Les fans l'avaient rêvé. Un double album, dont le premier serait le King Gizzard et le second serait le Lizard Wizard. Probablement que les vrais fans avaient déjà deviné ce marketing bien malin. Que voulez-vous ? je suis long à la détente.


Toujours est-il que trois mois après la révélation d'un premier chapitre, KGLW nous offre cette suite presque éponyme, concluant ainsi une "trilogie microtonale" : le désormais culte Flying Microtonal Banana, King Gizzard et maintenant ce Lizard Wizard. Mais K.G. avait été une déception, alternant entre une démonstration d'hétéroclisme stéréotypée (puisqu'on avait la jolie chanson folk, la chanson doom osef, la chanson EDM de merde...) et d'autres morceaux affreusement basiques et très peu inspirés. Autant vous dire que je craignais un peu l'arrivée de cet album.


Et la première piste n'était pas pour me rassurer. If Not Now, Then When? était une sorte de swing minimaliste (et microtonal ! forcément) qui se contentait de répéter sur trois longues minutes une mélodie peu aboutie, et très creuse (super clip par contre). Heureusement, il y avait la suite.


KGLW a dû s'en rendre compte, jouer en microtonales était peut-être un concept suffisant à la sortie de FMB (et encore ! Il y avait toute une déclinaison garage), ce n'était clairement plus le cas pour K.G.. Surtout que le groupe s'est mis à inclure les microtonales dans quelques uns de leurs autres morceaux (Robot Stop, All Is Known, Murder of the Universe, the Book et je crois qu'il y en avait dans Polygondwanaland mais je n'arrive plus à me rappeler). Au fond, utiliser des microtonales, c'est juste utiliser une notation différente. C'est comme faire un album en mode lydien : au début c'est marrant car c'est un mode qu'on a pas l'habitude d'entendre, mais on finira par s'y faire assez vite, et cela ne pourra plus vraiment être un prétexte de composition. Il fallait donc un concept musical qui aille au-delà d'une simple grille de lecture.


KGLW a donc décidé d'emprunter des sons beaucoup plus lourds, presque du doom ou du stoner par moments. Et c'est diablement efficace ! En utilisant 2 ou 3 fois la "formule du crescendo" (bon, j'exagère un peu, mais disons qu'en l'espace de 30sec ils s'amusent à augmenter drastiquement la tension des morceaux), le sextet impose une recette qui embarque beaucoup plus simplement. Avec des morceaux comme O.N.E. ou Supreme Ascendancy, le "concept" de la chanson est expliqué dans les 30 premières secondes, avant de décoller. Alors bien sûr, ça n'empêche pas L.W. d'avoir quelques titres plus anecdotiques comme East West Link (surtout que c'est la même chanson que Static Electricity qui le précède) ou See Me, enfin, ça dépend comment on est réceptif au "concept" de la chanson. Mais dans l'ensemble, l'album est bien mieux construit, et ne se contente pas d'adopter vaguement un style avant de passer au morceau suivant.


Mais s'il y a un morceau qui doit retenir l'attention, c'est le morceau véritablement éponyme K.G.L.W., qui aurait pu se présenter comme une synthèse de ce que le groupe a pu faire. En réalité, c'est l'inverse : c'est un bon gros morceau bien stoner, et qui dure pas moins de 8min30. Ça donne une idée des horizons qui restent encore à franchir (Stuart, si tu lis cette critique, tu peux faire un album stoner stp ?) Certes, les paroles sont nulles à chier (je sais, c'est un classique du groupe de répéter en boucle le titre de la chanson, mais là c'est juste des lettres ptn). Mais les 8min seont justifiées : on alterne d'une phrase à l'autre, et on ne s'ennuie pas devant ces variations. Cependant, le génial K.G.L.W. fait affirmer ce constat frustrant : les autres morceaux du groupe sont beaucoup trop courts. Certes, on a eu droit à quelques longs morceaux qui sont tous devenus des classiques (Head On/Pill, Crumbling Castle, The River, et osons Rattlesnake), mais combien de morceaux sont simplement frustrants car leur génie dure moins de 3 minutes ? Combien de Real's not Real, de Anoxia, de Hell, de Trapdoor, de A journey to (S)Hell nous fascinent et nous agacent en même temps ? Le nombre de morceaux du groupe qui mériteraient ne serait-ce qu'une petite minute de musique en plus est immense, et j'espère que le groupe s'envisagera quand même un peu plus dans cette voie…


Enfin, tout cet aparté pour dire que L.W. bien qu'il ne soit pas aussi extraordinaire que d'autres albums, sauve les meubles du naufrage de la branlette d'écriture qu'était K.G. On peut imaginer K.G. comme ce pote relou qui dit "nan mais moi j'écoute de tout', mais qui ne fait que rester en surface. L.W., c'est le retour aux albums qui s'amusent à s'enfoncer dans tout un pan musical.

poulemouillée
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le 27 févr. 2021

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