Transformation contre nature mais très convaincante

On en a trop fait à propos de Nirvana.


A force de vouloir chercher à tout prix l'étendard d'une nouvelle époque, on s'est mis à encenser la première bande d'énervés à envoyer un coup de pied dans la fourmilière.
Objectivement, Kurt Cobain et ses potes sont incapables de proposer un album homogène et leur influence sur le rock n'est pas primordiale (à moins de considérer Seether et Nickelback comme essentiels...).
Subjectivement, leur musique manque de substance: à cause des compositions trop basiques et des mélodies pas toujours transcendantes car simplistes.


Mais à défaut de trancher d'un côté ou de l'autre, considérons-le pour ce qu'il est: un second couteau qui s'est retrouvé au bon endroit, au bon moment et qui a donné ce que les gens de cette génération attendaient: une musique accessible et authentique.


Ce MTV Unplugged in New York pourrait avoir du mal à correspondre à ce dernier critère. Puisque Nirvana, c'est avant tout du punk joué avec un feeling pop et ce live, transforme cette entité en une formation acoustique qu'on aurait vite fait de cataloguer comme gentillette et ennuyeuse... Mais ce n'est pas le cas. Car comme tous les hommes, Kurt Cobain va livrer le meilleur de lui même dans l'adversité.


Difficile de ne pas faire le parallèle avec son suicide qui surviendra quelques mois après l'enregistrement de cette performance. Mais on sent un chanteur à bout, fatigué de tout ce battage médiatique. De ce succès qu'il sait immérité et même injustifié selon son propre aveu. Ce qui aurait pu rendre ce live pénible, transcende, au contraire, des compositions parfois juste correctes ("Something in the Way", "Polly") et rend les meilleures chansons de Nirvana extraordinaires ("Pennyroyal Tea", "On a Plain" ou encore "Come as You Are").


Le choix de meubler le skeud de reprises est souvent un argument de poids chez les détracteurs de Nirvana, mais elles démontrent en vérité une réappropriation qui force le respect. Notamment le "The Man Who Sold the World" de David Bowie, très réussi tout en restant fidèle à l'originale. Je ne serais pas aussi élogieux à propos des chansons des Meat Puppets, car à l'exception de "Plateau", elles s'éloignent trop de l'univers de Nirvana en plus de pénaliser le rythme par leur mollesse.


"Where Did You Sleep Last Night" conclue cette atmosphère particulière de manière sympathique, notamment avec le cri de Kurt. Une façon définitive de prouver à tout le monde qu'il n'y a pas besoin d'être un chanteur irréprochable pour être touchant. Cobain s'assume avec ses approximations et réussit à transformer une musique belliqueuse en ode à la musique intimiste, sans pour autant se trahir avec le caractère pourtant très commercial de ce live.


C'est peut être pour cette raison que Nirvana est autant apprécié: un groupe seulement sympathique mais adulé car sincère, malgré son énorme succès.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 22 juil. 2015

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Seijitsu

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