Il est difficile de juger honnêtement une BO d'un film que l'on a adoré. Dur d'oublier les destins entremêlés d'Ismaïel, Julie, Alice, Erwan et les autres, d'autant plus que ce sont les acteurs qui les campent - Louis Garrel, Ludivine Sagnier, Clotilde Hesme, Grégoire Leprince-Ringuet...- qui interprètent eux-mêmes ces fameuses chansons d'amour (plutôt bien d'ailleurs). Cela lancera des vocations de chanteur et rappellera Chiara Mastroianni (elle aussi dans ce formidable casting) aux bons souvenirs de Benjamin Biolay (on est souvent proche du chanteur à mèche folle). Autant l'avouer, on appréciera encore plus la musique en connaissant le film. Mais déjà en soi, séparées de leurs support filmique, ces chansons méritent à elles seules le détour. Elles ont l'avantage -comme le film d'ailleurs - de mêler légèreté et gravité dans un improbable cocktail de fraîcheur-profondeur qui doit faire école. Comme le film aussi, universel par ses thèmes (l'amour et le deuil) mais gonflé dans ses différentes combinaisons possibles, les chansons auront un petit parfum de classicisme (avec des arrangements de chambre) mais une certaine aspiration à la modernité (Inventaire). Alex Beaupain, le compositeur-parolier, avait déjà sorti un album en 2005. A l'écoute de Brooklyn Bridge un peu sirupeux, présent sur la BO et rescapé de ce premier opus, on se dit qu'il a du faire des progrès depuis. A moins que le projet proposé par Christophe Honoré, ne l'est complètement transcendé. Quoiqu'il en soit et comme morceau choisi, on se sent porté par la tristesse de les yeux au ciel, aspiré par la puissance amoureuse de ma mémoire sale (un titre qui vous retourne littéralement le sang), ému par le très Autour de Lucie Si tard. Et on se prend à rêver : Ah si toutes les chansons françaises étaient de cette qualité !