Les année 90 sont incontestablement l'âge classique du Hip-Hop. La décennie précédente avait déjà posé des bases solides avec EPMD, Eric B & Rakim. Les traits du Boom Bap, un rap plus sobre, plus grave, sur des beats jazzy s'esquissait peu à peu. Le Hip-Hop commençait à s'affranchir des beats funk-disco, du caractère festif des blocs parties où les samples de références étaient ceux de James Brown pour se façonner un son bien à lui, crâde comme les rues de N-Y. Ce son magique des nineties, c'est ces beats nonchalants, taillés au millimètre avec des samples issus du répertoire cool jazz. Le mot gritty, qui se traduit assez mal en français caractérise ce son ou les craquements du vinyle sont mis en avant sur des tempos ralentis.

La séquence historique qui nous concerne est la période 90-95 ou beaucoup de choses se passent qui donnent naissance à un véritable mythe de l'âge d'or du Hip-Hop. En 1992, Pete Rock enregistre "Mecca and the Soul Brother" avec CL Smooth qui connait un grand succès. En 1994, le soul brother participe au légendaire Illmatic qui rassemble les plus grands producteurs de Hip-Hop. L'album se distingue par la gravité de ses textes et l'empathie de son flow. En 1995, Pete Rock, au sommet de sa gloire fonde son label "Soul Brother Records" et produit deux disques avec des MCs méconnus de son quartier : "Center of Attention" avec INI et "The Original Baby Pa" de Deda. Sauf que voilà, embrouilles avec la maison de disques Elektra pour des histoires de droits et les deux disques restent dans les tiroirs jusqu'en 2003 où BBE records nous les rassemble dans sa collection "lost and found"

Aucun de ces MCs ne se distinguent par des performances incroyables. Ils ne peuvent pas prétendre appartenir à la catégories des MCs à skills qu'étaient CL Smooth et Nas et leurs lyrics ne sont pas non plus d'une grande originalité. Leur flow respectif est cependant très à propos sur les beats de Pete Rock. De ce point de vue, ce dernier a su imposer sa marque de fabrique : Des sonorités très jazzy, des cuivres merveilleusement selectionnés, des hooks samplés sur d'autres hooks de Hip-Hop, d'une grande force percussive. Des perles de Beats pour chaque morceau. Une petite fausse note s'il en est : "How I'm livin" avec Deda, un peu mièvre. A part ça, les volutes de sax sur "Baby pa", Le piano sur "Square One" qui flotte sur le beat avec lyrisme, plus syncopé, toujours aussi aérien sur "Nothing more". Chaque écoute est une nouvelle découverte, un petit morceau de scrach glissé subtilement, une rupture de rythme, quelques notes de syntés ...

Si des critiques un peu pointilleuses ont mis l'accent sur le hiatus entre des prod impeccable et un songwritting un peu décevant, je préfère dire de ces albums qu'ils sont simples et humbles et d'une grande beauté formelle et symbolique. Le caractère tardif de leur diffusion rajoute un charme à ces productions typiques de la golden era du Hip-Hop new-yorkais. Leur écoute est une immersion dans le N-Y fantasmé des années 90 et on se dit : "Ca c'est du Hip-Hop"
educharm
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le 28 févr. 2013

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