L'Incanto dello Zero par Del-Flavio

En Italie, il existe une formation musicale plutôt originale, qui a choisi d’exprimer son art par le biais du prog sous un axe narratif. Une démarche dont l’approche se traduit par un chant aux paroles ésotériques, combiné à une musique qui parvient à faire coexister le raffinement des arrangements classiques progressifs sur le fil de sombres et angoissantes atmosphères. Ce groupe, actif depuis 1995, s'appelle Il SEGNO DEL COMANDO et a toujours suscité l'intérêt de la scène métal tant pour l'ambiance dark-horror qu’il peut créer que pour les influences musicales qui pêchent du côté de la scène prog du début des années 70, de Goblin à Jacula en passant par le dark heavy rock du Black Sabbath et Blue Öyster Cult. En novembre dernier sort L'Incanto Dello Zero, leur 4ème album. Comme les 3 disques précédents du groupe, celui-ci se présente sous la forme d’une transposition d'une œuvre littéraire. Le premier disque était inspiré du roman éponyme de Giuseppe D'Agata, un giallo/fantastique publié en 1987 qui fut lui-même l’adaptation d’une série diffusée et produite par la RAI 16 ans plus tôt. Après avoir traversé le petit écran et jonché les étagères des librairies, la sphère musicale accueille à son tour Il Segno Del Comando. Les deux albums suivants ("Der Golem" en 2002 et "Il Volto Verde" en 2013) furent quant à eux consacrés à autant de romans ésotériques de Gustav Meyrink, écrivain autrichien et l'un des principaux représentants de la littérature fantastique de langue allemande ("Le Golem" et "Le Visage Vert"). Avec ce nouvel album, le groupe génois s'inspire une nouvelle fois d'une œuvre littéraire. Cette nouvelle pratique toujours basée sur une source d'inspiration écrite va cependant encore plus loin. Tout en gardant sa tradition, elle est cette fois le résultat d'une collaboration étroite avec l'auteur du texte directe (Cristian Raimondi), qui rend presque inséparable l'audio et l'écrit. Comme toujours, nous nous trouvons devant une œuvre mystérieuse, théâtrale et "grandiloquente". Cristian est considéré comme un membre à part entière du groupe et coordonne des recherches d'études ésotériques avec tous les membres de la bande. Ils élaborent ensemble la musique et développent les thèmes sur lesquels les textes sont basés. Plutôt inédit comme procédé, n’est-ce pas !? La musique d’ailleurs, parlons-en (tout de même !). La voix de Riccardo Morello nous guide à travers les intrigues musicales gothiques qui se déploient avec beaucoup de talent. Le disque est très bien équilibré entre sa verve surannée et son penchant pop. Cette dichotomie des genres est évidente sur une pièce comme Sulla Via Della Veglia, par exemple ou Nel Labirinto Spirituale, une balade ultra délicate guidée par la guitare acoustique de Roberto Lucanato et les superbes claviers de Beppi Menozzi. La piste suivante (Le 4 A) est également une pièce intéressante qui fait la part belle à la section rythmique de la basse de Diego Banchero et sur laquelle la batterie de Fernando Cherchi disposent de tout leur espace d’expression. En résumé, ce quatrième album est une réussite qui ne manque pas de surprendre, capable de créer des œuvres uniques, reconnaissables et toutefois fortement enracinées dans la tradition expressive italienne.

(Chronique parue dans le magazine ProgRésiste #96)