein ^^). L’orchestre se déchaîne, avec un thème beaucoup plus expressif (ample, notes étrangères donnant plus d’entrain) : trompettes enjouées, cordes assez fluides et amples, cor anglais chaleureux, vibraphone, timbales en soutien très présentes, ... Dans le style, c’est très Harry Potteresque ... ah, ça existait pas ? .. bon, ben Hookesque, alors ^^ Les leitmotivs de ce thème sont par ailleurs beaucoup plus nombreux tout au long du film (par exemple, Ellie portant son fusil et ses couilles pour redémarrer le système, accompagné d’un leitmotiv au cor grave porteur d’espoir). Le tout donne un développement musical absolument splendide, dans « Welcome to Jurassic Park ».


Ce registre-là est exploité d’une part avant les premiers incidents avec nos personnages, où l’enthousiasme et la surprise comptait pour beaucoup (naissance du bébé raptor, accompagné de chœurs de harpe et de flûtes, mais aussi le sauvetage du triceratops qui se veut touchant dans « My Friend, The Brachiosaurus » avec des mélodies très suaves), et d’autre part après, lorsqu’Alan apprécie la beauté des dinosaures lorsque ces derniers ont la courtoisie de ne pas bouffer le premier venu : les herbivores pacifiques, mais aussi les oiseaux de la dernière scène lui évoquant les dinosaures (et ce ne sont pas des ptérodactyles, EUX ! [message subliminal à Jurassic Park III])


Viennent ensuite les premiers doutes, avec un orchestre beaucoup moins chaleureux. Ils sont exposés dès la première scène, telle une prémonition des problèmes qui pourraient bien arriver au parc. Beaucoup plus haché et irrégulier, la musique ne se veut plus du tout fluide mais incertaine à l’image des à-coups violons, des chœurs graves, des chaînes (« Incident In Isla Nublar »), percussions primitives, flûte de pan, ostinato très irrégulier, piano grave et même du synthé (« Dennis Steals the Embryo »). Le travail au niveau de l’orchestration est donc considérable pour instaurer une tension naturelle, avant même que la composition elle-même (au style volontairement saccadé et imprévisible) ne s’en charge. A noter un thème assez intéressant de part ses réapparitions angoissantes et inattendues : celui de la menace (audible dès le début de « High-Wire Stunts »). Au motif monorythmique et rapide à tendance chromatique (notes étranges à l’oreille), il est toujours restitué aux cordes fragiles, ou aux instruments en bois à anches, ayant la capacité d’être assez menaçants bien utilisés (bassons, cor anglais, hautbois, clarinette, ...).


On débouche donc naturellement sur l’action, et là, on a droit à du pur Williams. Des séquences d’action remarquablement bien menées, riches en cuivres et en percussions, avec une densité d’arguments phénoménale et des points de synchro à tomber (attaques du T-Rex, réactivation du système, tourniquet avec les ossements attachés au plafond, la banderole « When Dinosaurs Ruled The Earth » ...). La gestion des sonorités stridentes (trompettes corrosives, cloches, cuivres en sourdines, notes suraiguës au piccolo, cymbales, ...) et de l’abondance instrumentale (intervention des timbales, gestion des cordes de soutien, ...) est remarquablement bien mené, parce qu’avec une construction pareille, on est vraiment sur le fil, ça peut vite devenir trèèès casse-burnes voir inaudible ^^ Mais ici, ça ne l’est point : même très changeante, la musique arrive à développer ses idées en montrant une construction logique, éradiquant toute sensation de meublage (défaut récurrent dans de nombreuses Bo). Le thème du T-Rex y fait de nombreuses apparitions : il possède 4 notes (ayant surement aidé pour le thème de la Pierre/Découverte dans Harry Potter, d’ailleurs), un rythme simple mais menaçant, d’abord au tuba très grave sonnant comme le plus grand des dangers, puis sous forme d’ostinato aux trompettes dans « T-Rex Rescue and Finale ».


Largement à la hauteur de son sujet, la musique joue un grand rôle dans le film, nous offrant des points de synchro tous plus splendides les uns que les autres (l’arrivée en hélico, le deus ex machina final, la première vue des dinosaures, ...), ancrant ce film dans les cœurs de tous les amoureux de dinosaures : les deux thèmes principaux sont ceux qui évoquent précisément ce sentiment de rêve devenant réalité, et rien qu’avec ça, la Bo trouve toute sa puissance évocatrice. D’une grande richesse orchestrale et mélodique, la musique est toujours juste et pertinente, énième preuve de complicité du duo Spielberg-Williams, ayant également réalisé la même année ... la Liste De Schindler ... C’est dire le niveau ^^ Michael Giacchino, bonne chance =) !

Soundtrax
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le 7 juin 2015

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