Loveless
7.8
Loveless

Album de My Bloody Valentine (1991)

Loveless. L-O-V-E-L-E-S-S.
Sans amour.


C'est pourtant avec une affection profonde que cette introspection musicale (car oui, je refuse d'appeler ça un simple album) s'est attaché à mon cœur, lors d'une soirée un peu confuse où régnait l'odeur d'une cigarette froide, les bruits lointains d'une ville aux abois, une lampe à la luminosité intime et des pensées instables sur un fond de nostalgie amoureuse.


De ce tableau aux accents clichés d'un film pour adolescents au budget assez limité a alors surgit un voile de guitare agressive accompagné d'une lumière, une sorte d'aurore boréale, celle du chant de Bilinda Butcher. Véritable sirène des mythes grecques, c'est ainsi que Loveless réussit à me happer hors des frontières du physique et même du réel pour m'emporter là où je n'aurai jamais cru parvenir. A cet endroit qui nous angoisse, nous fascine, nous attire tout en nous repoussant, celui de notre passé. L'endroit de toutes les possibilités. Celles que nous avons réalisé, celles que l'on a entrevue quelques instants entre les feux d'une journée de printemps et les mirages d'une nuit d'hiver.


Il faut savoir que l'introspection musicale commence très fort, avec le sans pitié Only Shallow, où toute la tendre brutalité de ce groupe si singulier fait office de représentant entier de Loveless, oscillant entre la sauvagerie et l’agressivité de son refrain et ses couplets délicieusement séduisants que seul My Bloody Valentine est capable de composer. Tout au long des 11 pistes s'enchaîneront alors oxymores et métaphores musicales, entre la violence et la douceur des passions du coeur. Loveless n'est pas un album, il n'est pas à proprement parler de la musique en lui-même, mais l'incroyable et déroutante représentation auditive des troubles de l'amour, des déchirures et contractions si pénibles qu'il fait ressentir à notre âme, mais qui pourtant nous font sentir plus que jamais vivant.


Si ce génie artistique est à applaudir tout au long de ce concept introspectif qu'est Loveless, certaines pistes se démarquent par une plus importante grandeur d'âme, une plus grande sensibilité et une sincérité nettement perceptibles dans la langueur des voix unies de Shields et Butcher ou dans la fougue de leurs guitares. C'est ainsi que se démarque les indicibles Only Shallow, When You Sleep, ou encore What You Want, mais où apparaît comme plus grand sommet de Loveless la digne représentation parfaite du shoegaze qu'est Sometimes, remarquablement utilisée dans le non moins prodigieux Lost In Translation de Sofia Coppola.


Cette introspection musicale que représente Loveless est un véritable chef-d'oeuvre. J'aurai très bien pu continuer à en faire une éloge durant des lignes et des lignes, mais tout a été dit depuis les 27 ans nous reliant à sa sortie, le 4 Novembre 1991. "Véritable perfection musicale", "génie artistique indépassable" ou encore "prodigieuse reproduction sensitive des affres des passions humaines", plus aucune nouvelle ligne ne saura représenter le génie qu'est Loveless. Sans amour.


Il ne nous reste plus qu'à nous laisser voguer vers les contrées si familières et inconnues de nous-même, vers ce passé si tortueux mais qui nous a permit de devenir qui nous sommes à présent, vers cette fille ou ce garçon que l'on a aimé il y a de ça quelques mois ou années et où l'on se demandait vraiment si c'était réel, si tout cela existait vraiment...
Loveless est une expérience. Loveless est un concept. Loveless est l'art.
Apprenez à l'écouter, à l'apprécier, à le comprendre, car tout y est évident mais pourtant illogique, tout comme l'amour que l'on porte pour quelqu'un.
Allongez-vous un soir où votre esprit vous semble enclin à la rêverie, à l'introspection, au voyage. Démarrez Loveless sur votre platine ou sur votre enceinte. Écoutez les bruits de la nuit puis les battements de votre âme, ils ne font qu'un.


Loveless ne vous aidera pas à comprendre votre coeur. Il vous aidera à vous y retrouver.

Lafonthug
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Top 10 Albums

Créée

le 17 déc. 2018

Critique lue 553 fois

5 j'aime

1 commentaire

Lafonthug

Écrit par

Critique lue 553 fois

5
1

D'autres avis sur Loveless

Loveless
Slowdive
10

Critique de Loveless par Slowdive

Enveloppant, rassurant, terrifiant, éprouvant...tout a été écrit sur cet album légendaire. On a ici, dit-on souvent, affaire à une oeuvre en apparence contradictoire, partagée entre le pouvoir...

le 21 juin 2012

23 j'aime

Loveless
TWazoo
9

Et on a skié

Plus tard, par émoussement de l'esprit, j'ai appris à me rallier au consensus des images que l'on associe à Loveless. Des images chaudes, du magma, celui des guitares qui phagocytent tout le reste,...

le 14 déc. 2020

18 j'aime

5

Loveless
Quantiflex
7

747

Les jaguars bavent, il y a du studio, on se croirait à Orly... Je mets une bonne note pour "SOON" un des trucs les plus denses et les plus vitaminés que j'ai jamais entendus, (surtout sur deux...

le 18 janv. 2012

14 j'aime

2

Du même critique

Ma vie avec John F. Donovan
Lafonthug
9

Le beau mensonge

J'avoue être un peu désarçonné face à toutes les critiques négatives que rencontre Ma Vie avec John F. Donovan, nouveau né du petit prodige du cinéma canadien Xavier Dolan qui n'a plus rien à prouver...

le 16 mars 2019

35 j'aime

1

The New Abnormal
Lafonthug
10

Drums please Fab

Que dire, que dire, que dire... Les revoilà enfin. Les "sauveurs du rock" comme on les appelait il y a de ça une petite vingtaine d'années. Disparus depuis 4 ans pour certains, depuis 7 ans pour...

le 10 avr. 2020

21 j'aime

2

Une idée apparaît
Lafonthug
9

L'art de créer

J'en ai lu des romans du maître Murakami, bien plus encore que ce que je m'aurai cru capable de lire en à peine deux ans. En passant par son chef-d’œuvre d'onirisme et de poésie qu'est Kafka Sur Le...

le 31 oct. 2018

20 j'aime

3