Longtemps, cet album est resté sur mon étagère sans bouger. J'ai obtenu mon permis de conduire en septembre 2011. Une nouvelle année de travail commençait pour moi, à Rouen. Ma petite amie commençait sa première année d'architecture à Paris, elle avait quitté Rouen pour s'installer dans un appartement assez miteux du 18ème arrondissement. Cette situation laissait présager de nombreux allers-retours Rouen-Paris pour se voir le week-end.
Ce fut le cas, je fis plusieurs fois la route, seul dans ma voiture. Je partais le vendredi soir vers 20h, à la fin de mes cours de fac. Il faisait déjà nuit.
Direction Porte de la Chapelle. Ce furent mes premiers voyages au volant de cette C3.
Une longue route m'attendait. J'étais seul, excité par cette sensation de liberté, feux de croisement éclairant la chaussée en direction de Vernon (fauché, j'évitais les péages). C'était le moment parfait pour poser une ambiance sonore à ces deux heures et demi de bonheur solitaire dans la pénombre. Par réflexe, les premières galettes que je mis dans mon lecteur CD furent mes compils de pop new wave des années 80/90, un vrai poids lourd émotionnel pour moi.

Mais, profitant d'un feu rouge étincelant au milieu des ténèbres lugubres de Vernon, j'ouvris ma boite à gants et j'aperçus le CD d'Oxmo et des Jazzbastards. C'était le moment rêvé de découvrir ce qu'il cachait. Et il en cachait des choses...

Oxmo commença à me narrer l'histoire du Lipopette Bar, de ses personnages et de son ambiance. C'est à peu près le concept de ce disque : un récit imaginaire, décrivant cet univers tamisé qu'est le Lipopette Bar. Un endroit abritant des personnages divers : les badauds, les artistes, les mafieux... Une ambiance de folie qui s'est définitivement inscrite dans l'habitacle de mon véhicule ce soir là, et que je n'ai cessé de renouveler à cette période, pour ce même trajet. J'avais découvert le talent d'Oxmo en visitant son opéra, je le retrouve avec la même force dans ce bar à la personnalité si clairement marquée.
Oxmo se la joue conteur de fables, il mêle les anecdotes de ses personnages à ses leçons de vie personnelles.

« Les enfants, je vais vous raconter l’histoire du lapin qui se prenait pour un lion
Et qui après son arnaque pensait prendre l’avion

Hey chérie ce soir je rentre avec deux billets d’avions
Prépare bagages et champagne, on part pour les Caraïbes
Si Yuri préférait Kali, le poker était sa passion
Voici les points clés de ma narration »
La Roulette Russe. (excellente piste parmi tant d'autres)

La pire erreur serait de négliger l'excellent travail des Jazzbastards dans cet opus : quelle alchimie avec le flow d'Oxmo. L'ensemble fait un carton : tout cet univers prend vie, l'ambiance se tend et se détend au rythme des instrus. Ces dernières sont tantôt pleines d'énergie, tantôt plus calmes et feutrées en fonction de l'évènement survenant. L'émotion, elle, est toujours bien là. Ces types deviennent les vrais musiciens du Lipopette Bar, en fait.

Et moi, dans tout ça, je trouvais l'ambiance très parisienne. Alors, c'était parfait. L'arrivée sur le périph' m'émerveillait, les lumières des buildings et des tunnels interminables... Deux heures plus tôt, j'étais à Rouen. Et là, des centaines de personnes déambulaient encore dans les rues, pendant que moi je hochais la tête dans ma caisse emplie d'air chaud et qu'Oxmo rappait :

« Sur mon bateau j'pars à la conquête Yo
on fume les épinards Black Popaye Yo
et jeter l'ancre dans plus d'un hôtel
ce soir on représente le rap qu'on paye. »
Black Popaye.

Le Lipopette Bar aurait bien pu se cacher ici ou là dans tout ce bordel...

Un disque qui m'a rendu encore un peu plus amoureux de Paris, pourtant la situation n'était pas toujours facile à vivre. Mais ça avait un tel charme tout ça...
Endless_
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le 1 oct. 2012

Modifiée

le 1 oct. 2012

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Endless_

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