Lust for Life
6.8
Lust for Life

Album de Lana Del Rey (2017)

Après le crépusculaire « Ultraviolence » et le touchant « Honeymoon », j'attendais beaucoup de Lana del Rey. Mon inquiétude principale était qu'elle ne parvienne pas à se renouveler suffisamment et qu'elle se serve de sa popularité bien assise pour sortir un album plus convenu et moins inspiré.


On pourrait pourtant croire qu'avec 16 titres (soit son album avec le plus de morceaux) et 5 featurings (Stevie Nicks, A$AP Rocky, Sean Lennon et The Weeknd répondent à l'appel), Lana a mis les petits plats dans les grands et s'apprête à nous sortir une sacrée tambouille.
C'est pour ça que je n'irai pas jusque dire que « Lust for Life » est un album de facilité, qu'elle s'est vendue au grand méchant Capital et que plus rien n'est sauvable mais force est de constater qu'il s'agit d'un album de transition et qu'elle semble laisser derrière elle certaines des qualités qui la plaçait si haute dans mon estime, tout en gardant paradoxalement nombre de ses tics de composition.



  • Featurings entre deux eaux


Pour la première fois, Lana del Rey invite d'autres artistes à poser leur voix sur ses morceaux. Ces interventions sont-elles vraiment pertinentes ?
La première à avoir filtré fut le morceau éponyme en collaboration avec l'artiste canadien The Weeknd. Je dois avouer ne pas être habituellement tendre avec ce dernier, n'appréciant guère la vague de R'n'B alternatif dont il est l'un des plus fructueux représentants. Ses collaborations avec Daft Punk et Disclosure m'insupportent au plus haut point par exemple. Et pourtant, sur ce morceau, les deux voix se marient plutôt bien sur une petite instrumentation trip hop avec du spoken word en intro. Bon, les paroles ne volent pas haut, mais ce n'est pas pour ça que j'apprécie la chanteuse.
Là où ça se gâte c'est quand on arrive aux feat d'A$AP Rocky et de Playboi Carti. Je ne suis pas un familier de la discographie des bonhommes mais les « ouais ! ouais ! yo » du dernier sur « Summer Bummer » n'apportent rien et les codes trap rap me semblent mal coller à l'univers musical de Lana. Mais étrangement, les parties rappées ne sont pas incongrues, A$AP Rocky adopte un flow plus tranquille et ne détonne pas trop avec les couplets très justes de sa partenaire. Toutefois, l'instru trap ne me paraît pas pertinente et semble relever d'une volonté de surfer sur cette mode contemporaine quitte à s'éloigner de l'intimisme atemporel des albums précédents.
Après des participations d'artistes résolument contemporains, la place est faite à la nostalgie avec deux émissaires du son old-school (celle qui a popisé Fleetwood Mac et le digne héritier de feu John Lennon). Stevie Nicks empoche facilement la palme du feat inutile avec son imitation nasillarde dispensable de Lana. Par contre, l'intervention de Sean Lennon sur « Tomorrow » est efficace et permet au morceau d'explorer un autre versant onirique (évidemment très reminiscent des Beatles), la chanson est fluide, les deux voix s'accordent bien sur les refrains et l'instru fait bien le travail.



  • Rien de nouveau dans le solo ?


Qu'en est-il alors des morceaux où Lana officie seule ? Parviennent-ils à convaincre tout en dévoilant de nouvelles choses ? La réponse est encore en demie-teinte.
Certains morceaux essaient de renouveler le style : sur « In My Feelings », Lana adopte un flow différent, très syncopé, qui d'abord perturbe mais devient vite pertinent, auréolé par un refrain élégiaque terriblement séduisant où sa voix semble prête à se rompre. « 13 Beaches » laisse entendre des harmonies différentes, très élégantes, avec une instru minimaliste étouffée aux petits oignons. « Change » lance quelques pistes attrayantes sans les exploiter suffisamment.
A côté de ça, on se retrouve avec une bonne pelletée de morceaux assez désincarnés et interchangeables. « Love » est moins spontané que les précédents efforts, le refrain de « Get Free » ne prend pas, trop sucré, « Cherry » est assez poussif, « White Mustang », « When the World Was at War We Kept Dancing », « Heroin », sont des titres agréables mais peu mémorables sur lesquels Lana recycle tous ses tics de composition habituels (voix doublée sur les refrains, reverb dans tous les coins, écho récurrent, etc.).
Puis « Coachella - Woodstock in My Mind » qui, en plus de faire la promotion d'un festival de décérébrés où les préoccupations fashion surpassent l'intérêt porté aux groupes, s'encombre d'une référence fumeuse à Led Zeppelin. « God Bless America » lui succède et n'arrange pas le tir : un titre pas vraiment nécessaire aux paroles nébuleuses mais qui plaira sûrement aux Américains qui achèteront en masse l'album.



  • Du noir au bleu


Après ces montagnes russes, qu'est-ce qui ressort de « Lust for Life » ?
Parfois, je me suis demandé si Lana del Rey ne commençait pas à se parodier en abusant jusqu'à l’écœurement de clichés dans l'arrangement, l'écriture et la composition de ses morceaux. Les refrains avec une sur-utilisation de la reverb commencent à se confondre dans ma tête (alors pourtant que j'ai poncé sa discographie un sacré nombre de fois). Lana a besoin de se défaire de cet encombrant attirail et même si elle décide de se diriger vers des horizons musicaux moins torturés qu'auparavant, elle aurait tout à gagner à se réinventer en profondeur.
La dernière phrase de l'album en témoigne, la chanteuse « quitte le noir pour entrer dans le bleu ». Il n'y a plus qu'à espérer qu'elle y trouvera une inspiration ranimée.

Raton
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le 21 juil. 2017

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